Et chacun faisant son métier,
voici planter le jardinier
selon sa vie,
d’être aux plantes, avec ses mains,
doux et bon comme à des humains,
sous le soleil et sous la pluie,
en son royaume des jardins,
des parterres et des chemins
où tout concerte :
tonnelles, quinconces, berceaux,
et par ses soins, branches, rameaux,
pour faire, à tous, musique verte.
Or c’est ici ses harmonies
et voyez, lors, et tout en vie,
chanter les fleurs ;
Puis, pour l’ornement du feuillage,
mûrir les fruits, sur les treillages,
en senteurs, parfums et couleurs ;
et yeux alors, comme un dimanche,
voici fête d’arbres et branches
de toute part,
et la terre comme embellie
de tant de choses accomplies
par ses mains et selon son art.
ET MAINTENANT VOICI L’HIVER
Et maintenant voici l’hiver
et mon cœur qui s’était allé,
revenu heureux dans sa terre
sachant que tout est à aimer,
depuis le ciel, depuis la mer
jusque mieux et plus humblement
les objets de toutes manières
fidèles ineffablement.
Or foi mise ainsi dans les choses,
alors voici mon testament,
aux bois, à l’eau, aux fleurs de roses,
léguant mes joies d’homme et d’enfant,
car en arbres, toits et maisons,
à mains rouges mieux qu’en prières,
tout me fut doux, tout me fut bon
selon l’outil, selon la pierre,
et repos me soit à présent
en eux après labeur et peine,
et de mon blé, mauvais et bons,
à vous ici corbeille pleine.
VIES IV
Mais comme en image à présent
voyez ici souffler le vent
et tout qui plie :
arbres, mâts, croix, roseaux, sapins,
et puis aussi la mer au loin
qui hurle et crie,
faisant écume, embruns et eaux,
pour la kermesse des bateaux,
les bleus, les verts,
vagues en bas, vagues en haut,
donnant du flanc, donnant du dos,
beauprés en l’air.
Mais lors, et tout à son métier,
voyez aussi le batelier
assis en poupe,
et comme il rit, l’écoute aux mains,
de s’aller ainsi corps et biens
de cap en coupe ;
car c’est la vie qu’il s’est choisie,
ainsi qu’elle parlait en lui
selon la chair,
de ceux de Flandre que l’on voit
depuis tous les temps, rame aux doigts,
à vau la mer.
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