«
Requiem » de
Gyrdir Eliasson est une noria d'oiseaux en plein vol. Un lâcher de crayons de couleur.
Requiem, l'olympien musical.
« Je suis venu dans la maison pour composer de la musique ».
Jònas quitte Reykjavík, la distance insistante, prévisible, l'est de l'Islande, soupape de sécurité. Un village berceau, musical, l'antre de l'oncle de sa femme d'Anna. Matrice, repli, approuver la sérénité d'un lieu offrande, le calme d'une solitude cruciale. Fuir le monde d'avant, la finitude relationnelle avec Anna, chute libre, le silence n'est pas la panacée. Jònas est son, collecteur des syllabes musicales. Publicitaire côté ville, il nomme les paraboles, cherche l'image qui fusionnera, loin du bureau où ses sens s'égarent dans les méandres et les angoisses intestines. Maintenant, il est ici. En assise dans son initiation, les épreuves telles des vents contraires, cueillir les sons de la vie.
« Je ferme donc le carnet, acceptant de terminer la création musicale du jour sur des notes sombres, dans l'attente que le soleil resurgisse de ces nuages musiciens. »
Jònas déambule dans le village, apprivoise les hôtes, regards et petites attentions, repeindre la barrière de sa maison-grotte, chef-d'orchestre , ses pensées alignées, dignes, dans l'orée du temps présent. Les petits gestes du quotidien, pain pour la faim, l'eau pour la soif, poésies subliminales. D'un bruit surgit l'onde de choc, l'ode des souvenirs, les échappées d'un existentialisme aux abois.
« Chaque fois que je le joue sur le web, ce qui arrive rarement en fait, je vois la vieille femme tourbillonner dans sa robe fleurie sur le plancher de la cuisine, tel un papillon amiral aux ailes brisées. »
L'ère des petits riens à l'instar d'Amélie Poulain , de
Philippe Delerm, le microcosme qui pourvoit au moindre bruissement. Des musiques qui encensent l'exaltation avec soi-même. Jònas est dans cette croisée des chemins, sensible à autrui. Lui, celui qui n'est pas du village mais va à l'enterrement du Moustachu, un devoir de respect, la gamme fédératrice et fraternelle.
« C'est drôle que la mort de quelqu'un puisse faire en sorte que l'on se se sente pas bien, alors que de son vivant on ne lui avait guère prêté attention. »
Jònas aime les carnets moleskine, doués à l'annonce de la parole de la nature, des objets, et des rappels pavloviens. Ils sont l'orchestre de son émancipation. Jònas au beau prénom qu'on aime de toutes nos forces. Ses fragilités, ses errances et les mélodies altières qui ne sont que son propre coeur qui bat et « s'éveille à l'idée d'un petit air pour violon et boîte de café. »
Ce livre bleu nuit
requiem et chapelle est un parchemin salvateur.
Après Au bord de la Sandá (2018) et
La fenêtre au sud (2020)
Requiem complète sa trilogie sur la solitude et la création artistique. »
Ce livre qui peut se lire indépendamment est une merveille d'apaisement et de complétude. La solitude, un feu de cheminée dont chaque crépitement est
requiem. Traduit à la perfection de l'islandais par
Catherine Eyjólfsson. Publié par les majeures éditions La Peuplade qui prouvent une nouvelle fois une haute qualité éditoriale.