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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

« Je suis dans l'un des angles morts du destin, un noeud formé de toutes ces routes qui n'en finissent plus de se chevaucher, sans lumière, sans issue et sans retour comme dans un cercueil… » p. 13

Le témoignage d'Asli Erdogan est un brûlot « grave et nécessaire ». Pour la liberté, pour le droit d'expression, pour le droit des femmes à exister et celui des enfants à grandir en paix. Contre les mensonges et les exactions ininterrompues envers les intellectuels et les opposants au régime politique de son pays.

Physicienne et, aujourd'hui écrivain à part entière, Asli Erdogan aura 50 ans dans quelques jours. Ses parents avaient déjà eu à connaître la prison et la torture parce qu'ils militaient pour les droits de l'homme.

Les différents écrits de Ce Silence sont des cris, des cris de désespoir, de détresse, de désarroi, d'incompréhension, de désolation, de déchirement, de dévastation face à la violence et à la haine qui surgissent à n'importe quel moment, à n'importe quel coin de rue. Une répression qui, un jour ou l'autre, vous tombe dessus parce que vous défendez la cause kurde, parce que vous voulez que le génocide arménien soit reconnu, parce que vous soutenez la condition des femmes, parce que vous dénoncez l'oppression, la torture et la terreur institutionnalisées.

Asli Erdogan veut être le porte-parole de tous ces êtres brisés par la souffrance, de ce qu'elle-même a vécu dans le Bâtiment de Pierre où elle a été enfermée, de tous ces témoignages qui lui ont été confiés, de la peur devenue une compagne au quotidien, dans tous les gestes, tous les regards, tous les bruits de pas. Elle veut briser le silence, ces non-dits universels et millénaires, qui nous concernent tous. Cela ne se passe pas à l'autre bout du monde, dans une république bananière, il y a très, très longtemps, un temps que l'on peut regarder avec détachement, un temps qui n'existe plus.

Cela se passe à nos portes, aujourd'hui, dans un pays qui veut entrer dans l'Europe.

Le 14 mars 2017, Asli Erdogan sera fixée sur son sort qui pourrait être la prison à perpétuité.
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Parce que le temps nous est compté ...
et parce que je l'ai promis,

Bien que je n'ai pas la force de Picasso et ...
quand bien même Guernica à endiguer la folie des hommes n'a suffit,

Alors je joins mon souffle à la voix forte d'Atos
Je le veux doux et chaud,
zéphyr bienveillant et universel

Et en dernier recours je mise tout sur l'effet papillon
Regardez le voler qu'il est beau de son battement d'ailes dont ...
Le silence même n'est plus à toi

Hélas
Le temps s'insinue
insensiblement
où seuls
les poètes
pourront
par leurs
pleurs
en rédemption
de l'innocence
qui meurt
arroser
les fleurs
de l'espérance
en nos coeurs
asséchés

Alors pourquoi les mettre en prison ???
Tuez un poète, réduisez le au silence et...
c'est le coeur de l'humanité
que vous am -putez

Voilà pourquoi ...
Astrid
pour ensemble
aviver l'espoir
...
de finalement retrouver le nom de ce bal perdu
https://www.youtube.com/watch?v=UGN1SeZ4r54

Non vous n'aurez pas ma haine
et s'il le faut je me ferai fontaine

A lire donc; à lire absolument !
Tant qu'il est encore temps...
Pour que volent à moi les papillons
En plein bouquets
butiner mes pleurs
Qu'ainsi rafraîchis ils essaiment la vie

Pour mieux comprendre ce dont je parle, lire ce livre, manifestement

et si je ne vous ai pas convaincu et si Atos non plus
je vous renvoie à cette très humaine lettre d'Elif Shafak postée par Joe5 le 22 novembre 2016,
moi non plus je n'ai pas oublié, ainsi se tissera la frêle chaîne de l'espoir ...
http://www.babelio.com/auteur/Elif-Shafak/22574/citations/1091675

A la vie,
Avec tendresse
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Pour comprendre et avoir accès à la profondeur de ce livre, j'ai dû user d'empathie. Fragments du vécu, témoignages et articles, qui ont valu à l'auteur d'être incarcérée en Août 2O16 dans l'une des prisons turques pour femme, racontent l'innommable, l'indicible arrachés au silence. le silence même qui n'est plus à elle puisqu'ayant choisi de dire la vérité. Une réalité crue et sombre de la Turquie d'aujourd'hui dans la lignée d'Auschwitz qui révèle toutefois la lumière de l'espoir par ces textes sur les actes de résistance, la solidarité. Un cri, un arrachement qu'il faut savoir entendre. Une mise en garde, une nécessité de vigilance face à la montée dans le monde de ces « démocratures ». Asli Erdogan en liberté provisoire doit le 14 mars 2017 se présenter à son troisième procès où elle risque la condamnation à perpétuité. Elle ne se taira pas…
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Qu'est-ce que le courage?

Asli Erdogan répond à la question lancinante que nous nous posons en lisant ces 29 articles écrits dans l'ombre noire de la répression, dans le massacre des libertés , dans l'étouffement du droit des femmes, dans la violente épuration ethnique, politique, intellectuelle qui sévit sous la dictature turque.

Qu'est-ce que le courage?

C'est désespérer et écrire quand même.

C'est avoir l'obstination de la vague qui se brise et revient contre la falaise. C'est renouer sans cesse le premier mot avec le dernier, et le dernier avec le premier, dans un cycle infini, un inachèvement éternel, de plus en plus las- mais toujours inlassable.

C'est ressentir, dans la solitude et la peur, la fraternité des chiens en maraude,et d'en tirer juste assez de force vitale pour ne pas mourir d'abandon.

C'est continuer à réclamer, contre les dénis et les années, la reconnaissance du génocide arménien, de celui - en marche- des kurdes.

C'est vouloir être aux côtés des femmes qu'on voile, des journalistes qu'on musèle, des opposants qu'on arrête, qu'on torture..avec son arme à soi : les mots, la poésie, les mots si fragiles et si puissants de la poésie.

Qu'est-ce que le courage?

C'est être faible, être seule, être désespérée, être malade, être arrêtée, mais continuer pourtant..

En lisant Asli Erdogan - avec quelle émotion- j'entendais, derrière ses mots, ceux d'un grand poète urugayen, Jules Supervielle, dans un de mes poèmes préférés: "Attendre que la nuit.." :

"Attendre que la Nuit, toujours reconnaissable
A sa grande altitude où n'atteint pas le vent,
Mais le malheur des hommes,
Vienne allumer ses feux intimes et tremblants
Et dépose sans bruit ses barques de pêcheurs,
Ses lanternes de bord que le ciel a bercées,
Ses filets étoilés dans notre âme élargie,
Attendre qu'elle trouve en nous sa confidente
Grâce à mille reflets et secrets mouvements
Et qu'elle nous attire à ses mains de fourrure,
Nous les enfants perdus, maltraités par le jour
Et la grande lumière,
Ramassés par la Nuit poreuse et pénétrante,
Plus sûre qu'un lit sûr sous un toit familier,
C'est l'abri murmurant qui nous tient compagnie,
C'est la couche où poser la tête qui déjà
Commence à graviter,
A s'étoiler en nous, à trouver son chemin."

A la voix de Jules Supervielle, me semblait répondre celle , fragile et forte, d'Asli Erdogan:

" Ecrire, contre la nuit, avec la nuit..Avec ses hésitations, sa langue, ses répétitions... A l'aide de ses mots somnambuliques, de sa mémoire qui se terre en elle-même... A la flamme vacillante d'une bougie qui brûle dans le coeur, au point de bascule ... A la lueur d'une étoile qui continue de briller, bien que morte depuis longtemps, et que tu as rapportée des confins...Regarder la nuit où ne pénètre aucun regard, enfermer le vide infini entre les points et les lignes, tracer des embranchements dans l'obscurité, toucher de ses mille doigts effilés les ombres et leurs objets....S'ouvrir de toutes ses forces à un cri noir auquel tu n'as pas su répondre, l'emplir d'une voix errante... "

Qu'est-ce que le courage? C'est "attendre que la nuit", c'est écrire contre la nuit avec la nuit. Lutter contre l'ombre avec les mots de l'ombre. C'est trouver, dans la nuit même, les mots qui, s'étoilant en nous, trouveront son chemin , à elle...

Qu'est-ce que le courage quand le silence même n'est plus à vous?
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CECI N'EST PAS UNE CRITIQUE , JUSTE UN CRI D'ALERTE !
Asli Erdogan a tous les courages qui peuvent manquer aux autres femmes turques . Il est vrai que sachant superbement écrire , son stylo parait une arme aux yeux de cette " élite " turque qui cire les bottes du dictateur Erdogan .
Mais d'autres courageuses , moins médiatiquement connues à l'international lui emboîtent le pas , l'auteure Zehra Dogan ou la chanteuse Zuhal Olcay , entre autres qui le payent souvent de tracasseries ou d'emprisonnements. Sans l'aide de soutiens occidentaux , bien des intellectuels kurdes ou turcs croupiraient en prison et l'on sait , pour avoir lu , " Midnight Express " , que ces dernières ne sont pas de paisibles colonies de vacance , et que s'y pratique la torture à l'abri des regards . Lisez donc Asli Erdogan , ne serait-ce que par solidarité , si chose rare vous n'aimiez pas son style , consultez régulièrement le site Kedistan.fr qui donne des nouvelles de ce paradis sous les brumes islamistes .
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Un bref livre composé de 29 chroniques publiées par l'auteure dans le journal Özgür Gündem, interdit de parution désormais. Malheureusement, comme beaucoup, j'ai découvert Asli Erdoğan au moment de son emprisonnement, lorsqu'elle a été victime, comme tant d'autres de la montée en puissance de la répression de la liberté d'expression en Turquie. Ces textes datent d'avant, et sont sans doute la raison, ou une des raisons des poursuites engagées contre elle, qui l'ont obligée de quitter son pays.

Ces textes sont d'une très grande force. Parce qu'évidemment, il s'agit de dénoncer, de dire tout simplement, ce qui est tu, interdit d'expression, nié, travesti. Toute la violence du pouvoir turc, contre les minorités, kurdes ou arménienne, les migrants, les femmes. Une violence qui ne date pas d'hier, qui s'inscrit dans toute une histoire. Une histoire qu'il s'agit de falsifier, de travestir, de réécrire, en salissant les victimes, en essayant de les rendre coupables. Et donc ceux, qui comme Asli Erdoğan essaient de dire le réel, de rappeler les atrocités et les responsabilités, deviennent des ennemis à abattre, d'un régime qui s'arroge le droit de bâtir un roman national qui déni la vérité des faits historiques. Mais aussi la violence de la société, qui pour un bonne part adhère au discours officiel, se l'approprie, et qui traite les autres comme des ennemis contre qui tout est permis. le propos d'Asli Erdoğan est de montrer à quel point ne pas dire, ne pas poser clairement le vrai, est source de toutes les dérives. C'est donc le but qu'elle s'est assigné, en dépit des risques. Comme inévitable et vital.

Ce qui fait la force de ces textes, c'est à la fois le fond et la forme. Il y a sans doute des écrits qui explicitent d'une manière plus construite, plus rationnelle. Mais Asli Erdoğan est en empathie, en ressenti, elle s'inclut dans la culpabilité collective turque face aux victimes, elle questionne le rapport aux choses de la société tout en étant parti prenante. C'est un positionnement éthique au sens fort, qui questionne chacun, car les mécanismes qu'elle met à nu ne sont pas propres à la Turquie.

Mais il a y aussi une écriture, qu'on peut qualifier de poétique, en raccourci sans doute, faute de mieux. Une approche un peu discursive, sensible, qui s'attache aux détails, aux ressentis, qui finalement est indissociable du propos. Ce qui est à mon sens le propre de la littérature véritable : le style, l'écriture, ne sont pas là uniquement d'une manière « esthétique », mais traduisent une sensibilité au monde, un point de vue, d'une manière authentique et non pas plaquée ou fonctionnelle.

Tout cela fait vraiment un livre bouleversant, pas forcément dans le sens de noir et désespérant, parce que le seul fait que l'auteur puisse faire le choix de cette écriture, de ces textes essentiels et périlleux, a quelque chose de réconfortant en soi. Cela renvoie à une réalité très dure et amère, imaginer ce que les hommes peuvent s'infliger à eux-mêmes ; cela est angoissant, parce que personne, nulle part n'est à l'abri, y compris en soi-même, de cette haine et violence.

Mais la première chose à faire est de tenter de traduire en mots, comme la première étape, d'une réflexion, d'un recul, d'une prise de conscience. Ce qu'Asli Erdoğan fait de manière magistrale, entre force et douceur, violence et humanité.
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Premier livre que je lis de cette auteure.
Il y a très longtemps que je n'avais lu un livre aussi engagé et si brillamment écrit.
En quelques chroniques, Asli Erdogan dénonce les exactions du pouvoir turc contre la population.
Tout cela écrit avec une grande poésie. Chaque phrase, chaque mot, mérite qu'on s'y arrête.
C'est un livre contre la torture, l'enfermement, qui affirme le droit à la liberté d'exister, de penser, de vivre tout simplement.
Merci Asli Erdgan pour cette piqure de rappel.
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« Le silence même n'est plus à toi ». Écrire . Dire ? empêché, interdit , condamné, faussé, déformé, broyé, écrasé, pulvérisé….. alors : écrire. Ecrire.
« Me voilà aujourd'hui en prison pour avoir cru à des mots tels que vérité et paix. » écrivait Asli Erdogan depuis la prison de Bakirköy, où elle a été injustement incarcérée durant 136 jours par le pouvoir turc qui l'accuse, elle et sept autres prévenus de soutien déclaré au quotidien Özgür Gündem, réputé favorable à la rébellion kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), d'avoir attenté « à l'intégrité de l'Etat » par ses chroniques.
Et ces chroniques, justement, les voici.
Écrire. Écrire de la nuit, écrire au delà des murs des toits, des grilles au-delà de soi.
Des mots , . Écrire, délivrer .
Ne pas avoir d'autre choix que celui de refuser de livrer ses paupières à la nuit, à l'oubli, au mensonge.
Dire au monde, aux pays, à la terre entière ce qu'il advient de l'homme lorsque ses crimes restent impunis.
Mettre le mot devant le miroir du coeur, dire crime lorsqu'il s'agit de crime, dire viol, meurtre, torture, génocide, fascisme, racisme, manipulation, oppression, mensonge, désinformation.
Dire ce qui fut vécu, ce que l'on vit, , dire les faits, dire leurs noms, leurs visages, leurs âges, dirent que des mères attendent des corps, dire l'arménien, la femme, la mère, la fille, les kurdes, dire Kobane, dire les camps, dire les complicités d'état, dire les prisons, dire les chenilles des chars, dire les coups, les arrestations, les corps carbonisés, dire la mort, les blessés.
Ecrire parce qu'elle ne veut pas avoir d'autre choix. Parce que se taire lui est totalement impossible. Au risque de perdre sa liberté, en risquant sa vie.
On ne peut pas dissocier la militante de l'écrivain. Les racines du combat d'Asli Ergodan plongent au coeur même de son âme et de sa chair. Révolte, résistance. C'est ce qui rend son écrit bouleversant, percutant, puissant.
Oui indissociable, la militante et l'écrivain. Je connaissais le combat de la militante, depuis quelques semaines je découvre sa plume. Et comme la main qui porte cette plume est belle et forte ! Elle plonge notre regard dans l'encre de nos vies.
Ce ne sont pas les lamentations nées dans un cri, c'est l'éclat d'un dit qui perce la nuit.
Elles sont là, les victimes, là, elles soulèvent, portent ces pages, elles pèsent dans le ventre de la nuit, elles marchent entre la terre et le silence.
Elle n'est pas seule. Asli Erdogan n'est pas seule. Ils sont des millions. Car c'est à eux que parole est donnée, aux sans voix, aux sans nom , à la « caravane des estropiés », Asli Erdogan les fait entrer dans le cercle ouvert de notre humanité.
Je suis éblouie par l'écriture d'Asli Erdogan. Pas aveuglée, non, éblouie.
Et ça en littérature c'est rare. Chaque siècle nous parle à des années lumière , Asli Erdogan, elle, nous parle en milliers d'années.
On ne peut pas après avoir lu ce livre, on ne peut plus entendre le monde de la même façon.
Ce n'est pas un témoignage. C'est plus que cela Ça vous parle du dedans, ça marche en dedans, depuis la nuit des temps.
« Si non seulement nos morts, mais aussi notre propre mort nous est confisquée...Si c'est davantage que nos seules petites vies individuelles qu'on accule dans les caves...Si l'on brûle, acculé, aspergé d'essence, tout de ce qui nous donne du sens, tout ce à quoi nous donnons le nom et le sens  de « vie »...Si l'on explose à l'arme lourde la voûte de nos rêves, si les salves de balles déchiquettent les mots formés par le sang des millénaires...Si nous ne sommes même plus capables de pousser ni d'entendre un seul cri...Si même ce silence n'est plus à nous ».
Une fulgurance.
Libérée sous conditionnelle depuis le 02 janvier 2017, sous contrôle judiciaire et sans autorisation de quitter le territoire, jusqu'à la prochaine audience, prévue le 14 mars 2017.
Asli Erdogan risque toujours la prison à perpétuité.

Astrid Shriqui Garain
Lien : https://dutremblementdesarch..
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L’écrivaine turque, Aslı Erdoğan infatigable militante et journaliste engagée dans la défense des droits humains, des droits de la femme et dans la défense de la cause kurde, est convoquée devant le tribunal le 14 février 2020. Elle risque neuf ans de prison.


De formation scientifique, romancière et journaliste, Aslı Erdoğan a subi déjà plus de quatre mois d'emprisonnement pour ses chroniques dans Özgür Gündem, journal pro-kurde, interdit depuis octobre 2016. Remise en liberté, elle attend la décision des juges pour savoir si elle peut reprendre une vie normale car elle ne peut pas répondre aux nombreuses invitations qui l'emmèneraient hors de son pays. le jeudi 21 septembre 2017, elle était invitée à s'exprimer dans La Grande Librairie.

Le silence n'est même plus à toi, titre très émouvant de ce petit livre est l'une des vingt-neuf chroniques rassemblées ici par l'éditeur. Il faut prendre le temps de lire chacune d'elles car Aslı Erdoğan confie avec une immense sincérité toute sa souffrance, sa révolte profonde devant le sort réservé aux gens de son pays qui demandent un peu de justice, un minimum de considération et de respect.
« Au pied du mur », titre de la première chronique est révélateur. Présente au coeur d'événements tragiques, elle voit les soldats tirer sur la foule, sur des manifestants drapés dans des drapeaux turcs, « Symboles que les soldats de Mustapha Kemal ont abandonnés aux miliciens de Recep Tayyip. »
Devant toutes les souffrances endurées par les Kurdes, elle confie : « J'essaie désespérément de me rendre invisible, de me fondre et de m'évanouir dans l'obscurité pâlissante, de me mêler aux ombres, à la pierre, à la terre, de m'enrouler dans un ultime bout d'étoffe arraché aux lambeaux de la nuit… »
Dans la chronique intitulée de la mémoire, les grands charniers, elle dénonce « Cette prodigieuse faculté à répondre par l'absence et à nous laver les mains des ravages, des massacres et catastrophes que nous avons perpétrés.. » La question kurde revient régulièrement : « Je ne veux pas âtre complice de l'assassinat des hommes, ni de celui des mots, c'est-à-dire de la vérité. »
Aslı Erdoğan ne mâche pas ses mots. Après un voyage à Auschwitz, elle écrit : « La Turquie joue une « nuit de Cristal » à sa mesure, les foules prêtes au lynchage envahissent les rues de la ville. » Elle est à Diyarbakır et elle assiste à des scènes d'une violence inouïe. Devant tant de souffrances, elle demande : « Vraiment, qu'est-ce que la justice selon vous, quand chaque jour on assassine, encore, encore et encore… »
Dans l'avant-dernière chronique : Premier texte, premier silence, elle parle du génocide arménien puis du sort des Kurdes, « ces Kurdes que nous informons, au cas où ils voudraient continuer à vivre parmi nous, qu'ils pourront le faire en se pliant à nos conditions et à nos conceptions… Mais nos réactions, au mieux, ne font que trahir nos propres mensonges et nos propres crimes… »

Aslı Erdoğan est toujours sincère. Elle décrit ce qu'elle voit, elle dit ce qu'elle ressent pour tenter d'améliorer le sort de tous, sans distinction d'origine. Son style est précis, direct, plein d'émotion et de révolte et de poésie.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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"Le silence même n'est plus à toi est un long cri de désespoir qui tente de déchirer le silence. Asli Erdoğan nous brosse un portrait de la Turquie et de son racisme d'état qui se traduira, entre autres, par le génocide arménien de 1915 et les massacres des Kurdes en 1938, encore perpétrés de nos jours. Elle nous demande de ne pas oublier l'Histoire. Les drames s'effacent de la mémoire humaine. Les voix se taisent. Sa révolte désespérée face au mutisme interroge le monde entier ; « Un jour viendra peut-être où nous dirons : le fascisme, c'était vraiment bien. » Elle rend compte des atrocités commises par le gouvernement turc. Chacune de ses chroniques est détresse et désarroi. On la sent épuisée par sa lutte quotidienne, meurtrie par tant de crimes, laissant apparaître parfois un sentiment d'impuissance. Tous ces prisonniers kurdes embastillés, tous ces corps déchiquetés, femmes, enfants… Mort confisquée. Voix tues. Et ce silence volé qui donne son nom au recueil."
Francine Klajnberg
Lien : https://doublemarge.com/le-s..
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