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Critique de Musa_aka_Cthulie


Livre que j'ai emprunté au hasard en compagnie de textes de fiction d'Oscar Wilde et d'une biographie, et par lequel j'ai commencé parce qu'il me paraissait le plus facile à lire de toute la pile (eh oui, ma paresse légendaire s'affirme de jour en jour). Ça commence mal, car que vois-je en ouvrant le livre ? "Collection dirigée par Eric Koehler et Olivier Poivre d'Arvor" (la collection s'appelle "Destins", au fait, ce qui me rappelle des machins sur les familles royales européennes). Bref, il se trouve que dans la famille Poivre, je confonds tout le temps Olivier et Arnaud, Arnaud m'ayant traumatisée au début des années 2000 avec sa série pseudo-historico-documentaire intitulée Babylone (notez que j'ai dû effectuer des recherches pour retrouver le nom, vu que ça n'a pas trop marqué les esprits). C'était donc une série hautement fantaisiste, et comme je confondais le neveu et son oncle, je me suis dit qu'une collection dirigée par Olivier Poivre d'Arvor (que je prenais pour Arnaud, si vous suivez bien) était tout sauf gage de qualité. Là-dessus, je m'en vais consulter la fiche du livre sur Babelio. Et là, c'est le drame ! Quatre notes et une moyenne de 2,5/5, assorties de deux critiques qui expliquent les nombreux défauts de l'ouvrage, et n'en dégagent que très peu de qualités. Ah, me voilà bien ! Tant pis, je persévère. Et là, dès les deux premiers chapitres, je comprends la déception des auteurs des deux critiques. Vais-je continuer ? Allez, oui, ça fait en gros cent pages, si on ne compte pas les illustrations.


Je rejoins donc les deux autres membres de Babelio sur la structure du livre. C'est un genre hybride, qui ne relève pas tout à fait de l'essai, clairement pas de la biographie, et pas de la monographie. Et le manque de fil chronologique est flagrant. Pour une fois, on peut à peu près se fier à la quatrième de couverture (et vous connaissez ma passion pour les quatrièmes de couverture !), qui nous dit : "Tout entier sous le charme de cet écrivain cabotin et agaçant, Frédéric Ferney en offre au lecteur un portrait passionnant." Laissons de côté "passionnant", qui est clairement de trop, et concentrons-nous sur le terme "portrait". C'est effectivement ce qu'est cet ouvrage, avec une dose de subjectivité assumée et en général expliquée. Mais cent pages d'un portrait relativement superficiel, ça me paraît un tantinet excessif.


Non pas que la chronologie soit à proprement parler inexistante. On peut la retrouver dans certains chapitres, si ce n'est dans tous. Mais les lacunes, touchant aussi bien à la biographie qu'à l'oeuvre, sont bien trop nombreuses pour que la lecture soit aisée si l'on ne connaît pas déjà en bonne partie la vie et les écrits d'Oscar Wilde. Or il s'agit là d'un ouvrage qui me semble conçu pour apprendre à connaître Wilde. Ça n'a pas grand intérêt si on est déjà bien informé, car pour approfondir le sujet, on se dirigera vers des biographies ou des essais plus conséquents. Et compliqué de s'y retrouver si on ne connaît pas assez Wilde, vu que le livre ballotte le lecteur d'une époque à une autre, d'une thématique à une autre, sans prendre grand soin d'ouvrir un chemin qu'on puisse suivre sans tomber sur des embûches tous les trois pas. La chronologie, ça sert quand même à quelque chose. Et parler à mots couverts de la pièce salomé, qui n'est pas la plus connue d'Oscar Wilde, ça sert à quoi si le lecteur ne l'a pas lue et ne comprend donc pas que les "fines" allusions de Frédéric Ferney y font référence ? le type de lectorat visé par ce livre reste un mystère pour moi.


Un truc que j'ai trouvé également assez.... Nan, je reprends. Un truc qui n'a cessé de m'agacer pendant à peu près la moitié du livre, c'est le style de Frédéric Ferney et ses insertions d'expressions anglaises pour donner une espèce de ton british à l'ensemble , censé coller parfaitement à la personnalité d'Oscar Wilde. Exemple à la page 24 (mais ils sont fort nombreux) : "Oscar, dès son plus jeune âge, a sa place, avec son pouf et son coussin, parmi les grandes personnes qui se pressent au salon : il y a là un pasteur, un officier de la garnison, un confrère du Dr Wilde, une tante ou peut-être une cousine de passage, qui somnole sur son napperon. Moustaches et cols de dentelle. Tea ou brandy, my dear ? [en italique] Les dames rêvent, les hommes fument, les jeunes filles s'ennuient. On se croirait dans un roman de Smollett ou dans une pièce de Tchékhov. Londres est si loin, presque aussi loin que Moscou." Voilà, c'est comme ça pendant à peu près 45 pages. Et c'est horripilant, sans parler du fait qu'évidemment, Frédéric Ferney n'a jamais foutu les pieds dans le salon des Wilde (sauf si c'est un vampire, mais c'est pas précisé dans sa bio, donc j'en conclus que non), et qu'il fait donc fonctionner son imagination à plein régime. Je pense que, du coup, ça vous explique mieux pourquoi ce livre est rangé dans la catégorie des "portraits". le factuel est ici souvent agrémenté de moult falbalas.


Ferney se calme tout de même un chouïa arrivé au mitant du livre. Il y parle davantage de l'oeuvre. Il n'est pas toujours très tendre avec Wilde, mais après tout, ça nous change des hagiographies obligées ; deux de mes (nombreux) traumatismes littéraires ont été provoqués, non pas par Arnaud Poivre d'Arvor, ni par son oncle Olivier, mais par les biographes de Sarah Bernhardt et de Virginia Woolf dans la collection Folio Biographies, où toutes les vacheries que lesdites Sarah et Virginia avaient pu commettre étaient présentées comme naturellement excusables, parce qu'après tout, on a le droit de se comporter de façon odieuse quand on est connu (on va bientôt nous dire que la sociopathie, c'est la normalité tant qu'on a de l'argent ; en fait, je suis bête, on nous le dit déjà...) Ici, rien de tout ça, Frédéric Ferney n'étant pas un adorateur inconditionnel et honteusement partial De Wilde et de son oeuvre. Il explique ses réticences, et sur le comportement d'Oscar Wilde en public, et sur ses oeuvres. Il faut dire qu'à par les quatre grandes pièces De Wilde, y'a pas grand-chose qui trouve grâce à ses yeux, tant il estime qu'Oscar Wilde s'est contenté d'imiter les symbolistes et les décadents, sans se montrer suffisamment original. Il est clair que Ferney n'est pas un adepte du symbolisme, mais ses argument peuvent s'entendre, même pour une aficionada, comme moi, du symbolisme pictural et du théâtre symboliste de Maeterlinck (après tout, j'oblige pas les autres à aimer le symbolisme), et même pour les fervents admirateurs du Portrait de Dorian Gray.


Mais tout ça se résume à bien trop peu de pages, et on finira par une conclusion parlant de Beckett, sans que ce soit le moins du monde cohérent (Ferney essaie d'ailleurs de se justifier sur ce point, mais pas très adroitement). On gardera donc essentiellement en tête le souvenir d'un livre pas très bien fichu, avec beaucoup de fioritures. Un portrait, pourquoi pas ? Mais encore fallait-il qu'il soit réussi, ce qui impliquait à mon sens un texte bien plus condensé, avec un contenu plus riche et moins de fantaisies inutiles, le tout reposant sur une structure ayant du sens.
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