Citations sur Grâce et dénuement (211)
La vieille dit : L'amour c'est le plus difficile. Ça vous prend, ça vous malmène, ça vous agite. Et puis quand on croit que c'est gagné, qu'on a dans sa vie celui qu'on voulait, ça se lasse, ça se fatigue, ça se remplit de doute. Mais c'est que dans ce manège qu'on a l'impression de vivre.
On ne soupçonne facilement que ce dont on est capable.
Tu crois que ça me plairait de ramasser des papiers au bout d'une tige dans le parking du supermarché? Il dit: De me balader avec mon sac en plastique et ma blouse marquée "nettoyage", pendant que les autres ils font leurs courses, posent leurs yeux sur moi comme si j'étais transparent, bon à mettre dans le sac avec les papiers gras. Tu crois que ça peut pas détruire?
Esther ne s'arrêtait plus de lire pendant près d'une heure, et quand elle finissait, ils s'étiraient, revenant de l'autre monde, plus enveloppant, plus rond, plus chaud que celui dans lequel ils retournaient à peine sortis de la voiture et qui les mordait au visage comme un chien fou.
Il était à ce point du désir où la souffrance du manque paraissait préférable à l'état vide et heureux qui avait précédé.
C'était bon de ne pas être silencieux et seul avec sa douleur, et parce qu'il doit y avoir des moments comme celui-là, où l'on voudrait ne jamais s'arrêter de faire des confidences, de dévoiler son trouble et sa peine, et la difficulté d'être.
Ce qui se perdait dans la misère c'était aussi le désir et l'élan vers l'avenir.
Il avait cette conscience des limites jusqu'où peut aller le dénuement sans vous détruire, sans broyer le noyau central que l'on appelle l'âme, le sentiment de soi, l'estime qu'il faut bien se porter pour vivre et pour accepter toute cette merde sans se sentir sale.
Misia avait vingt-deux ans (...) Elle possédait le plus beau buste dont un mari puisse rêver, un rondeur vaste et blanche qui tendait le tissu des blouses et lui faisait la taille fine. Pas un regard d'homme ne manquait de s'y poser (elle s'était habituée au regard et à la convoitise). Alors, quand Misia avait un bébé, ses beaux-frères a regardaient donner le sein, transpercés par cette blancheur immense, qui devait sentir le lait, le nouveau-né et la peau douce.
Nadia apaisait les disputes en chantant avant le coucher (...) Le battement des cœurs se calait sur le rythme tranquille du chant. La voix montait dans la nuit avec les étincelles du feu. Nadia restait debout , ses poignets de fillette ballant devant sa jupe, son visage blanc déformé par l'effort. Les vibrations entraient en eux, les remuaient de la peau jusqu'au cœur, ils sentaient ces choses à quoi ils n'avaient pas le temps d'ordinaire de songer : voilà qu'ils étaient à tressaillir dans l'émotion du sentiment de vivre. Ils partaient se coucher avec de la beauté dans l'âme.