Le but des parents, c'était de faire en sorte de pousser leurs enfants une marche au-dessus de la leur, pour que chaque génération soit mieux lotie que la précédente.
Aujourd'hui, on dirait que ces règles-là n'ont plus cours. Cette jeunesse lui fait l'effet d'être perdue et sans repères. Ces gosses traînent dans la rue, ils ne savent pas quoi faire de leur peau, n'ont pas d'avenir. Ils ont des envies qui la dépassent, des envies créées de toutes pièces par la publicité.
- Fatalité - 2018 - p.252 -
…une fois que tu as une image de voyou ou d’élément perturbateur, tu ne peux plus t’en dépêtrer. Même quand tu n’as rien fait, c’est toi. Tu te retrouves enfermé dans un personnage trop étroit pour toi, sans issue, sans choix. Rien. Il ne te reste plus qu’à aller plus loin dans la provoc et les conneries puisque c’est la seule voie où les gens t’attendent encore.
Il n'a aucune illusion. Il va perdre tout ce qu'il a reconstruit ici. Il ne pourra pas lutter contre l'inévitable parce que ce qui s'est passé aujourd'hui ne constitue que les prémices de sa chute annoncée.
-NAUFRAGE-2009- P.159-
Alexandra l'observe alors qu'il sort de la maison et marche sur le trottoir. Dès qu'elle le perd de vue, l'angoisse l'envahit. Comme une vague géante, elle la sent progresser de son ventre vers son cœur et sa tête pour grignoter ses pensées cohérentes, puis refluer de quelques pas pour mieux assurer sa prise et s'enfoncer encore plus profondément dans sa raison.
Alexandra sait qu'elle ne peut pas l'empêcher de vivre, même si c'est dans l'objectif louable de le protéger de lui même. Il doit apprendre à fixer ses propres limites et à les respecter pour devenir un adulte digne de ce nom. Elle ne peut que le guider sur la voie, certainement pas se substituer à lui.
Cet enfant, son enfant, ne lui a apporté que terreur et détresse. Chaque seconde qui passe, elle craint la suivante. Elle l'imagine accusé des pires choses, emprisonné à vie, mort assassiné par ses codétenus, comme son père. Elle ferme les yeux. Elle sait que son fils aura sa peau, un jour. Elle n'envisage évidemment pas que son fils la tue physiquement. Elle pense plutôt que ce stress permanent qui ruine ses journées finira par la ronger de l'intérieur. Jour après jour, Milo creuse sa tombe. Elle ne sait pas si c'est la règle, ou si elle a vraiment tiré le gros lot, mais elle a fini par conclure que les enfants sont là pour détruire leurs géniteurs.
Un page turner durant lequel on a l'impression d'être dans un récit réel, dans un quotidien familial, qui nous emporte comme un tourbillon vers... l'inexorable ? En tout cas, une de ses versions. Et c'est là que j'ai senti la touche un peu typique de Claire Favan : elle n'a pas peur d'y aller ! Enfin, plutôt, de nous y envoyer ! Dans son inexorable sens du dénouement.
Je n'aime pas citer des auteurs pour laisser un avis sur un autre mais je vais faire une exception, d'autant que Claire Favan cite elle-même l'un d'eux dans ses remerciements 🧚♂️🧚♀️
J'ai retrouvé le côté "vie ordinaire mais pas tant que ça" de Barbara Abel, le côté réaliste de Olivier Norek Officiel et la touche noire typique de Claire Favan. Je vous le conseille 😊
Alexandra entend une alarme retentir sous son crâne, comme si confier son secret était une erreur monumentale.
Un pas après l'autre, elle se répète en boucle de ne pas s'effondrer, de retenir ses larmes. Juste tenir bon.
Malheureux comme les pierres, il s'assoit par terre. Il se sont tout creux. Le petit garçon heureux qu'il était quelques jours plus tôt a été remplacé par autre chose. Une créature qui hurle de fureur en permanence dans sa tête et qui réclame son père.