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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Mon coeur est en repos, mon âme est en silence;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
À l'oreille incertaine apporté par le vent ».

J'ai l'âme artine, je la sens excellente, empreinte de sérénité.
Ce requiem va me permettre de trouver le repos, quiétude mélodieuse aux notes hypnotiques. Trouver de la chaleur au pays de la glace, transposer les sons du quotidien en phrases musicales, voici un écrivain on ne peut plus original. Son personnage de roman désire créer une oeuvre singulière à partir de la pluralité de tout ce qu'il entend dans son environnement, tache exaltante, faite de tous petits riens. Un requiem qui ne serait presque que rien. Oui, c'est ça, requiem et que rien, c'est presque les mêmes lettres. le requiem célèbre la mort, celle qui n'exprime plus rien.
N'y aurait-il donc rien à en dire ? Voici l'incipit.

« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique. Pourtant, entendons-nous bien, je ne suis pas compositeur, mais j'aime mettre de la musique sur papier. (…) Il me semble le plus souvent que ces petits airs que je « compose » proviennent de l'extérieur. Stricto sensu je ne serais donc même pas leur auteur, mais ça m'est bien égal ».

Tout ce qu'il entend, il le consigne sur un carnet. L'assemblage des sons mémorisés devient un griffonnage de notes. Des bribes de vie, des instants fugaces, ce besoin de noter pour se souvenir, oui, mais pas des mots, des sons, qui font parfois un drôle d'air, histoire de s'arranger avec le réel, de se donner le droit d'embellir sa vie, qui part en sucette, acidulée mais fondante, et qui ne correspond plus avec ce qu'il est, un être en retrait du monde, qui fuit la société car il ne la comprend pas, passif plus qu'actif, qui observe et écoute mais ne communique pas ce qu'il ressent.

« Je n'arrive pas à entretenir d'échange avec personne, pas même avec les oiseaux. Tous me fuient à tire-d'aile. Ou serait-ce le contraire, est-ce moi qui me défile toujours » ?

Il ne participe qu'en écrivant des slogans publicitaires, phrases qu'il doit trouver pour gagner sa vie, un taf alimentaire qui ne remplit pas son existence. Il est contraint par une obligation de mots alors qu'il n'a juste qu'un désir de sons.
La musique adoucit les moeurs, et tout ce qu'il entend de l'extérieur, parfois loin d'être mélodieux, comme tous ces objets du quotidien qui nous abreuvent les oreilles, il souhaite les transformer en notes de musique, pour que la trépidation du monde devienne harmonie.

« 𝑱𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒇𝒆̀𝒓𝒆𝒓𝒂𝒊 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒅𝒐𝒖𝒕𝒆 𝒕𝒐𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒔 𝒂𝒖𝒙 𝒎𝒐𝒕𝒔, 𝒔𝒊 𝒍'𝒂𝒍𝒕𝒆𝒓𝒏𝒂𝒕𝒊𝒗𝒆 𝒔𝒆 𝒑𝒓𝒆́𝒔𝒆𝒏𝒕𝒆. »

Le problème, c'est qu'il oublie. Pas vraiment connecté le gars, tête en l'air, à côté de la plaque (tectonique), la lave coule et il a la fièvre.
Il égare et perd son carnet en moleskine, celui où il consigne.

« Or, ce qui rend la vie supportable, c'est de pouvoir oublier ».


Terrible dilemme, noter pour transformer, mais oublier pour supporter.
Il écrit des mots pour subsister, il essaie de composer de la musique pour divaguer. Mais le monde est triste, de quoi se retrouver en plein désarroi, et il se trouve incapable de transcrire sur une portée tous les sentiments qui l'assaillent. Comme l'allegro du même nom, assai, ça se bouscule dans sa tête, à toute vitesse, alors qu'il aurait espéré un mouvement lent, mais il n'a d'agios que les frais qu'il s'octroie, sans intérêt pour ce marginal qu'il est devenu.

« Je suis adepte du petit format en musique, bien que j'aie essayé l'autre. Satie est mon phare. Quand je pense à lui, c'est comme si une ampoule s'allumait - et en un tournemain s'éveille l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. La boîte devra être vide, je le préciserai dans la description, et la cuillère qui frappera en mesure son couvercle sera en argent ». 

Et sa fuite à l'Est du pays, dans ce petit village où il espère composer l'oeuvre ultime, loin de sa femme envers qui il a lui-même créé la distance irrémédiable qui les sépare désormais, ce repli devient sa décrépitude, sa chute, le requiem est bien trop imposant pour lui, inaccessible, il ne ressortira de ses notes qu'une marche funèbre.

« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l'attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »

Quand j'écris ces mots, dehors j'entends la ritournelle lancinante du serin cini, arrivé déjà depuis deux semaines. le temps change, la sève monte dans mes veines, je me laisse happer par les sons, la SOLitude iSOLe, comme à l'écoute du concerto en SOL, majeur, de Ravel, adagio assai, la paix retrouvée.
Lamartine, Ravel, Eliasson, un trio qui détonne, la sérénité intégrale.
Je n'irai sans doute pas « Au bord de la Sanda », mais j'ouvrirai « La fenêtre au Sud » pour apprécier « Les excursions de l'écureuil », « Entre les arbres ».

Terre de feu et de glace, l'Islande aime les contrastes.
Gyrdir Eliasson est à l'image de son pays, esprit torturé qui exprime son désarroi par des petits riens.

Gainsbourg l'avait compris.

« Mieux vaut ne penser à rien que ne pas penser du tout, rien c'est déjà, rien c'est déjà beaucoup.
On se souvient de rien et puisqu'on oublie tout, rien c'est bien mieux, rien c'est bien mieux que tout.
Ce sont ces petits riens que j'ai mis bout à bout ».
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Jonas, commercial contrarié, est un " assembleur de sons " qui cherche dans le chant des oiseaux et les bruits du quotidien une échappatoire à sa vie modeste. Il quitte Reykjavik pour se poser dans la campagne islandaise, laissant derrière lui son couple qui bat de l'aile. Ses recherches créatives et les rencontres avec ses voisins rythment son quotidien banal, embelli par sa passion pour la musique. On lui offre une biographie de Franz Liszt qui remet en question sa quête de la composition idéale.
Seul, dans une bulle sonore, Jonas est un visiteur de sa propre vie. Mais le reste du monde n'attend pas, et les problèmes autrefois négligés doivent être abordés. Nul doute que l'art sera un moyen de trouver quelques réponses.
Requiem est le troisième roman de Gyrdir Eliasson, toujours centré sur la création artistique. Une oeuvre mélancolique et profonde qui est un parfait miroir de l'âme. Une très belle plume, une découverte fort intéressante.

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Jónas griffonne des notes de musique.
Il est plutôt triste, sa symphonie est inachevée, limite Marche funèbre.
Jónas est publicitaire, il loge quelques temps dans l'est, dans un petit village de pêcheurs au bord de la mer, dans une maison appartenant à son beau-père.
Jónas préfère les sons aux mots, si l'alternative se présente. Il entend des bruits que la majorité des gens n'entendent plus. Et chacun de ces sons, il les transforme en note dans son précieux carnet, espérant, ou n'espérant pas, en faire une symphonie.
Jónas s'éloigne lentement de son travail, de sa femme, de sa vie sans trop savoir pourquoi. Il semble être exacerbé par les bruits et se déconnecte tranquillement de la civilisation, sauf pour quelques rencontres peu intéressantes.
Ce troisième roman poésie que je lis de Gyrðir Elíasson est le plus étrange et aussi celui qui apporte une plus grande réflexion sur le calme et la solitude. S'entremêlent le chant des oiseaux, Bach et Dvorák ainsi que Brahms alors que la vie sentimentale de Jónas est en déclin et qu'il égare son premier carnet en moleskine.
Je demeure une fervente lectrice malgré un moindre emballement sur ce requiem. Roman très introspectif, qui mérite une relecture lorsque l'étrangeté gagne du terrain et que l'insaisissable ne semble pas inatteignable!

« Le matin, j'essaie encore de rester assis dans la cuisine pour noter dans mon carnet les sons qui flottent dans l'air dans l'attente que je les saisisse. Ils ont tendance à suspendre leur vol un instant, comme les colibris, ainsi on peut les attraper. »
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Gydir Eliasson, Requiem - 2022

Rien, il n'y a rien dans ce livre qu'un homme seul dans un chalet qui inscrit des notes de musique dans un calepin, des musiques inspirées des bruits du quotidien et qui ne seront jamais publiées ou lues par quiconque. Il y a bien quelques personnages aussi avec lesquels il n'aura pas vraiment de liens, mais c'est tout. Rien, il n'y a rien dans ce roman et je ne sais par quelle magie on continue de lire malgré tout et de suivre Jonas dans ses journées faites de peu. Un livre bizarre donc mais que je ne regrette pas d'avoir lu moi qui compose mes heures de presque rien.
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Le personnage de ce roman est tiraillé par son obligation de mots et son désir de sons. Il gagne de l'argent en écrivant des textes publicitaires, là où les mots perdent leur sens pour pousser à la consommation. Il est en écoute permanente du monde, faisant de chaque bruit les germes d'une création musicale. Jonas veut mettre en musique le monde, son désarroi, sa tristesse. Il donne à la musique une place particulière que l'auteur, grande plume de la littérature islandaise, traite à une certaine distance. Il n'explique pas les théories de Jonas sur la musique mais précise la place primordiale qu'elle occupe dans sa vie. Dans l'histoire, Jonas s'éloigne du monde, prend de la distance, dézoome sur sa vie en espérant de l'apaisement. Il devient un observateur des autres, passant par les sons uniquement. Il écoute les chants des oiseaux, écoute de la musique, reçoit des coups de téléphone. On assiste alors à un certain décrochage d'un homme de sa vie. Ce roman est la description d'une dérive. Ce n'est en rien tragique bien que l'auteur pointe les endroits douloureux chez Jonas. Il s'en veut, reconnaît ses failles et tente de trouver le réconfort. Les mouvements émotionnels des personnages sont saisis discrètement, montrant la simplicité d'une rupture et ses conséquences profondes. L'auteur n'appuie pas là où cela fait mal, n'ajoute pas dans le mal-être. Il montre des déséquilibres, des pertes de sens et les prémices d'une recherche d'un être vers son propre centre de gravité.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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