J'ai un faible pour cette littérature du 19ème voire début du 20ème siècle. C'est elle qui nous a donné nos bases littéraires et qui nous a permis, ainsi, de construire notre personnalité de lectrice ou de lecteur. Que ce soit en littérature, en poésie, au théâtre, cette période possède un immense foisonnement de styles différents où nous pouvons choisir entre le romantisme, le symbolisme, le naturalisme, le réalisme ou de « tout un peu ». Mais ce qui avant tout, à mes yeux, guide mon choix, c'est la qualité de l'écriture de tous ces ouvrages.
Depuis un certain temps, je cherchais à approfondir ma connaissance de la littérature portugaise. Quelle ne fut pas ma surprise de lire un billet élogieux de « Oiseaulire » suivi de celui de « PhilippeCastellain » sur le chef d'oeuvre d'Eça de Queiros «
Les Maia », paru en 1888.
Ce fut un bonheur de lecture ! Je me suis laissée bercer et envouter par le style d'Eça de Queiros à la fois lyrique et ironique, d'une très grande élégance. le rythme est lent, il se savoure. En fin observateur, il analyse la société portugaise pendant la période de la « Régénération ». Son regard se fait critique et humoristique. Il raille avec intelligence aussi bien l'aristocratie que la bourgeoisie, la classe politique que l'église. Il pointe de la plume la décadence de ce pays vermoulu (c'est ce qu'il fait dire à l'un de ses personnages) entre la religion et la monarchie avec l'espoir d'élever le niveau de la politique. Les dialogues, dans ce livre, définissent Eça comme un libéral qui aurait aimé faire bouger les lignes de cette société repliée sur elle-même dont la classe aisée s'adonne à l'oisiveté, la classe politique au dilettantisme, trop occupée ou préoccupée par les histoire d'adultère et les secrets d'alcôve qui vont avec.
Cet extrait du livre donne le ton :
« Et du génie ! s'écria Carlos. Délicieux, n'est-ce pas ? Dites-moi donc si tout ce que je pourrais faire pour la civilisation ne vaudra jamais ce plat d'ananas ? C'est pour ces choses là que je vis ! Je ne suis pas né pour contribuer à la civilisation.- Tu es né, répliqua Ega, pour cueillir les fleurs de cette plante de civilisation que la foule arrose de sa sueur ! Au fond mon vieux, moi aussi ! »
Eça fut tour à tour journaliste puis diplomate. de ses voyages, il rapportera des éléments de comparaison qui l'autoriseront à porter ce regard critique sur son pays qu'il concrétisera par l'écriture de la saga familiale des Maia. D'abord le grand-père, Afonso de Maia, vieille aristocrate terrien, grand libéral devant l'Eternel, et surtout Carlos Eduardo Maia, son petit fils qui sera la personnalité majeure autour de laquelle, se déroulera tout le roman sans oublier la belle ville de Lisbonne. Toutes les personnes évoluant dans l'entourage de la famille Maia sont toutes parfaitement dessinées avec leurs individualités ce qui donne un aperçu de la société lisboète de cette époque.
Mais ce qui m'a le plus touchée, c'est l'écriture qui restitue parfaitement les émotions, les états d'âmes, l'intensité du bonheur de vivre, la captation de la pensée qui accompagne l'apparition du véritable amour quand bien même celui-ci se révèle impossible.
Ah un seul bémol : je ne connais rien à l'Histoire du Portugal, j'ai souvent dû me reporter à mon smartphone pour mieux comprendre le contexte, ce qui est un peu gênant.
Mais je vous laisse découvrir ce chef d'oeuvre de la littérature portugaise qui a bénéficié d'une excellente traduction de Monsieur
Paul Teyssier.