Citations sur L’atelier noir (16)
Commencer un livre, c’est sentir le monde autour de moi, et moi comme dissoute, acceptant de me dissoudre, pour comprendre et rendre la complexité du monde.
Je ne veux pas faire rêver, évader, etc. Faire sentir l'épaisseur du réel, ses significations multiples, les gens, les actes des gens, leurs mots.
Il n’y a pas de conscience, dans le temps où l’on vit, entre soi et le monde autour (idées, faits, etc.). Le rapport à ma classe sociale, vécu seulement sur le mode de l’humiliation, du « pas bien », rien d’autre. Cela, je le montre, ou le fait être, en juxtaposant souvenirs et plus amples tableaux.
Vendredi 12
Si je n’écris pas encore sur la « génération », j’écris au-dessous de moi-même. Pourtant je suis contente d’être condamnée à n’écrire que ce qui naît de mon désir, que le « nécessaire ». D’être obligée de chercher et de chercher jusqu’à ce que je dise : « c’est ça ».
Les « lignes de vie » : le sexe, les parents, l’inégalité sociale, l’écriture, ET l’histoire, le changement du monde, des idées, des modes.
Le plus dur c'est de me dépouiller du "regard" de la société, de ce que j'imagine qu'elle attend, et auquel, finalement, je ne peux répondre qu'en niant cette attente, même en m'inscrivant contre. Aller à ce désir qui se fiche que l'écriture aboutisse ou non à un livre. Me situer en dehors du livre, lui aussi social, lui aussi institution. (p. 87)
Une comparaison atroce: on souffre autant pour un livre qui ne sera pas jugé bon, et qui ne l'est peut-être pas effectivement, que pour un chef d'oeuvre.
J'écris, mais je ne sais pas écrire.
Il y a néanmoins quelque chose de dangereux, voire d'impudique, à dévoiler ainsi les traces d'un corps à corps avec l'écriture.
Je me dis que seule je peux entreprendre cela, cette histoire d'une femme, des habitus, des idéologies, parce que je suis spectatrice de moi-même pour des raisons de déchirure sociale. Que le social et l'historique sont la matière de mon être.