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Critique de jlvlivres


« Les Lionnes » de Lucy Ellmann, traduit de l'anglais (Ducks, Newburyport), par Claro, puis édité en France (2020, Seuil, 1152 p.) a été finaliste du Booker Prize 2019. Une référence donc, margé ses huit phrases qui d'étalent sur les onze cents et quelques pages.
Fille de deux critiques littéraires américains et mariée à Todd McEwan, également écrivain, elle a se quoi lire (dans sa cuisine, bien entendu). Elle a commencé des cours dans un atelier d'écriture créative (creative writing) à l'université de Kent, à Canterbury. Très vite lassée de l'ambiance universitaire, elle se et à son compte, reprenant son adage préféré « Workshops are for jerks. What you need is an editor » (Les ateliers sont faits pour les abrutis. Ce qu'il vous faut c'est un éditeur). Voilà les futurs écrivains en herbe prévenus.
Un long monologue intérieur d'une femme, mariée à Leo, quatre enfants, ses chats et ses poulets. Elle prépare des tartes tatin pour un restaurant local. Pas tout à fait remise du décès de sa mère, mais remise d'un cancer et d'un premier mariage. Il faut dire qu'elle vit dans l'Ohio
Le tout sous forme de monologue intérieur. Dans les ateliers de création, on appelle cela le « courant de conscience » ou le « flux de conscience » (Stream of consciousness). C'est ce que ressent Molly dans « Ulysse » de James Joyce. C'est la 18eme partie, ou « Penélope » avec le rêve éveillé de Molly « je l'ai poussé à me demander en mariage oui d'abord je lui ai donné le morceau de gâteau à l'anis que j'avais dans la bouche et c'était une année bissextile comme maintenant oui il y a seize ans mon dieu après ce long baiser je pouvais presque plus respirer oui il a dit que j'étais une fleur de la montagne oui c'est ça nous sommes toutes des fleurs le corps d'une femme oui voilà une chose qu'il a dite dans sa vie qui est vraie et le soleil c'est pour toi qu'il brille aujourd'hui » où c'est plein de « oui » qui commencent en « o » et qui se terminent quasiment en orgasme « puis il m'a demandé si je voulais oui de dire oui ma fleur de la montagne et d'abord je l'ai entouré de mes bras oui et je l'ai attiré tout contre moi comme ça il pouvait sentir tout mes seins mon odeur oui et son coeur battait comme un fou et oui j'ai dit oui je veux Oui ».
Dans « Les Lionnes », le oui orgasmique est remplacé par « le fait que ». le retour à la réalité, coincée derrière la porte du réfrigérateur jaune de la couverture. Et il y en a des « le fait que » qui commencent chaque réflexion, 19396 en tout. Sur plus de 400 000 mots en tout, cela fait tout de même près de 13 %, soit près de 140 pages. Un index de fin avec tous les « le fait que » serait bienvenu.
"le fait que nous ayons soudainement décidé de faire tout ce tas de pommes de senteur comme cadeaux de Noël pour les gens.........". Pour un peu on aurait droit à la recette (un peu comme dans « O » de Miki Liukkonen que je viens de finir).
Cependant ce qui reste de ce pavé, c'est une peinture des USA plus que sombre. L'image qui vient en tête c'est le tableau de Goya au musée du Prado à Madrid « Saturno devorando a un hijo » (Saturne dévorant un de ses fils). Toile sombre au sous-sol du musée dans la salle des Goya, pas très loin du « Perro semihundido », image du chien qui se noie.
Mais la réalité est là avec Donald Trump et ses groupuscules d'« Open Carry », défendeurs du second amendement sur le port d'armes. Pour ce qui est de la longueur de la phrase, et de sa non-ponctuation, je préfère, et de loin le « Zone » de Mathias Enard (2008, Actes Sud, 516 p.) qui a en plus la contrainte des pages et du kilométrage entre Paris et Rome.
Pour la traduction (remarquable comme souvent) de Claro, quelques trouvailles, sa marque de fabrique « deux semoules, deux semaines, Smetana » ; « forêt, faux rat » ;ou le plus douteux « ascétique, assez de tiques ». Mais après tout, je préfère encore (et toujours de James Joyce les « Sinbad the Sailor and Tinbad the Tailor and Jinbad the Jailer and Whinbad the Whaler and Ninbad the Nailer and Finbad the Failer and Binbad the Bailer and Pinbad the Pailer and Minbad the Mailer and Hinbad the Hailer… »
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