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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Au concours des villes sinistres, amochées par les ravages de la pauvreté, Güllen obtiendrait sans doute un bon classement. La pièce s'ouvre sur un tableau qui fait sourire par l'intensité de son côté «misère de misère» : Seul plaisir qui leur reste, les hommes regardent passer les trains, survivent grâce aux allocations chômage et à la soupe populaire, ils végètent, regardent l'huissier passer, qui vient pour la saisie de l'Hôtel de Ville.
Pourtant ce jour-là, l'espoir renaît : ils attendent la milliardaire, leur Clara, leur Clairette, ils l'ont vu grandir, ce serait bien le diable s'ils ne parvenaient pas à lui faire cracher ses millions.
Mais – misère de misère ! - la charité, ce n'est pas vraiment le truc de la vieille dame, ce qui la fait vibrer, ce serait plutôt une bonne grosse vengeance, un projet de type:
« le monde a fait de moi une putain, et maintenant j'en fais un bordel. »
La vieille dame parviendra-t-elle à faire des Gülleniens des putains prêts à vendre leur morale et la vie d'un des leurs en échange de cent milliards? La petite ville en viendra-t-elle à adopter l'adage «Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût lucratif, on a fait que ce qui est lucratif fût juste.»?
 
Dürrenmatt nous renvoie une image peu reluisante de nous-mêmes, mais, comme l'a brillamment montré Nastasia, évidemment trèès éloignée de toute réalité et bien sûûr plus du tout d'actualité - ce serait inimaginable qu'aujourd'hui on laisse, par exemple, notre pays se rendre complice de crimes de guerre en vendant des armes à l'Arabie Saoudite. Je ne sais même pas pourquoi cette drôle d'idée a pu me passer par la tête. Et d'ailleurs, on ne va pas ergoter sur un détail vu que d'une façon générale au moins, on vit dans un système hautement civilisé où il serait inconcevable de voir la recherche du profit passer avant les valeurs humaines non?

N'empêche, une pièce intéressante !
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Si un professeur de théâtre ne nous avait pas demandé de lire "La Visite de la vieille dame" dans le but de nous faire travailler le texte de la pièce, je ne l'aurai probablement jamais lue, ni même découverte. En effet, je n'avais absolument jamais entendu parler de ce monument de noirceur et de son auteur, le prolifique romancier et dramaturge suisse Friedrich Dürrenmatt... Même si je ne suis pas certaine de poursuivre plus avant mon exploration de la bibliographie de ce dernier, je ne regrette pas cette lecture même si elle m'a mise très mal à l'aise... Cependant, si je veux être pleinement honnête, je crois que c'est ce même sentiment de malaise qui m'a fait aimer "La Visite de la vieille dame" et son ton aussi cynique que vitriolé, l'intelligence provocatrice de son propos, son audace...

Autrefois prospère, la petite ville de Güllen est aujourd'hui au bord de la faillite. La banqueroute a fermé les usines, ruiné les commerces, privé de pain et de feu les foyers même les plus aisés et la bourgade ressemble aujourd'hui à ces villes industrielles désaffectées et laissées pour compte, amochées par le béton et l'abandon, ravagée par la paupérisation... Pour ses habitants, il n'y a plus guère d'espoir de voir couler à nouveau des rivières de miel et de lait dans la ville, plus d'espoir de sortir de ce marasme gris, gluant dans lequel chacun semble s'enfoncer... Il y a bien le maire de la ville qui bataille encore mais sans trop y croire...

Non il n'y a plus d'espoir... A moins que... Une lueur peut-être, très loin au bout du tunnel, une lueur qui débarque en ville par le train de onze heures vingt sept. Cette lueur a pour nom Claire Zahassian. La vieille dame aujourd'hui richissime et qui doit sa fortune à sept mariages successifs est de retour dans la ville qui l'a vu naître et grandir. Elle a bien changé, d'ailleurs, la petite Claire qui courait pieds nus, libre et fantasque et la voilà aussi bardée de millions que de visons, nanti de son pâle époux du moment. le salut de la ville viendra peut-être de cette femme que le maire, l'épicier et le professeur, promus comité d'accueil, voient déjà comme une bienfaitrice, une bonne fée un peu abimée. Bien sûr qu'ils espère lui soutirer ses millions, d'autant qu'elle a elle-même laissé entendre que ce serait possible... Les millions de la vieille sauverait la ville et ses habitants, vous pensez. Que ne feraient ils pas les braves gens de Güllen pour cet argent? Alors, ils écoutent la Zahanassian. Religieusement. Dévotement.
Et quand elle annonce que oui, elle leur versera des millions, c'est le ciel qui s'entrouvre jusqu'à l'énoncé d'une condition pour le moins impolitiquement correct: en échange de son or, elle veut une vie. Elle veut et elle ordonne que quelqu'un tue l'épicier, Alfed Ill. Celui qui fut autrefois son fiancé la mit alors enceinte avant de l'abandonner et Claire veut sa vangeance.

A partir de là, c'est l'escalade, pour le pauvre Alfred Ill d'abord, qui convaincu du soutien de ses concitoyens se retrouve aux prises avec l'attitude de plus ambiguë envers lui de ces derniers; pour les villageois qui oscillent, hésitent entre la morale et l'appât du gain; pour les spectateurs/lecteurs enfin qui insistent avec impuissance, dégout et fascination à la montée de la tension qui envahit peu à peu la pièce jusqu'à en rendre l'atmosphère étouffante, oppressante jusqu'à l'insupportable...
Le malaise s'installe peu à peu et s'allie étrangement à une forme d'humour très noir, très cynique qui nous offre alors des passages proprement jouissifs. C'est étrange, c'est audacieux et c'est furieusement inconfortable. Oui on rit, on applaudit la dénonciation de l'avidité et de l'individualisme de la société, mais finalement, qui sont ces personnages veules, fauves, avides, âpres au gain, prêts à tout, hypocrites si ce n'est... nous? Qui peut dire comment nous réagirions face à un tel dilemme? Qui pour oser prétendre qu'une vie vaut mieux à nos yeux que des millions? Bien sûr, on aimerait tous être purs, réfléchis... Bien sûr... Mais qui sait vraiment?
Alors oui, cette pièce en trois actes est grinçante et jouissive, corrosive et arrosée de vitriol, réjouissante et engagée mais elle est aussi profondément dérangeante et c'est aussi ce qui en fait le sel.
Et puis ce rythme, ces entrées et sorties de scène virevoltantes.
Et puis cette vieille dame qui telle un chat jouant avec des souris tire les ficelles du drame qui se joue sous ses yeux, ce drame déguisé en farce grotesque.
Et puis cette scène qui termine l'Acte II où l'angoisse est à son comble.
Et puis ces réplique qui font mouche autant que sens.
Et cette chute, cette chute génialissime qui dit en quelques répliques toute l'hypocrisie du genre humain prêt à cacher derrière de pauvres idéaux falsifiés et une morale inattaquable ce qu'il a de pire. Cette chute, cette fausse morale martelée par le maire et le professeur...

Sombre, inconfortable, cynique mais terriblement lucide et encore plus intelligent.
A lire, à voir.


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Décidément, j'aime beaucoup l'écriture, le style et l'humour de Dürrenmatt. Quel talent dans la mise en scène de cette pièce, dans la création de ses personnages tous plus loufoques les uns que les autres, dans ses décors oscillants entre Jardin d'Eden et habitat des Misérables et dans cette intrigue grotesque.
J'ai dévoré ces trois actes me délectant de cette folie absurde. Il est malin ce Dürrenmatt !

Et puis, vers la fin ressortent quand même de grandes questions existentielles : Jusqu'où l'humain est-il capable d'aller pour avoir de l'argent ? Jusqu'où peut-il être créatif pour se donner une parfaite bonne conscience ? Peut-on vivre une vie entière avec un sentiment de vengeance qui parasite nos choix ? Et moi, dans cette situation, qu'aurais-je fait ?

Je ne suis pas habituée à lire des pièces de théâtre. Ce deuxième essai, après "Les Physiciens" de ce même auteur, m'a totalement convaincue. C'est sûr, j'en lirai d'autres ! Et puis, je tenterai d'aller voir cette pièce au théâtre. Je me régale d'avance imaginant Mme Zahanassian, autoritaire, dégoulinante d'autosuffisance, dans ses habits de parvenue clinquants et rutilants.

Un excellent moment de lecture !
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Fantastique, glaçant, vraiment très pessimiste sur la nature humaine, voilà comment est La visite de la vieille dame, le récit du retour dans la petite ville de sa jeunesse d'une femme devenue milliardaire. Malgré le thème, rien ici de nostalgique, le personnage principal n'a rien oublié, rien pardonné, et c'est bien un drame que cette pièce.
Claire Zahanassian, notre vieille dame donc, est âgée, tenace, sans illusions sur la nature humaine. Elle revient à Güllen , le bourg où elle a grandit, aujourd'hui dans un état de décrépitude avancée depuis que les usines ont fermé les unes après les autres. Tout le monde semble prêt à lui dérouler le tapis rouge dans l'espoir qu'elle investisse chez eux, seulement ce n'est pas si simple. La vieille dame leur met le marché en main: l'argent, beaucoup, beaucoup d'argent, contre la vie de l'homme qui l'a trahie toutes ces années avant.
Autant dire qu'avec le thème de la pièce, c'est une tragédie plus qu'autre chose! Ce n'est que la deuxième oeuvre de cet auteur que je découvre et j'avais préféré la pièce Les Physiciens, mais il n'en reste pas moins que c'est brillant, cynique, violent et une découverte que plus de lecteurs devraient tenter!
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C''est l'effervescence dans la petite ville de Güllen ! Des décades après en être partie, Claire Zahanassian revient en vieille dame richissime et propose la richesse aux concitoyens de son village natal en échange de la mort de celui qu'elle a aimé et qui l'a trahie. Que vont décider les bonnes âmes de Güllen ?
Comment se regarder dans le miroir après avoir souhaité la mort de son voisin ? Comment se donner bonne conscience tout en espérant le pire ? Une pièce de théâtre savoureuse et grinçante sur l'hypocrisie et la médiocrité du genre humain.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Pièce en trois acte, qui se lit rapidement, dans lequel il est question de la vengeance d'une vieille femme richissime, revenant dans le village de son enfance afin d'y faire assassiner un ancien amour de jeunesse. le village au bord de la banqueroute se voit devoir faire un choix entre refuser une somme colossale et sauver la vie du malheureux ou accepter de le tuer et encaisser la fortune de la mise à prix pour sa mort.
Un plaidoyer sur les sentiments humains, les beaux et les moins beaux.
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Friedrich Dürrenmatt signe ici une pièce de théâtre presque sanglante. On y découvre la corruption par l'argent, la perte de la morale face au miroitement de l'or. Cinglant, La visite de la vieille dame démontre ce dont l'homme est capable, assoiffé comme il est de richesse. Car c'est bien ça l'objet même de la pièce : à quel point la morale et la vie humaine peut devenir futile aujourd'hui face au pouvoir de l'argent.
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J'ai beaucoup aimé « La Visite de la vieille dame » de Dürrenmatt qui nous emmène sans peine dans son univers étrange rempli d'humour noir. de plus cette pièce de théâtre est, je trouve, très facile à lire.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Très fin, sans complaisance sur les humains.
Aucune fausse note, malgré le sujet très risqué.
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