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Critique de Aquilon62


A noter la précision de l'éditeur en préambule et qui permet de contextualiser l'édition de cet opuscule.
"Le texte "Reconnaître le faux" a été écrit par Umberto Eco en 2011 pour le festival culturel de Milan, La Milanesiana, dont le thème était « Mensonge et vérité ». Il fut prononcé, telle une leçon inaugurale, par le professeur Eco avant d'être publié en volume dans l'ouvrage Sur les épaules des géants, traduit en France en 2018.
Le sujet des faux et des falsifications traverse toute l'oeuvre de l'auteur italien comme un leitmotiv et témoigne de son attention ininterrompue à cette question.
Dans un contexte sociétal et politique où la vérité est partout contestée, cédant le pas aux fake news et aux faits alternatifs, qui de mieux placé que le grand humaniste italien pour nous parler de vérité et d'éthique, de contrefaçon et d'ironie, et établir une distinction entre dire le faux, mentir et falsifier ?"

Umberto Eco est pluriel : romancier, médiéviste, sémiologue, philosophe… Et on retrouve toutes ses/ces influences dans ce livre.
Cet essai aborde la gêne suscitée par le mensonge, la falsification, les fake news, les réécritures de l'histoire qui nous laissent dubitatifs et parfois démunis.
L'actualité très récente nous le prouve : "ne pas nommer la guerre, cela signifie t-il qu'elle n'existe et que sa réalité même soit effacée ? Proclamer le faux fait-il disparaître le vrai ?

D'où la nécessité de reconnaître le faux.
Umberto Eco a souvent traité le sujet dans ses romans, il en parle d'ailleurs lui même : "Si vous vous occupez outre mesure du mensonge ou, mieux encore, de divers cas de falsifications – ainsi que cela fut le cas dans mon roman le Cimetière de Prague –, certains idiots vous opposent aussitôt que puisque vous représentez le monde empli de faussaires et l'histoire elle-même comme le règne du mensonge, alors vous soutenez qu'il n'existe aucune vérité, et êtes donc un relativiste. Gigantesque ânerie, à ne pas accepter même de la part de qui n'aurait jamais fait de philosophie au lycée ou au séminaire."

Umberto Eco examine l'éthique ou l'absence d'éthique du menteur et convoque pour ce faire des esprits éclairés :
Pour Platon, il est légitime de raconter des histoires, de forger des fables pour éduquer l'esprit aux paradoxes ;
Pour Machiavel le Prince peut prendre la voie du mal si cela est nécessaire au prince ; Francis Bacon rappelait que "la dissimulation n'est qu'une fausse image de la politique ou de la prudence, car il faut avoir tout à la fois beaucoup de force dans l'esprit et dans le caractère, pour savoir quand il est à propos de dire la vérité, et pour oser la dire" ;
Thomas d'Aquin pardonne le mensonge qui ne cause de tort à personne ;
Alors que Saint Augustin le refuse en bloc ;
Pour Kant la vérité est un devoir inconditionné ;
Aux temps baroques, il évoque Mazarin qui "passait son temps à scruter sur les traits du visage les mensonges des autres mais aussi à dissimuler ce qu'il lisait ou écrivait au même moment, qui organisait des festins élaborés où la viande devait sembler du poisson et le poisson de la viande, les fruits des légumes et vice versa, parce que l'apparence mensongère suscitait l'émerveillement", les Dom Juan et Tartuffe de théâtre, et écrivains italiens.

Néanmoins, il reste une perspective optimiste qui vient clore cet ouvrage qui bien qu'il se lise facilement nous replace face à la complexité du monde actuel.
Umberto Eco de finir sa démonstration en citant, "Du mensonge à la violence" d'Hannah Arendt, et Jonathan Swift, l'auteur de "L'art du mensonge politique".
Subtil Jonathan Swift et subtil Umberto Eco qui ne seront jamais lus par ceux, qui ne se laissent duper par rien, ni par personne, sauf par eux-mêmes.
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