C’était un chien méchant, avec des yeux qui vous transperçaient. Comme s’il pensait déjà à ce qu’il vous ferait s’il en avait l’opportunité. Son museau était tout tendu, on aurait dit que sa fourrure avait tellement été tirée en arrière qu’elle risquait de se déchirer. Et elle était grise comme un nuage d’orage à l’exception d’une traînée blanche entre les yeux. Je ne lui ai jamais fait confiance et je l’avais signalé à ton père et il disait qu’il allait réparer la clôture. Tous les jours il le disait. Mais il ne l’a jamais fait.
Quand il voulait que les yeux du monde cessent de le regarder comme ils le faisaient. Il traversa le jardin et attrapa le verre sur la boîte aux lettres et le posa dans le Caddie, et il recommença à pousser ce dernier sur la route. Ils lui demandèrent de s’arrêter. Lui dirent t’es pas forcé de partir. Mais il continua et les ignora et ils restèrent plantés dans le jardin et attendirent que le fracas métallique s’estompe.
Il y a quelque chose chez cet homme et cette femme et ce garçon. C’est presque comme si on les voyait au fond d’un trou mais qu’on savait qu’on ne peut rien faire pour les en sortir. Et si c’était la seule chose qui me turlupinait ce ne serait pas si terrible, mais ce n’est pas tout. On sait toi comme moi que cette ville est en train de mourir. Ça fait longtemps que ça dure et je ne m’en plains pas.
On suggérait qu’il y avait sous le kudzu des mondes inconnus où homme, femme et enfant pouvaient disparaître.
L’obscurité s’installant sur le monde hors de lui et en lui.
Elle avait envie de crier mais il n’y avait que le noir.
-Qu’Est-ce qui est pire que ce qui te dévore?
À l’époque où sa mère était en bonne santé et heureuse. L’homme avait frappé à la porte et elle l’avait fait entrer dans la pièce à l’avant de la maison où elle prédisait l’avenir.
Elle avait vécu dans cette maison toute sa vie et connaissait les cinquante-sept grincements du sol et le cliquetis de chaque fenêtre. Elle savait quelles ombres tombaient à quelle heure de la journée et elle savait comment se sortir des cauchemars, mais des voix du passé lui parlaient à cet instant et elle s’attendait presque à ce que leurs silhouettes spectrales soient là à l’attendre.
La femme et le garçon et lui étaient depuis si longtemps détachés et en errance qu’il en était venu à les considérer tous les trois comme une sorte d’espèce différente. Des créatures fabriquées par eux-mêmes. Ce n’était pas beaucoup mieux que l’existence d’un chien, mais ça avait commencé à devenir autre chose pendant les nuits étoilées au cours desquelles il longeait la route en direction de leur campement.