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Citations sur La Chorale des maîtres bouchers (71)

La journée était plus douce que depuis pas mal de temps, et une fraîcheur fugace s'attardait encore dans l'herbe, dans les feuilles, le goût de la rosée matinale. Franz courut dans la chambre de sa mère, se calma, et lui effleura le bras. Elle était réveillée et déjà vêtue pour la sortie d'une vaporeuse robe d'intérieur blanche semée de roses épanouies, certaines de couleurs rose, d'autres d'un rouge plus profond dans les replis des pétales. Des feuilles délicates d'un vert tendre flottaient partout dans les plis du tissu. Les cheveux d'Eva, abîmés par les traitements, pointaient courts et fins sur sa tête en boucles pelucheuses. D'une main tremblante, elle avait mis un peu de rouge à lèvres clair et s'était gargarisée, remarqua-t-il, avec un bain de bouche agréablement parfumé au lilas. Certains jours son haleine avait l'odeur de moisi d'une cave triste, à cause de ce qui se passait à l'intérieur, expliquait-elle, et lui faisait horreur. Elle aimait être toujours très propre. Ses yeux étaient beaux, se dit Franz, verts et en amande dans son visage mince, blanc comme le papier.
"Maman, annonça-t-il timide et fier, ton avion est avancé.
- Hilf mir", lança-t-elle, en se tournant avec empressement vers lui, et il l'aida à étendre les jambes et à s'asseoir sur le bord du lit. Elle lissa ses cheveux en arrière et, affaiblie, se leva et glissa un pied puis l'autre dans ses souliers à lacets en cuir marron. Elle respirait à fond, pour prendre des forces et aussi pour maitriser son excitation... Eva essaya d'avancer, sans traîner les pieds, en marchant aux côtés de Franz, mais au moment où ils entraient dans la cour de côté, il l'arrêta.
En un geste immense, il la prit dans ses bras et l'emporta tout simplement dans le champ. Elle rit de surprise, puis passa un bras autour de son cou, en pensant Mon fils, mon fils tout petit.....
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Depuis sa découverte de la réserve de livres à l'étage du dessous, sur son lieu de travail, elle avait été mêlée à une foule invraisemblable de gens et à leurs faits et gestes. Elle lisait Edith Wharton, Hemingway, Dos Passos, George Eliot, et pour le réconfort, Jane Austen. Le plaisir de ce genre de vie - livresque, pouvait-on dire à son avis, une vie passée à lire - avait donné à son isolement un caractères riche et même subversif. [...] Qu'elle garde son père drogué sur son lit à côté de la cuisinière, qu'elle soit sans enfant, sans mari et pauvre, comptait moins dès lors qu'elle prenait un volume en main. Ses erreurs y disparaissaient. Elle vivait avec une énergie inventée.
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Pendant cette époque de désunion, Fidelis mit en place ce qui devait devenir une institution d'Argus. La chorale à laquelle il avait appartenu autrefois, à Ludwigsruhe, lui manquait. Bien que celle de là-bas fût uniquement composée de maîtres bouchers, il lui vint à l'idée, peu après avoir chanté avec le docteur Heech, qu'en Amérique il était inutile de compartimenter une chorale par profession.
La première rencontre eut lieu dans l'abattoir Waldvogel, doté d'un plafond élevé et de murs répercutant le son avec un effet agréable... Et à tous Fidelis offrait des biscuits salés, du fromage, de la saucisse sèche,et une perpétuelle réserve de bonne humeur, car dans le chant c'était un homme heureux. Il n'y avait pas d'obscurité en lui, pas de pesanteur. Il était léger comme la lumière, entièrement musique.
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La neige est une bénédiction quand elle adoucit les contours du monde, quand elle tombe telle une couverture enfermant de chaudes poches d'air. Cette neige-là était tout le contraire – elle soulignait le contour des choses et donnait à la bourgade un aspect plus mesquin, dépossédé, simplement ennuyeux, pareil à une erreur déposée là et seulement à demi effacée.
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Lorsque de petites bourgades découvrent qu'elles ne peuvent blesser les plus étranges de leurs habitants, quand les excentriques résistent, ils finissent par être acceptés et même chéris.
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À l'intérieur du cadre miniature était glissée la photo coloriée à la main d'une femme d'aspect à la fois déterminé et fragile, dont la bouche était une ligne sensible creusée aux commissures par la sensualité et la perspicacité.
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Quelque part à l'avant du magasin Fidelis prit la main de Delphine. Creusées, fendues, cicatrisées, leurs mains s'emboîtaient tels des fragments de poterie ancienne.
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Le son jaillissait de leurs poitrines et de leurs ventres amples. Les gerbes de musique se déliaient et sortaient en un flot d'énergie des hommes aux muscles tendus. Ces instruments, leurs voix, élevaient un mur de mélodie palpable. Delphine les observait, ses pensées voguant à la dérive. Elle se mit à écouter au-delà du chant. Bientôt, elle n'entendit pas chanter, pas du tout, mais ne vit que les bouches des hommes s'ouvrir et se fermer en chœur, en un grondement, à la manière d'un rassemblement d'animaux dans un zoo.
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Quand elle arrivait au bout d'un roman, le posait et à contrecœur quittait son univers, elle se voyait parfois comme un personnage dans le livre de sa propre vie.
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Une vie sans histoires, sans obstacles ni sursauts. Ni calage non plus. C'était le genre de vie dont on ne sait pas au moment où on la vit que c'est une vie heureuse.
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