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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand deux types aiment la même femme, quid de l'avenir? Pas de Jules et Jim ici, mais Jean-François et Charles. Et pas de rivalité, puisque la donzelle en épousera un autre. Affaire classée.

Chacun de nos deux gus reprend donc le cours de sa vie, bon an mal an. le premier fuit à l'autre bout du monde gérer une plantation d'hévéas en Malaisie, tandis que le second se marginalise et s'offre tous les ponts de Paris comme demeure.
Mais bien des années plus tard, le sort les réunira dans de trépidantes péripéties que nous conte Echenoz dans ce roman d'aventures épiques moderne.

Les mésaventures et situations improbables s'enchaînent donc sous la plume déjà drôlatique et fine de notre futur Goncourt qui l'ignore alors, le fameux prix n'arrivant qu'une grosse décennie plus tard.

Pseudos-ratés, tous les personnages croqués par Jean Echenoz n'en sont pas moins terriblement attendrissants et humains. Entre trafiquants d'armes à l'âme de midinette, petits caïds belges malins comme des sardines en boite, et mutins et rebelles aussi organisés qu'une classe de maternelle en cour de récré, une palette de protagonistes plus fantasques et pittoresques les uns que les autres traversent le récit. 
Aux rendez-vous manqués avec la vie, avec l'amour, et en décalage permanent avec leurs pairs, tous vont pourtant de l'avant, rêvassant et lunaires autant que pragmatiques.

L'air de rien, l'oeil observateur d'Echenoz et son sens affuté de la narration au travers d'une écriture aussi raffinée que précise font mouche.
Car l'air de rien, il construit un récit équilibré, aux multiples histoires qui se recoupent habilement.
Et l'air de rien, un récit qui se termine subtilement comme il débute.
L'auteur nous balade donc. Au sens propre comme au figuré. Inlassablement, on transite entre Europe et Asie à bord du Boustrophédon, passerelle littéraire sous forme d'un cargo léthargique au nom symbolique.
Echenoz se fait plaisir. Echenoz s'amuse. Echenoz me plaît. Somptueux.

Que cela reste entre nous, mais plus je te découvre, plus je te kiffe Jean, sache le. Ta place sur mon podium d'auteurs fétiches se précise livre après livre.

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le type est balaise !
Un livre étonnant, du pur Echenoz à bien des égards et en même temps un livre dans lequel ses qualités sont poussées au maximum et qui pourra dérouter.
Une histoire rocambolesque et riche, exotique à souhait. Et un style d'une virtuosité sidérante, et je pèse mes mots. Il y a tout à la fois une espèce de mise en scène cinémtographique dans l'écriture. Comment fait-il cela ? Mystère ! Et une sorte d'humour constant et élégant qui crée un décalage énorme avec ce qui est raconté. Typiquement par exemple : deux types en défoncent un autre et Echenoz nous raconte cela avec le ton détaché avec lequel il commenterait un diner mondain au Rotary Club. C'est vraiment très particulier, très très brillant. Je n'en vois pas beaucoup comme cela. Mais ce polissage de chaque phrase, cette distanciation constante, nous éloignent un peu de l'intrigue que l'on est fondé à suivre comme un prétexte. de ce point de vue ses romans plus récents sont plus équilibrés entre virtuosité et intrigue. le top restant toujours ses courts récits d'une intensité extrême (14, Ravel...).
On en ressort en tout cas avec le sentiment d'avoir côtoyé un très grand écrivain.
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Je commencerai ma critique ainsi : absolument génial et totalement déroutant. Comme le dit si bien Jean-Maurice de Montremy, du journal La Croix, cité en quatrième de couverture : "Lisez bien les deux premières pages : tous les liens qui unissent les personnages de L'équipée malaise y sont nettement et très efficacement exposés". Mais si cela était si simple, il ne serait pas utile d'aller plus loin que la troisième page, me direz-vous. Et en effet, cela est loin d'être simple.

L'histoire débute ainsi : Jean-François Pons et Charles Pontiac aiment tous les deux la même femme : Nicole Fischer mais cette dernière n'en choisit aucun des deux. Aussi, durent-ils se faire une raison, le premier réussissant admirablement sa vie en construisant une plantation d'hévéas en Malaisie et se faisant dorénavant appelé "le duc" tandis que le second, non pas moins malheureux pour autant, se retrouve à errer parmi les clochards de Paris.
Puis, d'autres personnages font leur apparition au fur et à mesure du roman et c'est là où il faut être attentif pour bien saisir les liens qui les unissent et ce qui est susceptible de les rapprocher par la suite. Mais, c'est là où Echenoz est brillant car, à aucun moment, le lecteur (enfin, du moins moi), bien qu'il arrive à déceler certains indices, n'arrive vraiment à cerner le but des projets établis. Un gigantesque réseau se forme autour des mêmes contacts mais celui-ci est partagé en deux car chacun se bat pour sa propre cause.

Je ne saurais pas vraiment donner d'étiquette précise à cet ouvrage. Roman d'aventures ? Thriller ? ou un tout autre genre...
Bref, tout cela pour vous dire que, moi qui ne connaissais pas Jean Echenoz jusqu'à présent (à part de nom et de réputation bien sûr), je me suis laissée totalement envoûtée par cet ouvrage qui m'a captivé de la première à la toute dernière page. A lire !
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Pourquoi les histoires de Jean Echenoz racontées avec tant de détachement, d'ironie et de modestie comptent-elles tant dans le paysage littéraire français contemporain ? Il faut aller voir de près ces faux romans d'espionnage, faux romans policiers, faux romans d'aventure et pseudos biographies.
Tous les personnages ou presque sont dans les premières pages de « L'équipée malaise ». La première génération tout d'abord nous est présentée. Charles Pontiac et Jean-François Paris sont tous deux épris de Nicole Fischer. Elle leur préfère un troisième larron et devient veuve avant même de mettre au monde une petite Justine blonde et rose. Les deux amoureux évincés et éplorés partent donc dans d'autres mondes. L'un ira en Malaisie, l'autre sous les ponts de Paris. Quelques pages tournées et la seconde génération, si ressemblante à la précédente, entre en scène. Justine semble en effet reproduire l'histoire amoureuse de sa mère. Elle est aimée par deux trafiquants d'armes qui ne sont rien d'autre que Paul le neveu de Jean-François et Bob son meilleur ami. La boucle est bouclée. Au coeur du livre, la vie réunira les deux générations pour des aventures absurdes et dérisoires. Jean-François, devenu “ Duc ” d'une plantation d'hévéas dont il se voit ravir la responsabilité par les héritiers légitimes, fomente une improbable rébellion. le Boustrophédon (Écriture primitive dont les lignes vont sans interruption de gauche à droite et de droite à gauche), c'est le nom d'un poussif cargo, trace imperturbablement, dans des allers et retours littéraires, un chemin entre une Asie du Sud-est caoutchouteuse et anticoloniale et une Europe mafieuse et marginale. Jean Echenoz s'amuse et nous amuse.
Jean Echenoz choisi dans ce livre de subvertir le roman d'aventure usé jusqu'à la corde. Ce que l'on attend en effet de la littérature ce sont des inventions, des intuitions qui renouvellent notre regard en l'invitant à se débarrasser des habitudes et de la paresse intellectuelle. Ainsi ici l'humour induit un effet de distance. Il décharge le lecteur de l'obligation de coller aux péripéties, il lui interdit toute identification pour mieux lui permettre d'apercevoir le sens véritable du récit. Jean Echenoz a une certaine manière de s'emparer de certaines choses de ce monde et de caractériser notre époque. Dans ses romans aucune thèse, aucun message, pas d'avantage de psychologie mais des images fortes nées du vécu. L'apparente futilité de cette aventure malaise, la quête de tonalités nouvelles dans les rencontres inopinées entre les hommes, entres les lieux font alors sonner le monde autrement. La démarche par sauts met à jour une réalité en éclats. le récit est haché, il se ralentit, s'accélère, les histoires se chevauchent. Les séquences se succèdent sur un rythme proche de celui du cinéma. Nous passons du pavillon cossu de Nicole à la cloche de Charles, de la plantation malaise de Jeff à l'appartement de Paul, du canal St Martin à l'océan, du château d'eau beauceron au Havre, etc.
Le style de Jean Echenoz est remarquable. Tout est prétexte à déployer une écriture inventive et poétique, loufoque et délirante, toujours exigente. « Produire du sens c'est produire du son » ... « Quand je travaille à une phrase et qu'un jeu de mot surgit, je ne puis le conserver s'il ne ressorti pas véritablement à l'histoire» nous dit-il. Il lave la langue de l'usage routinier et fait toujours sortir l'insolite, le vrai du plus familier.
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