Que dire ? Si ce n'est que je n'avais pas pris une telle claque littéraire depuis longtemps. Bien sûr, c'est un classique, mais je ne m'en étais jamais approché de trop près. Il traine dans ma bibliothèque depuis longtemps, j'en ai même deux exemplaires. de ces bouquins qu'on se promet de lire un jour.
Et c'est bien ça qui est arrivé, je l'ai lu un jour. Et en un jour. D'une traite, avec juste une pause après le chapitre trois pour me faire à manger. Quel pied de se laisser embarquer comme ça. Y a pas, les livres sont merveilleux.
Celui-ci particulièrement qui m'enchante par tant d'aspects : sa construction faussement simple, ses touches poétiques (le réalisateur qui embrasse sa comédienne, "le sein vert et frais", "la pelouse bleu"), sa façon de brosser un portrait si totalement changeant du héros qu'il nous échappe jusqu'au bout, conservant, même une fois que l'on sait à peu près tout, son mystère, ses scènes éthyliques si parfaitement rendues...
Et son incroyable modernité ! Tout pourrait se passer de nos jours, si ce n'est que la jeunesse dorée new-yorkaise s'enfilerait plus de coke que de whisky. Sinon, le même mépris de classe (et ici de race), les mêmes existences fades et vides dans l'outrance de la fête, les mêmes esprits hypocrites sous des dehors qui se veulent légers et détachées de tout, la même morgue... On pourrait le situer à Berlin ou DubaÏ, ou dans les années 80, rien ne change.
Et puis, ça parle de l'Amérique, et bien sûr, ça me touche moins. Vieille tradition outre-Atlantique que de réfléchir à ce monstre que sont les États-Unis, la façon dont ils ont prospéré en concassant l'espoir et la violence dans le mortier du libéralisme et du puritanisme. de
Mark Twain à Scorsese, d'Orson Welles à
Michael Herr, ils méditent tous là dessus. Ce sont des questions intéressantes, mais qui me laissent un peu en dehors.
Peu importe, l'aspect universel m'emporte tellement que je peux très bien m'accommoder des considérations américano-centrées. Ce qui m'agrippe l'estomac pour le plonger dans les profondeurs, plus que tout le reste, c'est le propos terriblement nihiliste qu'impose la conclusion à cette fausse belle histoire d'amour. Rien n'est romantique ici, tout est médiocre sous le clinquant des dorures et les rythmes de jazz. Pessimisme et noirceur. J'en pleurerai s'il n'y avait cet humour qui par petite touche, jamais appuyé, nous aide à tenir le coup.
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