ORESTE : Sache-le bien : ces dieux dont nous célébrons la science ne disent pas plus vrai que les songes fugaces. Dans le monde des dieux tout va à tort et à travers, aussi bien que parmi les hommes.
Second épisode.
IPHIGÉNIE:
Mes servantes !
comme je suis vouée à gémir et gémir,
hélas ! en tristes plaintes
éloignées des accents mélodieux de lyre
où se plaisent les Muses,
las ! à me lamenter, hélas, dans mon chagrin !
Quel désastre m'accable !
Quels sanglots je répands sur la vie de mon frère,
tel que me l'ont fait voir en songe
les ombres de la nuit qui vient de s'effacer !
Je suis perdue ! perdue !
Anéantie, la Maison de mes pères !
Las, hélas ! ma race a péri !
Iphigénie (à Pylade)
Dis à Oreste, fils d'Agamemnon :"Celle qui t'écrit est celle qui fut immolée en Aulide, qui vit encore, quoiqu'elle ne vive plus pour vous..."
Oreste
Où est-elle ? Après sa mort, comment a-t-elle pu revivre ?
Iphigénie
C'est elle-même que tu vois : ne m'interromps point.
Iphigénie (seule)
En vertu d'une coutume antique de ce pays, j'immole tout Grec qui aborde sur cette terre. C'est à moi d'initier les victimes; à d'autres est remis le soin abominable de les égorger dans le sanctuaire de la déesse.
Sache-le bien : ces dieux dont nous célébrons la science ne disent pas plus vrai que les songes fugaces. Dans le monde des dieux tout va à tort et à travers, aussi bien que parmi les hommes. Ce qui torture l'homme qui, dans un esprit droit, prit l'oracle pour guide, c'est de se voir perdu, ainsi qu'il l'est pour l’œil des clairvoyants.