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3,71

sur 193 notes

Je pense qu'après « Le sermon de la chute de Rome » et donc « Un Dieu un animal » Jérôme Ferrari et moi on va se retrouver d'autres fois. A vrai dire, j'en suis sur. Il signe ici un court roman absolument impressionnant de maitrise. L'écriture est bien là, fiévreuse, intense, dense, la sensation d'une plongée en apnée, au coeur de la solitude, du mal être, de l'incapacité d'être simplement soi-même, deux vies qui s'abiment, pas pour les mêmes raisons mais dont le destin semble tout tracé. Jérôme Ferrari écrit un chant funèbre bouleversant qui trotte dans la tête bien longtemps après l‘avoir refermé. J'ai eu le plaisir de discuter avec Ferrari ce week-end, me disant que c'était son roman préféré, je le remercie de m'avoir si bien conseillé. Avec Gaudé et Ferrari, les éditions Actes Sud peuvent être très fiers de leurs deux Goncourt.
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Le narrateur (est-il Dieu, est-il la voix intérieure de l'homme, est-il notre propre conscience ?) interpelle un jeune homme rentré chez lui après s'être confronté à la violence aveugle de la guerre et de la mort dans un pays arabe.
Il avait peur que son petit village ne devienne son tombeau ; peur d'être imprégné, comme ses parents et ses grands-parents avant eux, par l'odeur de la vieillesse, de l'ennui, « de tout ce qui est joué d'avance ». Il était tenaillé par l'inaction, la rage, une colère sourde de devoir vivre et mourir sans avoir ressenti l'étreinte du monde. Il aspirait à découvrir dans la béance de son âme, la manifestation de Dieu.
A vif, le coeur empli d'attente et de violence, il s'était alors engagé comme mercenaire dans le désert où la guerre faisait rage. Il avait convaincu son meilleur ami de le suivre mais la mort avait fait exploser Jean-Do lors d'un attentat et il était rentré au village, seul, dépossédé de toutes ses illusions, sans plus aucune attache, sans rien à quoi se raccrocher.
« Tu es parti, le monde ne t'a pas étreint et, quand tu es rentré, il n'y avait plus de chez toi. »

Seul le souvenir de Magali, son amour de jeunesse, son premier flirt d'adolescent, offre à sa conscience égarée l'espoir d'un peu de pureté et d'innocence dans ce monde agonisant, comme un rai de lumière au fond des ténèbres.
Alors il lui écrit, une longue lettre…Mais Magali n'a plus 14 ans. Consultante au sein d'une grande firme, elle est devenue une combattante émérite de cet ordre supérieur, de cette entité institutionnelle carnassière et broyeuse d'âmes qu'est le monde sans pitié de l'entreprise. Là, on se bat à coup de termes techniques : management, nouvelles perspectives, développements, commissions, rendements.

Entre le mercenaire et la chasseuse de contrats, le même sentiment de vide et d'humiliation, le même écoeurement, le même découragement face à la vacuité, la vanité, l'insignifiance des êtres et du monde.
Trop plein d'abnégation ou au contraire défaut d'humanité ? Leur clairvoyance est terrifiante, elle laisse peu d'issue à la vertigineuse défaite vers laquelle tendent nos civilisations, sauf celle de la mort ou de la résignation.

Jérôme Ferrari met en scène des individus qui tentent de donner un sens à l'existence, qui essayent de comprendre la barbarie qui les cerne et qu'ils contribuent eux-mêmes à répandre.
Dominés par de vaines chimères où, dans un bain de violence et de sang, s'affrontent la quête d'absolu, la recherche de soi, la liberté individuelle et l'ambition de s'accomplir, ces êtres dessinent une humanité misérable, perdue, sur laquelle viennent se briser « toutes les illusions de lucidité ».
Pris à la gorge, on écoute, l'estomac noué et le coeur chaviré, les échos de leurs voix errantes résonner en nous, comme une complainte du désespoir.

Ecrit dans une sorte d'urgence, d'une écriture pleine de fièvre et de fureur qui nous confronte à la brutalité du réel, au monde tel qu'il est, cruel et barbare, « Un Dieu un animal » est aussi un roman abreuvé de spiritualité et de souffle divin, du sein duquel naissent des moments extatiques, véritablement lumineux.
Car ce roman âpre et fort est aussi une quête mystique et rédemptrice qui entremêle à l'implacabilité du sentiment de chaos, une dimension poétique, symbolique, visionnaire, une réflexion sur Dieu illuminée de sombre beauté.

D'emblée, on sait que l'on pénètre dans un univers qui ne laisse guère d'échappatoire, le genre de livre à la fois cruel et plein d'amour qui nous remue de l'intérieur, qui nous ébranle dans le fracas étourdissant de ses mots et qu'on lit le souffle court, comme en apnée, entraîné par le flux d'une écriture inspirée et féroce, immergé dans un monde sacrificiel d'exil et de solitude.
Monde martyr…que « Dieu tire du néant et renvoie sans fin au néant ».
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cela demande un peu d'entrainement
je veux dire, si vous avez l'habitude de prendre votre respiration aux points, avec Ferrari vous risquez l'asphyxie
le texte est là, en bloc, pas de retour à la ligne, pas de tiret, et de loooongues phrases.
Mais dès qu'on a pris le rythme, le bonheur de lire est là aussi, très présent.

Découvert grâce au Goncourt, cet auteur continue de me donner du plaisir ; il m'oblige à réfléchir, il me touche par l'intensité de ses personnages, il fait résonner en moi des interrogations, et bien sûr, comme exprimé au début, il améliore ma respiration ;)

Ici on parle d'un homme, à qui le narrateur s'adresse par un 'tu', et son déchirement nous fait poser la question : peut-on poser des choix de vie et rester maître de son destin?

intensité garantie dans ce court récit

ah j'oubliais … dédicace personnelle de l'auteur… un très beau cadeau de ma fille qui a rencontré souvent ce prof de philo de la ville voisine:)

4/5

is@juin14
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Un texte en un seul bloc. D'une traite.
Comme si en 2009 (date d'édition) il y avait urgence à mettre des mots sur cette guerre d'Afghanistan, sans prendre le temps de reprendre son souffle.
Un monologue adressé à un jeune homme avide d'action et de violence pour couper court à la vie ennuyeuse dans son village natal. Jeune homme qui ne s'était pas imaginé que les prières naissant dans un cimetière puissent être si différentes de celles qui surgissent au milieu d'un charnier.
Entre diatribe sur la guerre et constat philosophique sur un genre de guerrier, le texte de M. Ferrari est, encore une fois, terriblement bien senti.
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Est-ce que j'ai aimé ce livre ? Oui mais non. Il est minuscule, c'est presque une nouvelle, et pourtant l'auteur a réussi à en faire un pavé. Un vrai pavé, un de ceux qu'on lance pendant les révolutions, ou qu'on entasse pour faire des barricades….

Par quel miracle me direz-vous ? Je vous explique. le truc, c'est qu'on dirait que Jérôme Ferrari ne connaît pas les chapitres, ni même les sauts de pages, ou les sauts de ligne tout simplement.
Résultat, ce roman est tout bonnement irrespirable. On est en apnée de la première ligne jusqu'à la dernière. Alors c'est vrai, il n'y a que 110 pages, mais en ce qui me concerne je n'ai pas l'entraînement pour le Grand Bleu et ça fait déjà une sacrée profondeur pour retenir sa respiration.

Pourtant, à part ça, j'aime beaucoup le style, j'aime beaucoup le thème (le sens de la vie, la quête de soi, la brutalité du monde et la rédemption, ouais rien que ça, très digeste n'est-ce pas ?), mais honnêtement ça m'a fatigué. Peut-être suis-je une grosse feignasse ? Oh, c'est tout à fait possible ne nous racontons pas d'histoire…
Par contre, est-ce une raison suffisante pour jeter le bébé avec l'eau du bain ? Bah non justement et plus j'y pense plus je me dis que ça fait du bien parfois de fournir un petit effort. Parce que c'est comme ça la vie, compliqué. Difficile. Pas gagné (ceci étant la version optimiste de "perdu d'avance")...

Donc voilà, ce n'est pas que je change d'avis comme de chaussettes, non ce qui se passe c'est que ce livre possède en réalité les qualités de ses défauts. Je veux dire par là que Jérôme Ferrari ne pouvait pas faire autrement ni surtout faire mieux que de l'écrire comme il l'a fait. Ce texte, par son côté monobloc acquiert une force monstrueuse, quasi divine pour faire un clin d'oeil au titre, et il nous scotche sur place dans l'attente de la fin avec une espèce d'urgence qui va nous laisser un goût amer, c'est couru d'avance.
En effet il n'y aura pas d'échappatoire, on le sait depuis… euh je sais pas moi, depuis le titre peut-être ?
Un dieu un animal, c'est sûr que ça interroge, chaque homme est un peu des deux à mon avis. Mais on se fiche bien de mon avis, nous sommes ici au royaume des vies brisées et au pays des questions sans réponse, il va bien falloir l'accepter.

Bon mais alors, finalement, est-ce que j'ai aimé ce livre ? Oui mais oui. Et en plus, j'ai vachement progressé en apnée !

Pour la petite histoire, c'est un livre que j'ai pris dans la boîte à livre du parc de l'Orangerie à Strasbourg et sincèrement, je ne l'aurai sans doute pas lu si l'occasion n'avait pas fait le larron. C'est vraiment une bonne chose ces livres en liberté et cette liberté dans les livres, il faudrait davantage d'initiatives de ce type... je vais voter pour ça tiens, c'est de saison après tout ;)
Lien : http://tracesdelire.blogspot..
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Je n'ai pas été emportée par ce roman comme j'ai pu l'être par deux oeuvres précédentes de Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome" et surtout "Où j'ai laissé mon âme". le texte est cependant remarquablement écrit, mais si j'éprouve beaucoup d'intérêt pour tout ce qui se déroule en Corse et dans la vie de militaire puis de mercenaire du héros, je suis insensible à ce qui touche à la carrière de son amie de jeunesse et à son évolution en entreprise. Il me semble que l'auteur y accorde une place trop importante dans son livre. Un peu déçue donc alors je n'accorde qu'une note moyenne.
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La distance entre le résumé des faits, en quatrième de couverture de ce mince roman, et l'impression que donne sa lecture, ne cessera de m'étonner. Le résumé aplatit l'histoire comme une crêpe, mais il a au moins l'avantage de réserver au lecteur une bonne surprise, celle de ne pas rencontrer les banalités qu'il annonce.

Ferrari traite l'histoire, la succession plus ou moins logique des événements fictifs, avec une certaine distance, pour ne pas dire avec une apparente négligence. Sa narration fait glisser le lecteur d'un segment à un autre, d'une époque à une autre, et lui fait croire que vraiment, là n'est pas l'essentiel. Bien sûr, on suit le parcours d'un jeune mercenaire traumatisé, mais les considérations pieuses sur la violence, le Moyen-Orient etc, se débitent ridiculement à une table de restaurant : c'est le Dictionnaire des Idées Reçues, auquel le personnage ne peut plus adhérer. Il ne s'agit pas du tout ici de l'histoire d'un pauvre soldat traumatisé par "la violence", ou pas nécessairement. Il s'agit d'un triangle de personnages, le soldat que le narrateur tutoie, Magali, son amie d'enfance, dont il parle à la troisième personne, et enfin de Hallâj, le mystique soufi du Moyen-Age, mort en martyr pour avoir dit : "Je suis la Vérité". Toujours, semble-t-il, les romans de Ferrari s'élaborent à l'ombre d'un grand homme et d'une idée qui ont révolutionné la pensée : Heisenberg, Nietzsche, Hallâj, ou l'Alef zéro.

Comment tous ces éléments s'emboîtent-ils ? La guerre dépouille le héros de son humanité et le place donc entre le dieu et l'animal : hors de l'humanité et de ses illusions consolantes, et surtout, bien sûr, loin des femmes, loin de Magali, qui est sa dernière tentative pour vivre une vie à hauteur d'homme. Mais il ne le peut plus. La guerre lui a fait voir l'absolu, ce Dieu qui, dans le roman, se manifeste en musulmans féroces, ce Dieu qui agrée tous les sacrifices humains qu'ils lui offrent, hommes, femmes, enfants, génies, innocents, mystiques. Le héros rencontre Dieu et il sort de cette rencontre tellement abîmé qu'il ne peut plus rejoindre les hommes : "Car dans la nuit de ta fièvre tu as été ramené tout au bout des déserts, là où tes yeux s'ouvrent sur les moissons de chairs sanglantes que le souffle énorme de Dieu a dispersées. Sa main s'est abattue près de toi et t'a à peine effleuré, mais tu es rompu pour toujours et, autour de toi, gisent ceux qu'il a choisi d'étreindre." (p. 109)

Deux remarques pour finir : la vision que ce roman donne de Dieu est proprement effrayante, augustinienne, ou islamique. Il est la vérité insupportable qui dévore tout. Ce court roman est consacré à cette vision, et rappelle celui d'Ali Erfan sur les enfants "martyrs de l'islam" lors de la guerre entre l'Iran et l'Irak. Pour être convaincant, Ferrari se maintient toujours à une intensité de style, à une puissance, qui épuisent le lecteur à qui presque rien n'est épargné. Mais c'est un livre fort et beau.
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Un récit court mais d'une poésie violente et poignante. Tout oppose, ce que ces deux amis d'enfance sont devenus, tout deux aussi inadaptés au monde et tout aussi désespérés, submergés par la violence, les attentats et la guerre pour l'un, par une compétition économique sans sens pour l'autre. L'histoire est sans espoir, elle ne peut pas bien finir, et laisse un goût amer sur notre civilisation.
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Un court texte écrit d'une plume somptueuse, qui oscille du registre quotidien au lyrisme parfois mystique, avec une force et une sincérité qui font de l'auteur un des écrivains les plus inspirés de ces dernières années.
L'interrogation existentielle sur le sens de la vie prend ici la tournure d'un dialogue avec un Dieu absent et impitoyable : "comment Dieu ferait-il, comment nous dirait-il son amour ?"
Peu importe si le héros, auquel l'auteur s'adresse fraternellement à la deuxième personne, pour fuir un village mortifère qu'il compare à un cimetière et ses petits boulots pourvoyeurs d'extases chimiques, s'engage comme mercenaire là où la mort est quotidienne, "un processus infaillible, fortuit, monotone et infiniment dérisoire", s'il a perdu son meilleur ami dans un attentat à l'explosif... Peu importe si la "déesse païenne" de son adolescence est devenue une consultante chasseuse de têtes presque uniquement préoccupée de la rentabilité de l'organisme sans âme où elle oeuvre, son entreprise. Entre ces deux-là, pas de rédemption possible, il est allé trop loin dans la colère et le désespoir pour qu'elle puisse jamais le rejoindre... Il n'est pas d'affection ni d'amour qui tienne devant ce gouffre dépressif.
Reste la prose splendide, ample, inspirée, qui tout à coup décolle dans des périodes impeccables et lyriques. Sombres pensées, superbe expression, le texte est digne du titre, son héros est à la fois un dieu, et un animal, oscillant de l'angoisse maladive et cruelle à l'inquiétude mystique et sans réponse.
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Court roman de Jérôme Ferrari, auteur dont j'ai souvent vu passer des livres, sans jamais m'intéressait au contenu, c'est donc chose faite avec ce livre. Je n'ai pas trop adhéré à la plume de l'auteur et j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire. Nous ne connaissons pas le nom de notre personnage et son histoire est racontée par une tierce personne qui utilise le tutoiement. Notre personnage a connu la guerre, il s'est même porté volontaire pour partir en Syrie suite au 11 septembre 2001, il va connaître l'horreur, la solitude, la perte d'êtres chers, son retour dans son village natal va le pousser à recontacter son amour d'adolescent, oui mais voilà, il n'est pas revenu le même, il souffre, et Magali, elle a avancé dans sa vie, et la guerre lui paraît lointaine et elle ne maîtrise pas le chagrin de son compagnon. La fin assez surprenante est malgré tout attendue, Je ne peux pas dire avoir détester ce livre, mais je pense que j'y aurai mis plus de compassion, si notre héros avait un prénom et si il avait raconté lui-même son histoire.
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