La légèreté partagée au moment de la pose du plâtre se mua alors en quelque chose de plus grave, ou disons de plus intime. Elle s'est mise à parler, au début si doucement que je peinais à l'entendre. On aurait dit que le volume de sa voix n'était plus habitué aux mots de la confidence. Je ne m'étais pas retrouvé dans cette situation depuis...je ne savais plus combien de temps. Ils sont tellement rares ces moments d'ailleurs, à la beauté sèche, où l'on se retrouve à deux, deux inconnus dans un endroit inconnu. Déracinés de nos vies, on pouvait librement, sans appréhension. On pouvait se dire que si notre compagnon de ce soir aimait nos mots, alors ce serait merveilleux. Mais dans le cas contraire, ce ne serait pas grave. On se quitterait sans être abîmés par son jugement. Cela nous cette liberté réelle, celle qui qui nous manque tant d'ordinaire, condamnés que nous sommes à une forme de soumission permanent à la pensée des autres.'
Le passé de nos parents demeure un roman impossible à écrire. On peut recouper les situations, coller les bribes et assembler les virgules, mais quelque chose d'incongru est inhérent à cette réalité.
Avec les années, on en vient à survoler nos vies, on confie des bribes de manière mécanique. On partage des résumés, alors qu'on aimait tant les digressions.
Je laisse chacun imaginer l'adjectif qui à la fois évoquerait la gêne et la malice,la subite pudeur et l'effronterie,le vieil âge et l'audace,la déraison et la froideur.
Ailleurs,c'est juste la version amnésique de notre présent.
Le passé de nos parents demeure un roman impossible à écrire.
Ils vivent leur vie le plus discrètement possible,comme pour se faire oublier de la mort.