Sept jours sans ouvrir un livre, ça n'est peut-être pas beaucoup selon les rythmes de chacun, et certainement pas grave. Quoique. En ce qui me concerne, lisant quotidiennement ou presque (353 jours en 2022 !), c'est le signe indéniable d'une panne de lecture. Remèdes suggérés par internet ? Varier les plaisirs : perdu, c'est déjà le cas en temps normal... et ce n'est pas faute de manquer de choix (quand bien même certains livres, en bas des piles du fond, sont moins accessibles que d'autres). Mais je sentais avoir besoin d'autre chose, plutôt simple et court ; plutôt saisonnier, aussi. Profitant d'être mal à cause de bruit chez les voisins, fuite à la Fn*c locale. J'ai parcouru les rayons adultes et ado, sachant pertinemment que le salut viendrait plus vraisemblablement du rayon jeunesse, voire éventuellement très jeunesse. Et, effectivement...
«
Adèle et les noces de la Reine Margot » n'a pourtant rien d'une lecture légère dans les thèmes abordés. Ce n'est pas une simple histoire de voyage dans le temps, mais de fuite en avant, de famille en ruine après le décès de la grand-mère, d'amitiés d'enfance qui évoluent et s'effritent. Tout part de travers dans la vie d'Adèle. Ses parents sont des sales cons, pour de vrai, et l'impuissance de la jeune fille face à eux prend aux tripes, même quand on a vingt ans de plus qu'elle. Si, au début, on peut éventuellement avoir du mal à rentrer dans l'histoire (surtout quand les soucis de collège, on en est désormais loin, très loin ; un lectorat du même âge s'immergera sans doute plus facilement), on se rend très vite compte que les problèmes d'Adèle sont sérieux. Et surtout qu'elle n'y peut pas grand-chose.
Silène Edgar n'a pas oublié ce que ça fait d'être ado, tout en pouvant dépeindre, mieux que personne, les imperfections et les erreurs des adultes. le récit étant du point de vue d'Adèle, on ressent de plein fouet toute l'injustice de la situation, le fossé qui sépare les deux générations, l'incompréhension, le manque total d'empathie. Et on a vraiment envie de baffer ces adultes irresponsables, de toutes nos forces.
Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce qu'Adèle saute à pieds joints dans le passé sitôt les yeux fermés, quand bien même les paillettes laissent rapidement la place à d'autres ennuis, pourtant plus graves au vu du contexte, mais évoqués avec davantage de distance. Principalement parce qu'Adèle ne vit pas tout, seulement des fragments d'histoire. Les noces de la Reine Margot ? On ne les voit même pas ! A aucun moment le lectorat ne peut perdre de vue que l'important, c'est bien la vie diurne d'Adèle, en plus d'assister au dangereux glissement qui s'opère dans l'esprit de celle-ci. le doute sur la réalité ou non des bonds dans le temps demeure d'ailleurs un bon moment, et aussi craquant Samuel soit-il, aussi expédiée la fin du roman soit-elle, la conclusion n'est en rien décevante. Simplement... logique, telle que les choses doivent être. Certes, on aurait aimé accompagner encore Adèle, avoir un épilogue, ne serait-ce que pour être rassurés un peu à son sujet...
«
Adèle et les noces de la Reine Margot », ce n'est donc absolument pas ce pour quoi tu penses que tu signes, et indéniablement, beaucoup plus sombre que tu ne l'imagines. Mais c'est précisément pour ça que ça marche. Ça parlera aux ados dans des situations similaires. Et dont les parents feraient bien de lire ce livre, eux aussi. Et si t'es juste un trentenaire, sans enfant, en panne de lecture ? Ça parlera à l'ado que tu as été.