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Je dois avouer que je lis rarement des autofictions et que je les apprécie encore plus rarement ; mais il arrive parfois que l'une d'elles se glisse dans ma PÀL et se révèle une vraie pépite quand elle finit par en sortir.

À la naissance d'Ada, les esprits qui, dans la cosmologie igbo, façonnent les enfants à naître, se retrouvent accidentellement coincés dans son corps. Partagée entre plusieurs voix et plusieurs personnalités, la jeune fille déménage du Nigéria aux États-Unis pour ses études. C'est là qu'un traumatisme va tout faire basculer et qu'apparaît un nouvel esprit, mû par la rage, qui prend le contrôle et l'engage sur une voie dangereuse.

Ada a très peu la parole au cours de cette histoire, qui est principalement narrée par les différents esprits qui la composent et se disputent son corps. L'ensemble apparaît très nettement comme une façon d'expliquer le trouble dissociatif de l'identité, et peut être lu autant de manière littérale que métaphorique : l'équilibre entre les deux est franchement réussi. Outre le TDI, l'oeuvre aborde de nombreux sujets parfois très lourds : la gestion des traumatismes (et la façon dont le TDI est une réponse pour s'en protéger), le poids des traditions, le sentiment d'être perdu entre ses racines et son pays d'accueil... C'est particulièrement perceptible lors des passages où l'on s'attarde sur la vie des étudiant·es africain·es sur un campus américain.

Le tout est porté par une écriture magistrale et puissante, qui peut paraître distante mais s'accorde parfaitement au sujet abordé. (D'ailleurs, j'ai rarement lu une scène de viol aussi bien écrite : on ressent parfaitement l'horreur de la situation plutôt que d'avoir l'impression de lire un fantasme dérangeant).

Une lecture coup de poing : aussi lourde qu'impressionnante !
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L'originalité de ce roman tient au fait que les narrateurs omniscients sont ici des esprits (exemple : les ogbanje), habitants de l'âme d'Ada, l'héroïne. Des esprits rarement bienveillants, souvent mal intentionnés, à qui la jeune fille sert d'enveloppe corporelle, de vaisseau qu'ils empruntent avec indifférence, n'ayant d'autre intérêt que de satisfaire leurs pulsions. Ici l'attirance pour le féminin, qui pousse Ada dans les bras d'une autre femme. Là, une soif de sang inextinguible qui mène Ada à la scarification. Ces esprits manipulateurs font d'Ada une marionnette, un zombie mal dans sa peau martyrisée, jouet des forces qui se disputent sa conscience. Pour apprécier ce roman à sa juste mesure, il faut être sensible à cette culture des ancêtres, à l'incarnation ou à l'animisme. Ce n'est pas mon cas. Je suis trop attachée au libre arbitre pour ne pas m'agacer de la passivité de cette jeune femme, de son fatalisme, d'une soumission qui ne la rend responsable d'aucun de ses actes. En lisant ce roman, on comprend mieux le sens du mot possession : Ada a été expropriée de sa personne, car les esprits en sont devenus les maîtres.
En définitive, ce que j'ai préféré, c'est la confrontation avec « nos croyances » occidentales, telles que la psychanalyse ou cette religion fondée sur un homme cloué sur une croix. le choc des cultures est alors à son comble, il met en évidence leur possible ingérence.
L'eau douce est un premier roman inspiré, impressionnant de maîtrise, mais difficile d'accès.
Bilan : 🌹

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Quel roman surprenant que L'eau douce'.
Akwaeke Emezi a choisi d'aborder la folie et les troubles de la personnalité d'une manière originale. Elle donne la parole aux esprits qui sont entrés en possession d'Ada, une jeune fille nigériane. Ces esprits maléfiques la guident dans les choix qu'elle fait dans la vie.
Rien n'est expliqué clairement, mais ce n'est pas difficile d'imaginer ce qui se passe.
Je peux dire que le livre se lit sans difficulté (pour moi en tout cas) dès qu'on s'habitue avec l'idée que ce sont les esprits qui parlent. Il faut cependant s'y trouver parmi leurs différents noms et fonctions qu'ils exercent.
A la fois fascinant, dérangeant et puissant, ce finaliste du National Book Award en 2019, ne laissera personne indifférent. Il faut pour cela oser s'y aventurer.

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Forte, puissante, animée par des esprits venus du fin fond de l'être, entre la vie et la mort, sur le fil du rasoir, Ada est une Déesse à elle seule.

De circonvolution, en circonvolution, naviguant dans les méandres de l'esprit torturé de Ada, on souffre avec elle, on est en équilibre constant entre la vie et la mort.

Ada est faite de colère, de douleurs, de désespoir. Nul paix en elle. Comment en serait-il possible autrement ? Elle renaît à chaque fois de ses cendres, mais à quel prix ? Scarifications, tentatives de suicide, lâcher prise pour se vautrer dans le sexe et l'alcool…

Entre le désespoir, la folie, la mort et la vie, Ada devra faire un choix. Mais lequel ?

Il lui en faudra des rencontres et des circonstances avant de parvenir au but.

Magnifique livre. Je vous déconseille de lire le 4ème de couverture. Simplement se laisser porter par l'histoire, laissez les esprits prendre possession de vous et entrez dans l'univers d'Ada. Ce premier roman de Akwaeke EMEZI est un des meilleurs livres que j'ai lus cette année.
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"Au Nigeria, dans la cosmologie igbo, lorsqu'un enfant est dans le ventre de sa mère, il est façonné par des esprits qui déterminent son destin." Tiens, cela rappelle quelque chose, un (excellent) roman récemment traduit de Chigozie Obioma : La prière des oiseaux. Eau douce, la première fiction d'Akwaeke Emezi, part donc sur les mêmes bases mais son livre n'a absolument rien à voir avec celui de son compatriote. Ou alors ce serait sa version maléfique avec une narration assurée par les mauvais esprits qui habitent le corps de l'héroïne, Ada, et se marient tellement avec son moi profond que le lecteur lui-même n'a plus possibilité de savoir qui est responsable de ses actes. Eau douce n'est pas un livre pour âmes sensibles : il y est question de viol, de scarification, de suicide et de violences diverses, même si tout n'est pas toujours dit explicitement. le roman est aussi chaotique que la fragmentation des pensées de son personnage principal qui se reflète sur ses actes, qui la font passer au mieux pour bizarre, au pire pour folle. Malgré quelques fulgurances et des passages très intenses, le livre, parait-il autobiographique en grande partie, se révèle insaisissable et souvent insoutenable par sa noirceur quasi permanente. Avec sa narration à hauteur d'esprit(s), Akwaeke Emezi (qui revendique une personnalité non-binaire) n'a pas choisi la facilité car les faits et gestes de Ada ne nous sont perceptibles qu'à travers un prisme déformant, comme si un voile nébuleux recouvrait ses actes alors que ses pensées, aussi contradictoires soient-elles, sont décortiquées jusqu'à plus soif. En s'éloignant du réalisme, la romancière courrait le risque d'écrire un ouvrage cérébral et conceptuel, peu déchiffrable et frustrant pour certains de ses lecteurs. Au moins peut-on lui accorder le courage d'avoir su rester fidèle à ses principes jusqu'au bout.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Ce premier roman de l'écrivaine nigériano-tamoule, présenté comme « profondément autobiographique », se prête à de multiples lectures. Pour ma part, étant un grand admirateur de l'ethnopsychiatrie de Tobie Nathan, j'y ai trouvé une excellente expression romanesque de ses explications des pathologies psychiatriques des migrants de différentes origines africaines qui évoluent dans une cosmologie selon laquelle les humains sont possédés par des esprits.
La naissance et la jeunesse de l'héroïne du roman, Ada, ont pour narrateur principal un « nous », les ogbanje, des divinités qui la dominent, pour le pire beaucoup plus souvent que pour le meilleur. À partir de l'accession à la sexualité, vécue par Ada de façon traumatique, l'une de ces obganje, dénommée Asughara par elle-même, prend le dessus sur les autres. Asughara est caractérisée par un goût immodéré pour la luxure, la cruauté et la perfidie, qui s'exerce autant à l'encontre d'Ada que de ses partenaires, des garçons eux-mêmes choisis de préférence parmi les plus maléfiques et violents. le récit conté par Asughara, qui forme la plus grande partie du roman, où très rarement la parole est laissée à la protagoniste, se compose donc majoritairement de scènes de stupres, de viols, de scarifications et autres tortures qu'Ada s'inflige, jusques et y compris une tentative de suicide opérée sous la domination de cet esprit malveillant. Les dialogues entre la Bête et la jeune fille révèlent l'ampleur de la manipulation dont cette dernière est la victime. La reconquête d'Ada par les autres obganje, suite à un véritable procès stalinien entre esprits dont un dénommé Saint Vincent, se solde par une mastectomie de la jeune femme qui s'inscrit dans ce qui ressemble à un début de transition vers le sexe masculin, laquelle laisse donc douter de la bienveillance de l'ensemble de l'aréopage des esprits... Cependant il faut noter que si cette cosmologie est uniquement paternelle-africaine, l'héritage religieux maternel existe aussi : il consiste dans une sorte de dévotion chrétienne – plutôt puritaine – conformément à laquelle le christ, alias Yshwa, fait également partie du conclave et assume un rôle d'antagoniste en particulier d'Asughara (cf. cit. 2 et 3).
La composante migrante de cette oeuvre se retrouve à la fois dans la biographie de l'autrice et dans le récit lui-même de multiples façons. En se limitant au roman, le personnage maternel, Saachi, originaire de Malaisie, « de l'autre côté de l'océan Indien », vit en continuelle migration : du Nigeria où elle quitte son époux (rencontré à Londres) et trois enfants, à l'Arabie saoudite, puis aux États-Unis où Ada grandit et où se déroule la plupart de l'action narrative. de plus, conformément à ce que l'on sait de l'ethnopsychiatrie, le début de la « guérison » d'Ada, son « Salut » dit « Nzoputa » (chap. XX-XXII), ou tout au moins sa quête spirituelle des racines de ses troubles (et des siennes propres) passe par un retour en Afrique : « Rentre à la maison, chantaient mes frèresoeurs. Rentre à la maison et nous ne te chercherons plus d'ennuis » (p. 251).
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Avant même sa naissance, Ada est une petite fille qui n'aura pas une vie comme les autres. Alors que les esprits igbo la façonnent dans le ventre de sa mère, les portes entre le monde des humains et le monde des esprits restent ouvertes et un certain nombre d'esprits restent bloqués dans le corps d'Ada. Sa vie va en prendre un coup, surtout quand les frèresoeurs de l'autre côté veulent s'en mêler...
Plus tard, alors qu'elle habite aux Etats-Unis pour étudier, elle va subir un viol par son petit-ami, et suite à cet événement traumatique un esprit va dominer tous les autres, un esprit qui a le goût pour la destruction et l'auto-destruction...

J'ai adoré ce roman, du début à la fin !
Tout au long du livre, vous serez du point de vue des esprits, ce qui peut amener une certaine distance avec Ada le personnage principal, mais quand l'esprit dominant va ressortir, j'ai vraiment vu la différence avec le groupe, il a vraiment une position plus maternelle et protectrice et je me suis plus attaché à Ada. J'adore les points de vue omniscient dans les romans, donc cette distance avec Ada ne m'a vraiment pas dérangé.

Attention, on y traite de scarification, de viol et de suicide. Les passages qui les abordent ne sont pas écrits en détail, mais l'auteur fait comprendre ce qu'il se passe. L'auteur a voulu utiliser les esprits igbo pour "personnifier" la maladie mentale, les voix dans la tête, et Ada tombe dans l'auto-destruction un moment dans le récit. Mais si ça peut vous rassurer, elle remontera la pente.

Je recommande vivement ce livre, il est brillant.
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Eau douce d'Akaeke Emezi est dans ma pile à lire depuis un bout de temps. Ce récit m'intéressait car l'auteur est non-binaire, mais aussi car la thématique de la santé mentale semblait être traitée d'un point de vue unique, avec de nombreuses influences. Je me suis donc lancée dans ce court roman nigérian avec appréhension et hâte.

Ada est une jeune femme compliquée. Habitée par des dieux igbo depuis très jeune, elle semble rarement totalement elle-même. C'est représenté par une narration par le « nous ». En effet, il est rare qu'Ada prenne la parole. Ce sont les dieux qui s'expriment le plus, montrant leur contrôle sur elle, la place qu'ils prennent dans chaque décision, chaque émotion. Lorsqu'ils parlent d'elle, c'est toujours comme d'un hôte, notamment au début. Ils l'appellent l'Ada, comme quelque chose d'objectivé, sans conscience propre, un jouet entre leurs mains. Ada est donc en elle-même un mystère, le lecteur est cependant plongé dans son « système », car c'est ainsi que l'on nomme la structure des troubles dissociatifs de l'identité, ce dont semble souffrir la jeune femme.

C'est un élément très intéressant, car l'auteur maitrise très bien son sujet. Ada peut discuter avec chacune des incarnations qui l'habitent. Elles ont par ailleurs chacune un rôle précis pour protéger l'hôte à leur façon. D'où l'apparition d'une personnalité puissante suite au traumatisme de trop. On voit ainsi une différence de points de vue entre la vision occidentale de la maladie, avec de la thérapie et des médicaments, et la vision animiste et divine des pays orientaux. Il est ainsi difficile de bien comprendre tous les aspects des esprits, méprisants des humains. La question n'est pas tant de savoir laquelle est la meilleure, mais de voir le cheminement d'Ada entre des cultures différentes, vers la guérison ou l'acceptation. Car sa vie est ponctuée de profondes souffrances.

Une partie fascinante du roman réside dans la capacité de l'autrice à nous faire tenir sur le fil aux côtés de la protagoniste. Nous entendons peu la voix d'Ada, mais elle nous parvient à travers un voile de souffrance et d'incompréhension. Asughara est le nom que se donne l'esprit qui apparait suite à un épisode traumatique d'Ada. On comprend qu'elle prend le pas sur le reste du système, voire qu'Ada est plus souvent Asughara qu'elle-même. Cet aspect d'Ada lui fait prendre des décisions dangereuses, que ce soit dans ses relations amoureuses ou dans sa tendance à l'auto-mutilation, ici décrit comme une forme de sacrifice pour les divinités. J'ai eu l'impression qu'Asughara avait pour but de donner à Ada une impression de contrôle.

Il y a des passages très touchants, mais aussi très difficiles à lire. Asughara est en effet une facette pour le moins cruelle et manipulatrice, bien que parfois attachante dans ses moments les plus protecteurs. On perçoit un coté très autobiographique dans certains moments. Une construction qui rend le récit plein de sincérité. Ainsi, Ada explore sa fluidité de genre, ses attirances pour les hommes et les femmes, notamment grâce à l'apparition d'un esprit représentant sa part masculine. Les relation d'Ada avec les autres sont complexes, mais le fort attachement qu'elle a avec ses semblables lui apportent une touche de vie, comme une flamme qui brûle d'autant plus fort qu'elle est éphémère.

Avec sa narration originale, Eau douce nous présente une jeune fragmentée, partagée entre les Dieux igbos et le Trouble dissociatif de l'identité. le roman semble décliner le principe de fluidité de toutes les nuances possibles. Fluidité dans la personnalité changeante d'Ada, fluidité dans le genre, les relations… Sans cesse partagée, jamais entière, toujours écartelée. La plume flamboyante de l'autrice met en exergue la souffrance d'une protagoniste qui se cherche, condamnée la majorité de sa vie à être un objet, un vaisseau pour les esprits, une conquêtes pour ses relations amoureuses… C'est aussi l'histoire d'une quête d'identité et d'acceptation.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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J'ai consacré la journée d'hier à la lecture de ce roman et aujourd'hui je n'ai rien fait d'autre que de réfléchir sur ce que j'ai lu.
Le personnage principal s'appelle Ada. Elle est habitée par les esprits maléfiques et agit sous leur influence.
Evidement les états d'âme d'Ada arrivent jusqu'au lecteur qui se sent mal à l'aise.
Parce que ce sont les esprits qui prennent la parole, parce qu'il y a beaucoup de violence, ça parle de suicide, de scarification.
Un livre original qui fait penser qu'il doit être en partie autobiographique.
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Chose totalement improbable, j'ai mis plus de 3 mois pour parvenir au bout de ce roman, que j'ai songé à abandonner bien des fois... mais je suis finalement allée au bout.
D'un point de vue totalement subjectif, je n'ai pas aimé, ni le style, ni l'histoire. D'un point de vue plus objectif, il est incroyable ce roman ! D'abord parce que c'est une vraie nouveauté, de l'inédit dans mes lectures ; ensuite parce qu'il est donc inclassifiable.
Le lecteur est invité à partager la vie d'Ada, de sa naissance jusqu'à sa mort (enfin je crois). Mais on ne rentre pas dans sa vie par l'intermédiaire d'un narrateur "classique", mais par le biais des différents esprits qui vivent à l'intérieur d'elle. Ces esprits se multiplient au fil du roman : certains apparaissent, d'autres s'effacent avant de regagner une place plus centrale ; ces esprits dirigent dans une large mesure la vie de cette jeune femme, ses errances (notamment sexuelles), ses relations avec les autres, ses choix.
L'auteur, nigérienne, écrit ce qui semble être un roman très autobiographique. On peut tout à fait avoir une lecture "africaine" et s'emplir de ces esprits... On peut aussi avoir une lecture européenne et psychanalytique et se dire qu'Ada est très largement schizophrène ;-)
C'est troublant, dérangeant, pas du tout reposant. A chaque page on se voit obligé de remettre en cause notre vécu littéraire... Un vrai bijou littéraire, je dirai, même s'il ne m'a pas plu !
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