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Critique de Charybde2


Au coeur même des corps féminins et adolescents sous contrôle, pour leur santé et pour leur bien, l'orchestration baroque d'une révolte intime échevelée, folle et ensorcelante. Une satire tragique et comique fort réussie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/17/note-de-lecture-uterotopie-espedite/

Le contrôle des corps, surtout enfantins et adolescents, mais adultes également – et féminins bien davantage encore, comme fantasme bio-politique d'une société saine dans un corps sain (et sans « rien de trop » : mince et sportif, évidemment). Cet horizon peut-être bien indépassable aujourd'hui est la cible choisie par Espedite pour « Utérotopie », satire résolue publiée début 2023 chez Actes Sud, poursuivant par d'autres chemins traversiers une bonne part du travail de défrichage conduit précédemment, dans « Les aliénés » (2015), dans « Se trahir » (2017) ou dans « Cosmétique du chaos » (2020), voire dès « Palabres » en 2011, dont l'auteur n'était officiellement « que » traducteur, en compagnie de Bérengère Cournut.

L'anorexie mentale sorceleuse, orchestrée en secret par deux adolescentes comme un défi à leur société de contrôle et à leur cocon familial, comme un moyen de reconquête de quelque chose, et en tout cas d'un moi collectif corseté à l'extrême, trône au centre de cette « Utérotopie », qui détourne avec une sérieuse gouaille un terme emprunté au Michel Foucault de l'époque de « Surveiller et punir », justement (comme nous l'apprend Mathieu Lindon dans son bel article de Libération, à lire ici).

On trouvera ici, entre le drame et la comédie (car Espedite se plaît toujours à intriquer au plus près la farce et la tragédie), de fort savoureux échos du côté de la dissimulation, du mensonge et de l'invention verbale et conceptuelle qui habitaient les fillettes de « L'apparition » (Perrine le Querrec, 2016), du côté d'un rapport fantastique et complexe à l'alimentation – à son contenu névrotique comme à son contenu politique -, illustré ailleurs avec grand brio par « le premier souper » (Alexander Dickow, 2021), du côté proprement science-fictif de « La transparence selon Irina » (Benjamin Fogel, 2019), ou même, de manière beaucoup plus insidieuse, du côté de la tanière ambiguë de « Grande Ourse » (Romain Verger, 2007).

Comme il nous l'expliquait dans un entretien réalisé en public chez Charybde en mars 2023 (à lire ici), Espedite construit ici les registres de langue spécifiques nécessaires à sa satire multi-dimensionnelle. Et ce faisant, il nous offre un merveilleux roman court, dense, intense et explosif, à plus d'un titre.


Lien : https://charybde2.wordpress...
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