Il chemine dans la forêt avec grâce et précision, se faufile à longues foulées, brise à peine une brindille. La terre est encore ponctuée de monticules d'une neige sale, creusée par le soleil et de traînées de boue -- c'est le printemps dans le centre de l'Etat du Maine --, mais il devine tous ces obstacles.
Il ne laisserait derrière lui aucune trace de réflexion, pas une photo, pas une idée. Personne ne saurait rien de son expérience. Rien ne s'écrirait jamais à son sujet. Il disparaîtrait, tout simplement, et personne sur cette planète grouillante de monde ne remarquerait rien. Sa fin ne créerait même pas une vaguelette à la surface de l'Etang du Nord. Son existence aurait été une vie d'entière perfection.
J'admets ressentir un peu de mépris pour ceux qui sont incapables de se taire.
Quant on est seul, on ne peut pas souffrir d'un déficit social. Quand on est seul, on ne peut pas avoir de problème de communication. Tous les critères de diagnostic se dissolvent dans la solitude.
A l’intérieur d’un livre, la vie lui semblait toujours accueillante.
J'aime être seul. La course de fond en solo, sur de longues distances, constitue mon exercice préféré, et mon métier de journaliste et d'écrivain a souvent un côté asocial.
-- N'êtes vous jamais tombé malade ? Insiste-t-elle.
-- Non, fait-il. Pour tomber malade, il faut être en contact avec d'autres humains.
Toute sa vie, il s'était senti à l'aise dans la solitude. La relation avec les autres était si souvent frustrante. Chaque rencontre avec autrui lui faisait l'effet d'une collision.
Tout le monde, une fois de temps en temps, rêve de se retirer du monde. Ensuite, on remonte dans sa voiture et on rentre chez soi. Knight, lui, est resté.
Lecteur du Tao Te King, Christopher éprouvait avec ses vers un lien profond. "Celui qui sait marcher ne laisse pas de traces", dit le Tao.