Avec «
L'assassin habite à côté »,
Florence Dutruc-Rosset signe une petite bafouille qui prête à sourire à son dénouement, sans plus.
Contrairement à d'autres livres de cette collection Mini Syros Polar (« J'ai tué mon prof ! », « Le chat de Tigali », « Crime caramels », « Trois télés et un pendu », « On a volé mon vélo »…), on sent ici que l'auteur cherche à coller à l'univers de l'enfance, mais façon clichés, peu inspirée, putative. Au lieu d'amener l'enfant vers un vrai polar, la romancière commet l'impair d'adapter le polar à l'enfance. Ça sent le faux, on ne croit à rien, on n'entre pas en littérature. L'oeuvre ne parle pas à tous, juste un texte fadouille, à l'intention des enfants. Rien de pire à mes yeux, tant cela perd en force, en crédibilité, et réduit les horizons du lecteur. L'ennui guette et le genre en prend pour son grade.
Petit coup de gueule donc, à l'occasion de cette critique, envers l'organe éditorial qui veut nous faire croire à une littérature jeunesse. Car le polar, c'est bien autre chose. Ce sont des thématiques fortes (racisme, injustices, jeunesse désemparée, exclus, gens à la marge, etc.) auscultées avec acuité et sous couvert de criminalité pour divertir le plus grand nombre. C'est aussi l'assurance d'une langue forte, de jargons, de baragouins, d'univers léchés, une immersion dans un monde noir mais truculent, pas gratuit pour deux sous, qui a des choses à défendre.
Ici, l'écriture est plate, aseptisée, sans jubilation. Simple ne doit pas signifier simplet. Il manque clairement un auteur, une patte, du style. Les enfants devraient-ils s'en passer ? Bien sûr que non ! Ce sont les formules alléchantes qui font le sel d'un texte que l'on retiendra. Je n'ai d'ailleurs pas ressenti ces manques dans d'autres propositions de la collection, menée avec entrain et gouaille. Vraie déception pour ce livre-ci, car le but de cette initiation polar, à mon sens, c'est donner le goût de la lecture et de l'écriture. La phrase et le mot sont donc à soigner, au coeur de la séduction. Il s'agit de sortir l'enfant de ses habitudes, or, on retrouve ici tous les codes de la littérature jeunesse, sagement appliqués, comme si une Charte fadasse existait.
A titre d'exemple, dès la quatrième de couverture, on nous parle de peur, dans le texte aussi, deux fois, trois fois, cent fois, à l'usure, sans jamais créer d'ambiance. Les effets d'annonce n'apportent rien, on reste totalement extérieur à cette frousse maladroitement fabriquée.
Florence Dutruc-Rosset ferait mieux de nous la faire ressentir, cette trouille, plutôt que l'évoquer, de nous immerger dans la situation critique au lieu de broder à l'ennui (25 pages avant d'arriver enfin au coeur du sujet), il serait bon nous faire éprouver le danger, le goût du risque. Faute de quoi, on nous serine des inepties du type : « (…) La nuit était vraiment sombre. (…) » (p. 24). Et il faudrait avoir les pétoches avec ça…
Et pourtant, le petit artisanat est bien fichu, ça plaira aux bambins que l'on nourrit à l'eau tiède. Pas aux amateurs de whisky. Un peu de fond, un peu de forme, un peu de style bon sang ! Cessons d'écrire comme Madame Tout-le-monde ! Pourquoi
Boris Vian est-il si attractif ? Parce qu'il explose les codes, se joue des jargons, crée un univers ! Nos mioches ont besoin de ça pour développer leur esprit inventif. Evitons-nous une génération de journaleux, nos futurs grattes-papiers ont droit de viser le talent.
Voilà donc ma petite diatribe à l'encontre de cette idée d'une littérature jeunesse. J'y vois là de la littérature naïve, bas-de-gamme, stérile, sans portée, la soupe que l'on sert bien trop souvent agrémentée de beaux dessins pour faire passer le goût de l'amer, au lieu de porter la littérature vers le haut, sans distinguo de cible. Dommage pour cette proposition-ci. Heureusement, le reste de la collec' est plus riche.