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« T'es écrivain? »
« Faut croire. »
« Les écrivains sont des bons à rien. »
« Tout à fait », dis-je. »
« Absolument nuls. »
« Je ne saurais mieux dire », fais-je.
En faites il ne plaisante pas, en panne d'inspiration il s'est terré dans un village de pêcheurs au bord de l'océan. Une panne qui va lui donner matière à un autre livre.
Isolé du monde mais pas tant que ça, entre des beaux paysages de mer et de pluie, et un quotidien peuplé de gestes et d'actions simples pour vivre ou survivre, il suit l'actualité mondiale qui lui donne le pouls d'un monde à la dérive.
Ni histoire ni action à proprement parler ici, pourtant, en brèves notations donnant souvent matière à méditer, un texte bouillonnant de réflexions et de références littéraires et musicales, chargé d'un regard humble et ironique à la vie, avec l'arrière goût d'un amour terminé. le temps d'une lecture et de quatre saisons, une rencontre interessante avec un écrivain qui ne prend ni la vie ni lui-même au sérieux, une lecture extrêmement plaisante où il m'a très souvent fait sourire avec son humour subtil. Deuxième rencontre avec Gyrdir Eliasson après son magnifique « Au bord de la Sanda » un poète, un grand écrivain.

« Si c'était la radio qui faisait la loi, l'univers ne serait qu'un brasier de conflits. C'est peut être le cas en réalité. C'est malgré tout difficile à croire, quand on contemple par la fenêtre la mer tranquille et les boutons d'or du jardin qui inclinent leur corolle dans l'ombre. »



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Au bord de la mer.
Le vent, des larmes tombent du ciel, une pluie glaciale.
Des maisons noires, des flocons blancs.
Un soleil, éphémère.
Quatre saisons qui s'enchaînent, et un homme qui écoute Vivaldi, qui écoute le vent et la mer, qui écoute le silence de sa vie.
 
Il est assis, face à une table en bois rustique, une machine à écrire Olivetti posée dessus. Face à la mer et au vent, il laisse court à son imagination. Ses pensées aussi fugaces que l'espace dans sa maison dépouillée. Une maison au toit noir, aussi noire que le goudron une nuit sans lune. Une feuille blanche sur la machine, aussi blanche que la neige qui tombe en flocons d'hiver. Un hiver qui commence tôt, aussi tôt que la nuit dans la journée. Il cherche l'inspiration, le coup de la panne on dirait. Qu'est-ce qu'un écrivain a à raconter ? Ses nuits... Ses jours... Ses pensées.
 
Il allume la radio : On y parle de Ben Laden, de Fukushima, de Syrie. Encore un massacre au Texas. Dehors le blizzard, il ferme les volets, et écoute les quatre saisons de Vivaldi. Printemps, été, automne, hiver. Autant de feuilles qui s'ouvrent, s'envolent, tombent, se fanent et se meurent. Sur sa table, quelques feuilles aussi s'envolent et s'entassent. Est-ce le début d'un roman. Il ne sait pas encore. Il repense à ce concerto n°1 de Chostakovitch qu'écoutait son père jusqu'à ce que sa bouteille soit vide. Il ouvre la fenêtre, laisse pénétrer la fraîcheur comme on laisse entrer l'inspiration. Il plonge son regard dans l'infini de la mer, bleue foncée presque noire. Pas un bruit, pas un son, juste la musique de la pluie, des notes qui tapissent ce champ visuel vert d'une fin d'automne. Avant d'entendre le feutre de la neige, les sons oppressants du vide et de la solitude. Un autre concerto.

L'encre du ruban de l'Olivetti manque de force. Bientôt les lettres ne seront que taches blanches sur feuille blanche. C'est peut-être ça, l'inspiration. Un courant d'air enveloppé de neige qui se couche sur sa feuille posée sur sa table pendant que lui se couche sur son lit à la lueur d'une bougie dont la flamme ressemble à l'âme d'une étoile. Il aurait dû être marin plutôt qu'écrivain. Se dit-il. Sombres pensées, s'imagine-t-il, sombrant dans le tréfonds de l'océan.  

Il retourne au café du village, avant qu'il ferme pour les six prochains mois, pendant le plus dur de la saison. Dans ce village loin de Reykjavík, les gens ne restent pas toute l'année. Seuls les écrivains en mal d'inspiration restent péniblement - ou tristement. La serveuse lui sert une bière. Elle est froide, la bière, la serveuse. Elle n'a pas aimé son premier livre. L'a-t-elle seulement fini. Pourtant, il doit être le seul auteur qui est entré ici. Il boit sa bière en silence, avant de remonter sur les hauteurs, en même temps que les brebis. 
 
Reste au café un pauvre type assis à la table du fond, il boit sa bière, lui aussi seul. Il n'est pas écrivain, il est juste lecteur d'auteurs islandais qui sonnent comme Eliasson ou Vivaldisson. Aujourd'hui et pour deux nuits, il lit un grand roman, une poésie nordique, il est accaparé par la beauté de la mer, par la magie du blizzard, par les maux de ce nouvel écrivain. Ces mots venus du froid, qu'il en oublie la tempête dehors, les marins qui ne reviendront plus, la lune bleue qui a disparu même lorsqu'il pose son regard sans âme à travers la fenêtre au sud.  

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[Ne cherchez plus, le plus beau roman lu en 2022 est celui-là.
Bon réveillon à tous.
Bonnes lectures]
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Il y a les « page-turner » et il y a des livres comme celui-là, du « slow reading » (comme le slow food s'oppose au fast-food).

Un écrivain dans la solitude d'une maison en bord de mer en Islande. Il ne se passe pas grand-chose, parfois un b qui se coince dans sa vieille machine à écrire Olivetti au ruban trop usé.

Il ne se passe pas grand-chose, seules les saisons passent. Des jours tranquilles et parfois des rêves dans la nuit.

La paix? Oui, mais pas tout à fait. Jonas est aussi rongé par une peine d'amour. Il écrit des lettres qu'il n'enverra jamais et brûle celles qu'il reçoit.

Et son roman qui n'avance pas, ses personnages qui n'arrivent pas à comprendre…

Un livre lent, mais la magie de l'écriture fonctionne. Si on prend le temps, on devient, pour un moment, un auteur islandais, seul sur son rivage.
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Merci Bookycooky pour ce bonheur de découvrir un auteur qui correspond à ce que j'aime ! Ce qui m'arrive en moyenne tous les 5 ans. J'ai fait une superbe pioche chez mon mentor, une fois de plus...
Un écrivain, pas vraiment à succès, s'isole en Islande entre mer et montagne. Des réflexions sur l'actualité, la nature, la vie, l'art, la musique, la solitude, l'écriture. Un texte assez court et qui fourmille de mille choses intelligentes et poétiques. de la première à la dernière page, c'est comme si j'avais passé séjour chez un ami, restant à l'écouter, béate. Gros coup de coeur ❣
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Ce titre a passé un bon moment dans ma PAL et il en sortit à l'occasion du lancement du Challenge Multi-Défis. Pour une raison dont je ne me souviens pas j'avais imaginé éprouver du plaisir à le lire !

Grosse déception, ce fut d'un ennui incommensurable, à la limite déprimant ! Rien, il ne se passe rien et rien de ce que dit l'auteur n'est intéressant ou du moins m'intéresse !

Lamentations, interminables lamentations avec en fond une impression qu'il en veut à tout le monde voire au monde sans que je découvre si c'est vrai et le pourquoi parce que malgré les 160 pages j'ai fini en diagonale !

Je présume que le romancier décrit par l'auteur est profondément déprimé mais il n'a rien à dire ! Ça c'est fait !!

Challenge Multi-Défis 2024
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La fenêtre au sud se présente comme une suite de réflexions, consignées dans une sorte de journal intime, sur 4 saisons. le protagoniste est un écrivain solitaire, qui a peu de contacts avec ses voisins, et qui se retrouve encore plus isolé quand arrivent les premiers froids et qu'il ne reste plus qu'une supérette comme commerce ouvert. Autant que romancier, l'islandais Gyrdir Eliasson est poète et cela se sent dans son style et dans sa manière élégiaque de décrire la nature qui l'entoure et les petits faits du quotidien. L'auteur nous dit tout de son vertige de la page blanche et des caprices de sa machine à écrire (ruban à bout de souffle, lettre b récalcitrante ...). le ton de l'écrivain est à la mélancolie, à l'ironie et à l'humour dans des considérations brèves et souvent profondes aussi bien à propos de lui-même et de ses condisciples que de la population ovine ou de la marche chaotique du monde, qu'il perçoit à travers les nouvelles de la radio. A la fois anachorète, individu asocial et philosophe, le narrateur de la fenêtre au sud révèle aussi quelques bribes de son passé, de l'enfance à la femme de sa vie, qui l'a quitté déjà depuis plusieurs années. Si l'on ignore si le texte est d'essence autobiographique, le personnage du livre est en tous cas très touchant, dans le sens où malgré la richesse de sa vie intérieure, il est clair qu'il a fondamentalement raté sa vie et trouvé dans la solitude et l'écriture des manières un peu désespérées de ne pas totalement partir à la dérive.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Le roman grisaille par excellence!
Le gris du paysage de bord de mer, sur quatre saisons, à la fenêtre d'une maison noire derrière laquelle tape à la machine un écrivain en panne d'inspiration.
Le gris des nouvelles mondiales, des cataclysmes écologiques, des guerres illogiques, que notre écrivain essaie d'éluder en fuyant la civilisation.
Le gris d'un amour en panne, qui ressort en pâleur, comme un ruban qui s'efface, comme un b qui devient croche au gré du temps.

Ce roman est celui de l'oisiveté, cette façon d'attendre que le temps règle les choses, que la fuite est la seule solution. On dit que la panne d'inspiration guette l'écrivain, moi je dis que la panne d'amour guette cet écrivain.

« Mais, bien sûr, ce n'est pas la longueur du chemin entre les maisons qui détermine la distance entre les hommes. »

J'ai trouvé quelques longueurs au début. C'est certain qu'après mes dernières lectures, la lenteur peut surprendre. Il faut s'y habituer mais c'est tellement bon. Vivre quatre saisons en Islande, au pied d'un volcan, entre la lave et la mer, écouter du Vivaldi et marcher jusqu'au phare en ressassant ses vieilles hantises. C'est du vrai bonbon.
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La fenêtre au sud est une sorte de journal intime, une succession de réflexions et d'anecdotes de vie quotidienne. le narrateur est écrivain et peine sur une nouvelle histoire, qu'il tape sur sa machine à écrire Olivetti. L'encre pâlit, la lettre b tente de se faire la malle et l'homme solitaire regarde passer les jours. Quatre saisons s'écoulent dans cette maison coincée entre mer et montagne, isolée parmi quelques autres sur un bout de côte islandaise.

Ces pages dégagent un charme certain. Il ne s'y passe rien ou si peu et pourtant entre deux promenades jusqu'au phare et les nouvelles du monde à la radio, on y pense à la condition humaine, à la souffrance animale, on évoque l'amour et la création, les relations entre les êtres. le narrateur est touchant dans sa manière vaillante et pudique de surmonter ce qui semble être un ratage complet de sa vie, en tous cas à l'heure qu'il est. On lui devine une rupture ancienne mais pas cicatrisée, l'inspiration lui fait défaut, il se terre, solitaire. Et néanmoins il continue non sans humour à dérouler le fil du quotidien de ses jours.

Gyrdir Eliasson a une plume poétique à l'islandaise, un peu bourrue. Je me suis trouvée vraiment bien dans ces pages. La fenêtre au sud a été une excellente découverte et j'ai maintenant envie d'en lire plus de cet auteur. Deux autres de ses romans sont édités aux éditions la Peuplade, j'en ai repéré un à la médiathèque et l'autre d'occasion. A suivre.

« Mais bien sûr, ce n'est pas la longueur entre les maisons qui détermine la distance entre les hommes. »
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Comme un journal de bord, un Moleskine islandais,
Des pensées évanescentes, poétiques ou terre à terre, une page de roman blanche comme la neige sur laquelle le ruban encreur pâli de la vieille Olivetti écrit blanc sur blanc, des rêves, des personnages du roman qui n'arrivent pas à vivre leur vie, un abattoir, la mer, un poêle qui dévore les lettres non ouvertes de celle aux yeux gris tachetés de brun.

Un livre à acheter en papier, qui va trainer sur une table basse, sur un coin de canapé, dans le fond du sac à main, à picorer, lire, relire, feuilleter, à ranger, à ressortir, juste rassurée par sa présence. Quand j'ai un livre comme ça à côté de moi, tout va bien.

Evidemment, il va aussi falloir trouver le temps de voir Dersou Ouzala, de lire Oreiller d'herbes, de replonger dans le marin rejeté par la mer etc. Bref, mes Pal et Pav ont encore grandi.

Et un véritable et sincère merci à le _Bison pour ses incipit qui me font chavirer.
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Ravie de découvrir ce nouvel auteur islandais.
Un voyage en Islande et un voyage intérieur, dans lequel le narrateur n'est pas nommé - non plus que les autres personnages, ce qui renforce le côté universel...
En toile de fond, l'immensité de la mer, infinie, promesse d'inspiration pour un narrateur auteur, qui vit seul dans la maison noire d'un ami, afin d'écrire son roman. Un roman qui, étrangement, rappelle quelque peu sa propre histoire d'amour, puisque son couple et celui de ses personnages semblent désunis et surtout désenchantés.
Solitude amoureuse et aussi solitude de l'écrivain en panne d'inspiration, face à la mer avec vue sur le phare, sur les vagues toujours semblables et toujours différentes, aux couleurs changeantes selon ses humeurs, au gré des saisons.
Le roman est envoûtant. Entre autres parce que la typographie, les découpages, les thématiques fonctionnent en miroir des états d'âme du protagoniste et des couleurs omniprésentes.
En fin d'ouvrage, nous découvrons le prénom du protagoniste, Jonas qui, tel un prophète, nous met en garde contre les dangers et méfaits de nos sociétés : crises environnementales, politiques, sociétales, perte du "savoir-vivre ensemble" et des valeurs communes, dans des paragraphes qui semblent s'opposer en tout. Se confrontent ainsi le monde extérieur et le havre de paix islandais du protagoniste. Deux visions, deux univers aux antipodes, et pourtant deux mondes très sombres : l'un à cause des exactions dont les nouvelles à la radio s'abreuvent, l'autre, moins métaphoriquement, par ses couleurs parmi lesquelles le noir prédomine.
Deux opposés qui se rejoignent dans la solitude, la recherche de sens, les efforts pour se réaliser.
La Fenêtre au sud interroge sur le sens de l'art, sur le sens de la vie. C'est aussi pour moi la chronique d'un romancier en train de disparaître, comme les lettres de son roman inachevé.
Avant de conclure j'aimerais revenir sur la célèbre figure de Jonas, qui apporte, à mon avis, une lueur d'espoir à ces pages tourmentées.
Jonas, le cinquième prophète, est colérique, bouillonnant et surtout désobéissant ! Même pétri de bonnes intentions, il fait tout de travers, regimbe et proteste...
Certes, il sera puni mais ressortira non seulement indemne mais transformé du ventre de la baleine, libéré de ses oeillères. Dans la matrice, il fait noir, comme pour notre héros dans son havre obscur, mais on a des chances de ressurgir de ces endroits avec une vision nouvelle...
Jonas ne comprend rien à la miséricorde (divine, en l'occurrence) mais apprend à découvrir que repentir et prise de conscience peuvent apporter pardon et justice. Il est celui qui annonce une catastrophe qui, finalement, n'a pas lieu, et qui parvient à accoucher d'un autre lui-même, meilleur.
Métaphore de l'écrivain qui arrache son oeuvre du fond de ses entrailles dans le "travail" (de la naissance, ou renaissance), dans la douleur, leçons à entendre pour l'être humain face à la destruction de sa planète.
Beaucoup de grands messages dans ce très beau livre, à découvrir absolument.
Je conclurai avec la citation qui ouvre ce roman : "L'écrivain est celui qui a plus de mal à écrire que les autres."
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