La dictature de David sur l'art de la Révolution et de l'Empire ressemble à l'hégémonie de Le Brun sur l'art du siècle de Louis XIV. L'une sort d'un compromis académique entre les tendances d'écoles de la renaissance italienne, l'autre d'une réaction de théorie contre l'art facile. Toutes deux, autoritaires, absolues, ont agi profondément sur toutes les manifestations esthétiques de leur temps. De même que l'on ne saurait comprendre sans Le Brun la gravure française de la seconde moitié du dix-septième siècle, de même la manière et la technique des Bervic et des Tardieu sont en fonction de l'esthétique davidienne.
Les œuvres se présentent à nous comme des résultats immobiles et définitifs. Mais leur existence véritable s'inscrit entre leur première ébauche et leur achèvement. Les traces de cette naissance, de cette jeunesse en fleur et de cette maturité, il nous faut les chercher patiemment, les analyser, les mettre à leur plan, les enchaîner. Il faut les développer chaque foi, comme l'exécution développe une sonate. C'est ce qui donne tant de prix aux dessins, aux esquisses, aux maquettes, comme aux « états » des graveurs. Le privilège de tous ces commencements, c'est de restituer l'oeuvre d'art à la vie.
Les trois Tiepolo, Jean-Baptiste, Jean-Dominique et Laurent, sont unis par des affinités si étroites, les deux fils se sont si bien assimilé les enseignements du père que leur oeuvre, comme peintres, forme un tout où, la plupart du temps, il est difficile de discerner la part de chacun. Le cadet, Laurent, disparaît dans la gloire de son maître et de son frère aîné. Il semble avoir volontairement dérobé à l'histoire son art et sa vie même. Quant aux oeuvres peintes par Jean-Dominique, elles reflètent, avec la vivacité la plus habile et la mieux douée, l'autorité du maître et du chef de la dynastie. On pourrait croire que les deux frères se sont délibérément limités, et la légende latine, souvent citée, que Jean-Dominique a gravée au bas d'une de ses planches parait le résumé le plus fidèle de leur talent et de leur carrière :
Quns pater pinx. obseq. aninio filius incid.
Toutes ces charmantes eaux-fortes de peintres et d'amateurs, complétées par un burin adroit et léger, sont d'un métier un peu mince pour Fart si plein et si fort des maîtres de la Renaissance. Sans doute on examine, on étudie ; la connaissance de l'histoire élargit le goût. La pointe de Gaylus arrondit ou égratigne une foule de dessins, d'esquisses, de documents. Mais la technique de la gravure de reproduction est encore extrêmement incomplète. Il faut attendre la fin du siècle pour constater un effort et une recherche en Italie, en Angleterre et en France. C'est alors que commencent à paraître les grandes collections d'estampes d'après les chefs d'oeuvre des galeries d'Europe. Bartolozzi et les graveurs vénitiens établis à Londres, leurs élèves anglais imposent à la vogue, à côté de la mezzotinte nationale, le stipple, ou gravure au pointillé.