Marc et Isabelle sont un couple moderne. Elle a 26 ans, il en a 37, il a été marié, il est père de deux filles Lisa et Marion. Marc est décorateur d'intérieur à son compte, Isabelle s'occupe de l'organisation des séminaires de formation du personnel dans une grand banque.
Ces deux provinciaux se sont rencontrés à Paris et retrouvés dans un amour torride qui les aide à surmonter leurs ruptures.
Il y a trois ans, Isabelle a quitté ses parents, viticulteurs en Anjou, sans donner d'explications, abandonnant une vie qui semblait tracée comme celle de sa famille et celles de ses amies angevines.
Mais voilà, depuis, le remords la tourmente. Elle est partagée entre le désir de raconter pourquoi elle a rompu les ponts et la peur de choquer en dévoilant le pourquoi.
C'est dans Marc qu'elle va puiser la force de renouer avec son passé et de revenir vers sa famille (elle a un frère
Jean-Pierre et une soeur Murielle) et ses anciennes relations.
Sur cette trame simple,
Guy Ferron construit un roman attachant en l'ancrant de façon intelligente dans son époque.
Il prend son temps conduisant le lecteur dans les méandres de l'année 1988 et plus particulièrement les mois d'avril et de mai qui voient s'affronter
Jacques Chirac et François Mitterand dans une présidentielle aux résultats incertains.
Le récit évoque les actualités du moment, le débat de l'entre deux tours et la pique de Mitterand "Bien entendu Monsieur le Premier ministre"...La polémique autour de la Pyramide du Louvre, la libération des otages Kaufmann, Carton et Fontaine.
Le récit s'appuie sur une réalité qui parle au lecteur. L'autre question sociétale sur laquelle s'appuie le récit est l'histoire du couple, leurs mariages avortés sur fond de progression du divorce en France. Enfin, le récit est une ode à l'Anjou avec l'évocation des caractéristiques rurales du département, la célébration de ses crus, l'omniprésence de la Loire, ses richesses patrimoniales, ses maisons en pierres de tuffeau, le château du roi René, les tapisseries de l'Apocalypse de jean de Bruges, celles plus contemporaines de Jean Lurçat et la douceur angevine chère à
Joachim du Bellay.
Une autre région est mise à l'honneur dans le récit, celle du plateau d'Assy en Haute Savoie, la commune de Saint Gervais et l'église Notre Dame de Toute Grâce. Un lieu où des générations d'enfants ont passé des étés en colonies de vacances.
La réconciliation d'Isabelle avec son passé, va la conduire, avec l'aide de Marc, à remonter le temps, à chercher à comprendre pourquoi son grand-père Gaumé, un simple paysan était proche de Charles-Henri de la Chapotière un hobereau noblaillon dont il a racheté les terres en 1945 dans des conditions qui laissent penser à certains habitants du village que la transaction est moralement douteuse...Je n'en dirai pas plus.
Ce roman témoigne s'il en était besoin du dynamisme d'éditeurs et d'auteurs régionaux soucieux de renouer les liens entre le présent et un passé pas si lointain fut-il glorieux ou inavouable.
L'auteur surfe avec merveille sur les événements qu'a connus la France après la fin de la guerre, épuration, calomnies, résistants de la dernière heure, en les replaçant dans le contexte de la région angevine.
Tous ces éléments donnent du relief au récit et en font tout l'intérêt.
Quarante-cinq ans après, certains personnages préfèrent privilégier les postures, les explications simples au détriment de la vérité. Isabelle et Marc parviendront-ils à faire jaillir celle-ci ? Vous le saurez en lisant le roman.
Un récit bien construit et digne d'intérêt.