Citations sur La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya (37)
- Où es-tu né Faune ? demanda-t-il en étouffant en bâillement. Tu n’es pas d’ici, tu viens de Gaule Aquitaine ?
- En effet, répondit le coureur des bois. Mais avant cela, je vivais en Colchide.
Mettius tandis l’oreille. Il avait entendu parler de la Colchide, dans son enfance, il y avait très longtemps. Un royaume mystérieux, d’une richesse légendait. Là où Jason était parti chercher la toison d’or. De l’autre côté du feu, les iris d’or du Faune se teintèrent d’une profonde nostalgie.
- Pourquoi l’as-tu quittée ? demanda Mettius.
La Faune évacua la question d’un revers de la main.
- A cause d’une magicienne, qui m’avait envoûté. Longue histoire… C’était il y a longtemps. Quand la Colchide était encore un royaume de magiciennes, avant l’invasion des Cimmériens. Enfin, c’est vieux, tout ça.
- Je protège Thya parce qu’elle le mérite.
- Et tu pries le Dieu des chrétiens pour elle ? interrogea le Faune. Pourquoi ? L’Eglise chrétienne brûle les devins comme elle.
- Ce ne sont pas tous les chrétiens qui condamnent les augures, répondit Mettius. Et mon Dieu, le Dieu des chrétiens, comme tu l’appelles, prône la compassion et l’amour. Ne le juge pas à l’aune des hommes, qui commettent des crimes en son nom.
Le Faune s frotta le nez, peu convaincu.
- Ton Dieu doit s’occuper de l’univers tout entier. Comment trouve-t-il le temps d’écouter tes prières ?
Thya écarquilla les yeux en reconnaissant le bijou. La colombe d’or qui brillait sur la laine rêche, c’était sa colombe, celle qu’elle lui avait donnée pour payer leur voyage vers Brog.
- Tu n’as pas pu la vendre ? demande-t-elle au maquilleur.
- Je ne l’ai pas jugée nécessaire, plutôt, répondit-il, sur un ton badin. A la place, j’ai proposé certains de mes élixirs au marchand, j’ai réussi à la convaincre que mes essences venaient de l’Orient lointain. C’est l’avantage d’une petite ville. Qu’est-ce qu’ils connaissent, à Paris, en parfums ?
Quelque chose avait résonné en lui, dès qu’Aedon avait évoqué Rome. La possibilité, enfin, de faire partie de l’Empire. D’y être intégrer pour de bon. Dès qu’Enoch s’attardait sur cette idée, la tête lui tournait.
Elle lui tendit un gâteau à la semoule et au miel, largement assaisonné de garum, cette sauce de poisson âcre que la cuisinière, en bonne Romaine, utilisait dans presque toutes ses recettes, salées ou sucrées. La pâtisserie avait un goût d’enfance. Thya sentit les larmes lui monter aux yeux.
Elle pleure pour moi dans ses rêves...
– S’il meurt maintenant, daigna répondre la dryade, elle sera anéantie. Elle ne partira jamais sur les routes. Et nous avons besoin qu’elle parte.
Cependant, depuis l’arrivée de Skadan, le jeune chef vandale, la situation avait empiré. De façon dramatique. Skadan avait une véritable armée avec lui, et en même temps ses hommes savaient se déplacer par petites groupes, se fondre dans la forêt, parmi les ombres. Frapper à l’improviste, comme au hasard, une cabana des cimes ou un hameau dans la vallée. Et les Vandales amenaient la peur avec eux. La peur comme une maladie, une épidémie dévastatrice, comme la peste venue du royaume d’Aksoum, qui sous le règne de Trajan avait dépeuplé l’Empire.
«-Laisser des innocents mourir, ce n'est pas un sacrifice. C'est juste… plus facile.» p.186
La sequala était d'un vert intense. Le même vert que les yeux de Thya, se dit Enoch, accoudé au bastingage. Il se tourna vers l'avant du navire. La-bas, la silhouette frêle de l'adolescence évoquait une seconde figure de proue. Une divinité païenne des eaux. La brise du printemps soulevait ses boucles rousses.