Trois noms d'abord :
Verlaine, Nouveau et Rimbaud. Et puis, comme un large tableau, trois bandes, souvent deux, qui s'étendent jusqu'au prochain chapitre, où l'on suit, verticalement, les aventures de l'un des personnages. le découpage est certes audacieux et il peut déranger - on est obligés de revenir au début du chapitre, parfois jusqu'à trois fois, pour s'immerger dans une tout autre intrigue mais il permet une synergie entière entre ces 3 personnages dont les histoires sont savamment superposées par un jeu de couleurs.
Ne sont pas racontés ici les éléments connus de l'histoire entre Rimbaud et
Verlaine comme le célèbre coup de feu, sinon évoqués, mais un événement postérieur, la publication des Illuminations de Rimbaud, ouvrage source de fascination pour Germain Nouveau ( que je ne connaissais pas avant de lire cette BD d'ailleurs), peut-être également un cadeau empoisonné - Germain écrivait aussi et il était dur de faire face au génie de son ami. Pour
Verlaine, il représentait un lien avec son vieil amant, une peur de voir ressurgir les fantômes du passé .
Retranscrire l'histoire de ce manuscrit qui a bien voyagé, c'est finalement dessiner des personnages à la personnalité complexe, agités par divers questionnements. D'autant que nous est montrés ici non pas le début ou l'apogée de l'histoire de Rimbaud et
Verlaine mais sa fin donc des personnages plus mûrs, plus inquiets, moins heureux aussi. Ainsi, une certaine nostalgie, tristesse teinte les pages de cette BD dont le dessin nous plonge avec rêverie à la fin du XIXème siècle, à l'aide de traits peu définis qui rendent des expressions mélancoliques, parfois résignées parfois torturées ainsi que des couleurs chaudes ou froides d'un autre temps
On peut saluer l'approche originale de la BD, par sa structure, par l'intégration des personnages, des décors, et une retranscription réussie des états d'âmes qui agitent chacun de ces poètes, tourmentés, à leur façon. Seul Rimbaud m'apparaît moins déchiffrable, moins tangible, moins saisissable, plus éthéré peut-être . C'est très intéressant de voir les poètes que l'on étudie s'animer avec un réalisme frappant dans cette BD. Bien sûr le dessin a ses limites- Rimbaud et
Verlaine notamment apparaissent souvent de la même manière- mais permet de nous immerger dans l'environnement de ces illuminés.
Sur la couverture, trois silhouettes, qui tiennent difficilement, emportées l'une par l'autre, peinant à se soutenir entre elles. Un mouvement flou, un tourbillon dans la vie, dans l'histoire des siècles, des poètes hors du temps emportés par les délices des mots . Une sensation flottante que l'on ne cesse d'éprouver lors de la lecture .