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Suite de textes poétiques où deux voix, celle d'un homme et d'une femme s'élèvent, alternées pour nous conter séparément l'enfance, le passé. Quand ils s'aperçoivent, les deux voix se croisent et vont se répondre et s'enlacer progressivement comme vont finir par le faire leurs corps.
Le sang irrigue toute la beauté douce et violente de ce recueil, qui dit la vie et ses blessures qui nous marquent de la naissance à la mort, dans une "explosion d'incarnat" et un "bouquet de grenat". Le lecteur se sent pris, attirer irrésistiblement vers la forêt profonde pleine "d'ombres écarlates" où l'attend "une tanière de rosiers carmins" protectrice et effrayante.

Une économie de mots, pas de lyrisme et pourtant toute une histoire prend forme et s'inscrit au plus profond de nous, des images fortes en jaillissent qui marquent et reviennent hanter. Il y a une force de vie telle dans ce poème que l'on est pris dans un enchantement, ensorcelé avec pourtant l'impression d'être chez soi, au plus profond de soi.
p 52
Je me sens chez moi
dans la lucarne entrouverte du soir
sur ce sentier de cordages

où amarrer demain
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Euh… oui mais…
Voilà en gros mes premiers mots après que l'intensité de la couleur des mots ait été délavée par la vivacité avec laquelle ils se sont dissipés.
Très très partagé par ce recueil car pour ce qui est du fond, je n'ai absolument rien à redire.
Ce texte poétique à deux voix nous fait traverser les quatre saisons, nous propose une palette de couleurs allant du dégradé de gris au rouge vif en passant par des bleus… à l'âme. Une femme, un homme, une histoire d'amour, banal de chez banal sauf qu'Estelle Fenzy sait les mots qui font la profondeur. D'un lieu commun, d'un cliché, elle sait venir titiller le lecteur, l'emmener sur des sentiers désertés, volontairement oubliés, sur des chemins creux aux sillons de l'intime.
L'idée de cet enlacement des maux par l'embrassement des mots jusqu'à l'embrasement final, j'aime.

«C'est une vaste terre
de fougères et de pins

Une forêt de profondeurs
arasée de ténèbres

J'en sais chaque recoin
chaque pli de la terre assoiffée

Chaque cicatrice de la pierre
mangée par les racines

Comme des rides
sur le front d'une vieille »

Page 11/12

« Je suis né dans ce village
à l'engrais des tempêtes

la forge des orages

Qui était cette femme
au visage froissé dans ma poche

Je ne m'en souviens plus

Sauf

la nuit parfois

quand
dans le grand silence
résonnent les cris des bêtes

et que
la pleine lune
baigne de sang sa lumière »

Page 13/14

Donc pour ce qui est du fond, c'est un sans faute niveau ressenti.
Par contre pour ce qui est de la forme… alors là… c'est autre chose.
Je ne comprendrai jamais ce besoin d'utiliser des artifices qui n'apportent absolument rien ni à la facilité de lecture, ni à la compréhension, ni au sens, ni à la puissance du texte, ni à quoi que ce soit (pour moi, ce n'est que « ma vérité »). Je n'aime pas avoir cette impression que l'auteur et l'éditeur sont complices d'une sorte « d'escroquerie ». Les extraits cités plus haut, représentent quatre pages… sur un recueil qui en compte 57. Avec un peu de travail on peut vite écrire une encyclopédie en 20 volumes. Trois quatre mots par page, sans compter cinq pages noircies par des illustrations auxquelles je suis totalement hermétique… oui, je reste sur ma faim. J'ai la sensation d'avoir lu la quatrième de couverture qui m'a bien hameçonné , que je m'apprête à passer un bon moment et qu'une voix me dit en boucle qu'il n'y a plus d'abonné au numéro demandé. La putain d'impression de m'être fait allumer par miss univers et de devoir me la mettre derrière l'oreille pour la fumer plus tard (oui c'est un recueil de poésie mais bon, chuis pas pouet moi) !!!
C'est vrai que pour faire un recueil un minimum conséquent, il faut plus qu'un texte ou deux semés au fil des pages.
Même si dans « Rouge Vive », la qualité est inversement proportionnelle à la quantité de texte, que le papier est de qualité, la frustration est énorme.
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Rouge vive, déjà le titre m'a plu, puis la forme des poèmes, leur brièveté, des poèmes brefs qui deviennent récit.

J'ai une hésitation à parler de dépouillement, Estelle Fenzy est proche des comptines de l'enfance, douces et effrayantes à la fois. Mais la bascule se fait vite vers des découvertes moins familières.
Celle qui prend la parole nous dit sa solitude « La solitude / mon manteau / m'accompagne tout le jour.»
Elle connait « chaque cicatrice de la pierre / mangée par les racines »
Elle est né dans un village « à l'engrais des tempêtes / la forge des orages »
Dès les premiers vers j'étais séduite par l'« homme silence » et la « mendiante à l'amour »
Elle est vêtue de « robe de vent si légère »
La poésie se lit à voix haute pour moi et j'ai eu la sensation d'entrer dans un pays de légendes « au ponton du sommeil » avec des personnages familiers comme l'enfant au cartable déchiré et d'autres plus effrayant comme ce « forceur de femmes »

J'ai été sensible à cette balade à deux voix pour faire le récit d'une histoire d'amour qui se déroule sur « une vaste terre / de fougères et de pins ».
Les voix se répondent à travers les poèmes, disent l'amour mais aussi le chagrin de la perte qui est si douloureuse à ce « coeur tissu fragile »
De beaux dessins accompagnent le recueil qui est placé sous les auspices de Nick Cave et de sa chanson « Where the Wild Roses Grow » c'était une raison supplémentaire pour apprécier Estelle Fenzy


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Critique/citation :
Elle ne voulait pas voir /l'échappée de lumière/au milieu de son deuil…

 
Jeu de doubles qui s'interpellent,
se répondent dans la douleur et
les blessures non cicatrisées d'un
passé – enfance – de femme
endeuillée par la mort du « promis »
emporté sous la mitraille.

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Quand j'ouvre un recueil de poèmes, je lis un texte choisi au hasard. Je ne veux pas les découvrir dans l'ordre, méthodiquement. Je préfère « goûter » les images qui se lèvent devant mes yeux, les émotions qui s'éveillent en moi à la lecture d'un premier poème, isolé, je veux sentir s'il existe en lui-même.
C'est ce que je fais avec Rouge vive de Estelle Fenzy. Et l'alchimie a lieu. Ce premier poème me touche, me transporte dans un ailleurs que je connais bien, dans Ma montagne, la Lozère : Images très précises que ma mémoire a engrangées, des cordes à linge emmêlées et des draps qui s'envolent par delà les prés ou s'enroulent autour des fils de fer barbelés « quand le vent souffle fort ».


Quand le vent souffle fort
chaque fois j'entends
les linges les cordes battant
claquant les draps les chemises

Mon coeur tissu fragile
se déchire

à l'écho des combats
dans les cotons tremblants

Il y a quelque chose de très beau, très vrai dans cette scène. On « entend » : le bruit, le « souffle du vent » mais aussi le mouvement, l'agitation, la violence du drap soulevé, presque arraché, puis qui retombe en "claquant". On voit : les chemises se tordent, se dressent, s'abattent brusquement. Il y a un ressenti physique, le froid, la brutalité. Je ne suis pas seulement spectatrice de la scène mais partie prenante, je peux même imaginer les détails, précisément. J'aime glisser peu à peu du paysage extérieur au paysage intérieur symbolisé par le coeur. Les "cotons" (j'adore ce pluriel si réaliste, cette épaisseur des choses ) entraînent la métaphore du " tissu" singulier comme une antithèse, si fin, si "fragile " qui risque de se déchirer sous les assauts extérieurs de la vie. de cette simplicité du style, de cette économie du mot, naît l'émotion, de cette image qui pourrait être banale parce que quotidienne, celle du linge agité par le vent, naît la profondeur : "combats" menés contre soi-même ou conflits qui agitent les hommes entre eux, les font s'entretuer ? Les deux, sans doute.
Alors je continue ma lecture; je tourne les pages dans un sens ou dans l'autre et peu à peu je distingue deux voix* qui s'élèvent, distantes, mais qui paraissent se répondre et où il est question de roses sauvages, d'amour et de mort, de sang sur la neige... Les gouttes de sang sur la neige toujours associées à la femme comme le fait Perceval méditant sur la beauté de Blanchefleur ; ou encore la reine qui se pique le doigt à une aiguille et imagine le visage de sa future enfant blanche comme la neige, aux joues rouges comme le sang. Je m'enfonce dans le mystère d'un récit, chanson d'amour et de mort qui paraît de tous les temps, qui évoquent les lais du moyen âge, les contes de notre enfance.

Je suis la dépossédée

Mon promis est mort à la guerre
j'étais encore fille

je suis venue dans ce village
verser dans des jarres vides
mon chagrin

Musique à la fois douce, triste et cruelle.

Je cherche à pénétrer l'énigme de ce récit étrange. L'évidence s'impose ! Et oui, les poèmes de Rouge vive d'Estelle Fenzy nous racontent une histoire. Je reprends ma lecture depuis le début. C'est ainsi qu'il faut lire ce recueil !

D'un côté un homme silence, un homme paria, rejeté par la société : La solitude/ mon manteau/ m'accompagne tout le jour/ me caresse quand je dors.
petit garçon blessé par la vie, devenu adulte : « Je suis né dans ce village /à l'engrais des tempêtes ».

Puis une rivière aux rosiers sauvages; et ce sont ces roses couleur du sang qui consolent, fascinent, on le comprend, mais aussi blessent et ont l'attrait de la mort.

De l'autre une fille dont le fiancé est mort à la guerre (à moins qu'elle ne revive le traumatisme vécu par sa mère et par bien des femmes avant elle : "depuis des millénaires/ mon histoire se raconte"

Il est mort loin d'ici
Dans les montagnes
au Nord de mon pays.

le sang sur la neige a gelé

Eclosion d'incarnat.
Et puis la rencontre, la première vision que l'homme et de la femme ont l'un de l'autre. Légèreté, innocence de la jeune fille en mouvement, apparition à la Giono pour peindre la beauté virile de l'homme-nature ? Mais non ! Des fausses notes viennent troubler cette harmonie; ces portraits ne sont pas ceux qu'ils paraissent être de prime abord car la beauté semble toujours corrompue par la mort.…

La première fois
elle descendait
vers la forêt

belle comme un enfant
A genoux

sur une tombe.

*
Il portait dans ses bras
des gerbes de griffures

et à sa ceinture

un faisan colleté
pendu par les pieds.
Jusqu'à cette fin surprenante qui est à l'image du titre Rouge vive : Rouge la rose "carmin" ou "grenat", rouge le sang de la guerre, les "braises" de la forêt dans l'ardeur de la passion, rouge le sang de la virginité, et "le feu de sa robe" , et son sourire, et sa bouche… Ici, même les ombres sont "écarlates ".

Et vive? pourquoi ce féminin ou l'on attend le masculin? Parce que vive caractérise autre chose que le rouge ? Vive comme la jeune fille qui crie sa « révolte dans les buissons de houx » ou comme la rivière où poussent les roses sauvages. Vive comme l'évidence de l'amour: « j'ai vu un homme/ j'ai vu la vie ».
Ou vive au sens d'être vivant ? Vive antithèse de la mort, de la guerre, du malheur qui jamais ne s'efface, des blessures de l'enfance qui jamais ne guérissent ? Vive parce que Eros rime toujours avec Thanatos?

Veux-tu que
ce soir
je t'amène
là ou poussent
les roses sauvages ?

Parce que comme la chanson Where the wild roses grow de Nick Cave cité en exergue et qui a inspiré Estelle Fenzy : Toute beauté doit mourir ?

Un très beau recueil dont le langage poétique, épuré, va droit à l'essentiel et donne essor à l'imagination, un régal de mots et d'images !

Le recueil est paru aux éditions AL Manar de Alain Gorius. J'aime aussi ce livre en tant qu'objet. Les beaux dessins en noir et blanc de Karine Rougier interprètent les poèmes avec sobriété.

Refrain de la chanson de Nick Cave

Là où poussent les roses sauvages

Ils m'appellent La Rose Sauvage
Mais mon nom était Elisa Day
Je ne sais pas pourquoi ils m'appellent ainsi
Car mon nom était Elisa Day

Lien : https://claudialucia-malibra..
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Avec ce troisième opus d'Estelle Fenzy, Rouge vive, nous entrons dans une histoire d'amour « intense, merveilleuse et cruelle », selon les mots de l'auteur, où s'entendent en échos divers deux voix parallèles : une voix masculine, écrite en caractères romains droits et une voix féminine en italiques. Verticalité et force versus horizontalité et soumission, le contraire serait-il possible ? On a compris dès le début qui aura le dernier mot.
Dès l'exergue, le ton est donné par la chanson de Nick Cave, Where the Wild Roses Grow, à laquelle fait référence cette suite poétique, du choix du thème à sa forme. Si l'on visionne le clip enregistré en 2000 par le musicien avec la chanteuse Kylie Minogue, on avancera d'image en image entre le film et le poème, ce recueil étant le récit poétique d'une rencontre entre deux amants au bord d'une rivière, l'un(e) se portant à la rencontre de l'autre pour un entre-deux d'amour possible. Progression amoureuse, lente et volontaire, vers la beauté des rosiers sauvages, vers la promesse d'une première fois unique, dans une paix coupée du monde, attente tournée vers l'espérance/la consolation. Sauf que cet amour naissant semble déjà grevé par l'histoire de chacun, la petite et la grande, son piège de douleur, sa répétition millénaire. le titre Rouge vive dit assez la passion destructrice entre Éros et Thanatos. La rencontre-réparation qui pourrait mettre fin à la spoliation d'amour et à l'ombre des jours gris se révèle une étreinte tragique dans l'étau des bras. Aucune évasion possible.
All beauty must die, chante Nick Cave, en écho à John Keats… Revient alors, loin de la vision romantique, cette question : pourquoi faut-il saccager la beauté sur l'autel de la douleur ? Pourquoi le passé revient-il assassiner le présent ? Est-ce une fatalité ? Entre coup de coeur et coup de marteau, pourquoi ces éternels sacrifices ? Et c'est la femme, toujours, qui en paie le prix, l'innocente qui marchait vers sa chance pour enfin amarrer demain, alors qu'elle prenait la liberté de s'offrir paupières closes/coeur béant telle une rose à peine ouverte. A wild rose.
On soulignera ici le choix d'une écriture concise, épurée, contemporaine dans ses inventions verbales, qui mêle références musicales et littéraires (Rimbaud, par exemple avec Ma Bohême et le Dormeur du val). Une suite poétique, dense, forte, sous le signe du rouge, un bouquet d'images symboliques à lire sur différentes strates, plusieurs générations s'avançant en ombres portées à l'arrière-plan du récit, auxquelles on pourrait peut-être ajouter celle de l'amante Estelle Fenzy elle-même et/ou d'une ancêtre, le point de vue choisi par elle dès le titre n'ayant rien de neutre, bien évidemment. Mais ça, c'est une autre histoire, à retrouver dans l'unité de ses différents recueils.
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