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EAN : 9782013033831
370 pages
Hachette Livre BNF (01/04/2017)
0.5/5   1 notes
Résumé :
L'Éducation physique des jeunes filles, ou Avis aux mères sur l'art de diriger leur santé et leur développement, par le professeur J.-B. FonssagrivesDate de l'édition originale : 1881Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces Œuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ma découverte de cet ouvrage a été motivée par une critique de François Forestier dans le Nouvelobs du 2 février 2024. Dans son article, il attribue à Jean-Baptiste Fonssagrives l'invention du mot « féminisme » en 1869.

Cela ne me semble vrai que dans une acception médicale et physiologique du terme.

Le mot féminisme n'est employé ici que pour décrire la physionomie et le caractère des jeunes filles, mais nullement comme on l'entend aujourd'hui : 

"Il n'y a pas un seul trait de son organisation physique, une seule de ses formes, une seule de ses manières de vivre et de sentir (...) qui ne soient, si je puis ainsi dire, tout imprégnés de féminisme" (p.3)

et : 
"Voilà donc bien démontré, je l'espère, le féminisme physique de la petite fille (...) (p.19)

La critique m'a néanmoins donné envie, en éveillant ma curiosité, de rechercher par moi-même les traces, la genèse, l'origine de ce terme en France.

Il est extrêmement rare dans la première moitié du XIXe siècle ; il apparaît dans la rubrique faits-divers d'un journal en 1835 :

« Les huissiers examinent avec soin et cherchent à savoir si c'est un curieux ou une délinquante, qui aurait revêtu des habits masculins pour tromper la surveillance ordinaire, et violer la consigne qui interdit aux femmes l'entrée de l'enceinte judiciaire.
Pour nous, nous ne croyons pas nous tromper en disant, qu'à certains signes, le féminisme trahit l'incognito »

(Journal La France, 21 mai 1835, p.3)

Il est consacré officieusement dans un dictionnaire de l'époque :

« Féminisme ; système de féminisation.
Féminisation : action de féminiser ; état féminisé. »

(Enrichissement de la langue française, dictionnaire de mots nouveaux (Jean Baptiste Richard - 1845, p.189)

Mais on est loin du sens actuel, loin encore d'une véritable théorie en faveur de l'égalité des sexes. Il ne s'agit pour l'instant que d'un terme équivalent à ce qui décrit les caractéristiques attribuées au sexe féminin.

D'abord quasi exclusivement réservé à la sphère médicale, le féminisme s'insère progressivement dans le langage courant aux alentours des années 1880, utilisé avec prudence, fréquemment placé entre guillemets ou écrit en majuscules pour marquer le néologisme pratiqué par l'auteur.
Il s'emploie aussi bien pour les hommes que les femmes et revêt une conotation tantôt positive ou négative :

Exemple :
« Gavarni fut essentiellement un charmeur, ou plutôt il fut le charme lui-même, triste, désespéré comme Watteau et séduisant comme lui ; car mieux que tout artiste il connaissait les angoisses et les déceptions de l'amour, mais il adorait ses bourreaux et son martyre.
Ce FEMINISME qui doit entrer dans l'organisation de tout grand artiste et sans lequel il n'y a pas de créateur complet, tenait chez lui une énorme place.
Femme ! il l'était par la délicatesse des sens, par la divination, par l'horreur de la vulgarité, par la tendresse infinie ; et à part l'énergie du père seul et du puissant ouvrier, on peut dire que tout en lui était femme.
Aussi ne faut-il pas se demander comment il avait surpris ou deviné les secrets les plus compliqués de la nature féminine ! (…) »

(Journal Gil Blas, 19 décembre 1879)

Ou encore :

« Ce n'est pas une biographie de Chopin qu'il a prétendu faire, mais une analyse de ses oeuvres, servant à démontrer qu'on en est arrivé, par une exagération sentimentale, à fausser l'exécution de sa musique, à l'interpréter souvent à contre-sens, à lui donner enfin, au point de vue poétique, une sorte de féminisme qui n'était en aucune façon dans la nature et dans les intentions du compositeur, au point de vue technique. »

(Journal officiel de la République française, 9 novembre 1880)

On l'évoque parfois comme un signe de décadence en se référant aux propos de Proudhon, qui cependant n'a jamais employé explicitement ce terme :

« Proudhon, ce grognon de génie, a dénoncé déjà ce « féminisme » de notre temps.
Il a vu venir les jours où, comme à Rome, sous le règne d'Héliogabale, la virilité de la race se perdrait dans le culte extravagant du sexe. »

(Journal Gil Blas, 22 avril 1880)

Ici encore :

« M. A. Dumas croit que les femmes, prises dans leur élite qui grossira avec le temps, sont, au fond, d'accord avec les religions et les philosophies pour n'attacher qu'une importance secondaire à l'amour.
Si, selon l'observation de Proudhon qui protestait avec une éloquence admirable contre le « féminisme » contemporain, l'amour joue un rôle si considérable chez nous, c'est que les femmes, en nous y entraînant, cherchent le seul moyen qui leur soit laissé d'assurer leur liberté et d'asseoir leur influence.
Mais, émancipés par l'instruction, satisfaites dans leur instinct maternel par la réforme de la législation sur les enfants naturels, M. A. Dumas les voit, sans terreur, s'éloigner du mariage dans un avenir prochain. Il pense, — peut-être ne le dit-il pas aussi nettement que je le lui fait dire, — que l'individualisme démocratique ne s'arrêtera pas bien longtemps devant la famille, élément collectif, traditionnel et conservateur. »

(Journal le XIXe siècle, 27 septembre 1880)

Ou cet extrait assez amusant :

« Ce qui est blâmable, ce n'est pas la forme, c'est la réalité du duel.
On admire deux messieurs qui cherchent à se tuer à coups de pistolets, et on trouve ignobles deux athlètes qui échappent des coups de poing, même à mains gantées. Pourquoi donc ? Ces répugnances prouvent surtout le féminisme de nos moeurs. »

(La cravache parisienne - 25 octobre 1890)

Mais ma première occasion personnelle de lire une association entre le féminisme et une égalité au sens politique apparait dans ce curieux article où un journaliste relate une conversation qu'il a eue avec un passant, dans le cadre d'une sorte de micro-trottoir :

« Bien peu, même parmi les meilleurs, sont assez forts pour résister à la contagion et si l'on ne réagit vigoureusement contre les tendances de notre société nous marcherons à grands pas vers une irrémédiable décadence. »

- de quelles tendances parlez-vous donc ? Interrompis-je curieusement.

- J'entends, reprit-il, celle qui pousse un trop grand nombre de nos concitoyens à se féminiser.
Assurément, je ne saurais reprocher aux esprits sincèrement épris de l'idéal de justice, de se préoccuper de la condition sociale que nos lois, encore imprégnées du dépoétise monarchique et clérical, font à la moitié du genre humain.
Mais encore ne faudrait-il pas, par un sentiment de réaction exagéré, sembler croire qu'il n'y a point d'autre question que celle-là.
Assurément, je souscrirais volontiers à une proposition qui tendrait à donner aux femmes le droit d'ester en justice et de disposer de leurs biens propres, mais je ne saurais aller aussi vite en besogne quand il ne s'agit rien moins que de leur abandonner le gouvernement de la France !
(…)

- Et ce n'est pas seulement parmi les classes dirigeantes que le « féminisme » exerce ces ravages.
Toutes les couches de la société en sont atteintes, et il se trouve une quantité d'excellents et dévoués citoyens pour applaudir à la proposition faite par quelques apôtres enthousiastes de l'émancipation du beau sexe, de choisir aux prochaines élections municipales des femmes pour candidats (…)

Le vieil insurgé me serra la main et s'éloigna pensif. J'ai voulu accomplir son voeu. Au lecteur maintenant de juger. »

(Journal le mot d'ordre, 2 janvier 1881, p.1)

Il arrive que l'on présente une contradiction entre la quête d'égalité des sexes et le féminisme, comme si ces deux notions étaient incompatibles. Ceci s'explique aisément par le fait qu'on assimile encore systématiquement le féminisme à la féminité :

« Ce qu'il importe avant tout, c'est d'instruire la femme sans rien faire perdre à sa nature de ce qui en fait le charme et le plus grand prix.
L'enseignement qu'on lui veut n'a rien à attendre du caractère viril qu'on semble rechercher ; il faut, au contraire, lui ménager le féminisme sans lequel nous n'aurions plus pour compagnes que des bas-bleus ou des viragos, voire même des manières de cuistres auprès desquelles la vie serait insupportable. »

(Le journal la liberté 10 mai 1884)

L'émergence véritable du féminisme comme un mouvement d'idées en faveur de l'égalité des sexes apparaît d'abord timidement en 1893, avant d'être véritablement consacré en 1894 :

« Le féminisme en Italie
A Naples, Mlle Sophie Bakounine (…) vint d'être reçue à l'unanimité chirurgien-médecin. »
(Journal le Siècle, 19 août 1893, p.1)

Ou :
« Le féminisme dans l'Eglise : une femme rabbin. Une jeune Californienne, miss Ray Franck, vient d'être appelée aux fonctions de rabbin à Oakland (…) »
(Journal Express, 10 décembre 1893, p.1)

Ou :
« Une des filles de Karl Marx assiste au congrès et elle y fera sans doute valoir les droits de la femme.
Le féminisme ne s'acclimatera probablement pas aussi facilement dans nos vieux pays que dans la jeune Amérique et le Japon rajeuni.
Dans l'Etat américain du Kansas, une loi du 15 février 1887 y autorise l'éligibilité des femmes. »
(Journal le Code de la bourse et de la banque, 7 août 1893, p.1)

Une loi américaine aussi remarquée par le journal « Le siècle » (7 août 1893, p.2), concluant de la sorte « le féminisme fait de rapides progrès dans l'Etat américain du Kansas (…) »

Ou encore :

« L'Union universelle des femmes.
LONDRE, 11 octobre. — il vient de se constituer en Angleterre une Union universelle des femmes, sous le patronage des champions les plus ardents de la cause féministe dans tous les pays.
Le but de cette fédération est de poursuivre l'affranchissement des femmes dans tous les pays (…) 
Les représentants pour la France sont Mme Griess-Traut, M. Léon Richer et Mme Deraismes, les deux doyens du féminisme français (…) »
(Journal la France, 12 octobre 1893)

Avant d'être officiellement identifié en tant que mouvement idéologique :

« Le féminisme est une doctrine philosophique, qui tend à faire prévaloir le principe de l'égalité morale et sociale des sexes.
Non pas une égalité chimérique, arbitraire et factice, mais une égalité réelle et réalisable.'
Et cette égalité vraie et possible consiste dans l'équivalence des fonctions sociales de l'homme et de la femme, fonctions différentes à tant d'égards. L'homme vaut la femme, la femme vaut l'homme ; ce qui ne veut pas nullement dire que ces êtres équivalents soient identiques (…)
Le féminisme est un courant d'idées (...) »

(Journal La Justice, 9 février 1894, p.2)

ou bien, dernier exemple :
« les questions relatives au « droit des femmes » sont à l'ordre du jour, et le féminisme gagne du terrain d'année en année dans tous les pays civilisés : un mouvement qui se manifeste de bien des manières différentes. »
Citation extraite du premier chapitre d'un ouvrage intitulé le « Mouvement féministe » :
(Le droit des femmes et le mariage - Louis Bridel, 1893.)

Toute cette chronique pour dire que le féminisme, en tant que véritable mouvement d'idées politique, apparaît plutôt en 1893-1894, en France du moins, - Auparavant, le terme était peu usité et, lorsqu'il l'était dans les années 1880, il renvoyait généralement à l'idée de « féminité » au sens de la personnalité, des moeurs féminines ou des traits physiques.

Bien évidemment, des tas et des tas d'auteurs, même des hommes, faisaient bien avant du féminisme politique sans le savoir, notamment Léon Richer, mais tant d'autres également qu'il me serait impossible de tous les citer.
On peut mentionner notamment Condorcet, qui dès 1790, plaidait pour les droits des femmes dans son ouvrage : « Sur l'admission des femmes au droit de cité »...

Mais il fallait (qui il ? Je ne sais pas) un néologisme, et plus particulièrement un mot se terminant en « isme » à conotation idéologique.
Quoi de plus indispensable pour séduire la masse et diviser l'opinion !
Pour le meilleur comme pour le pire !...
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critiques presse (1)
Bibliobs
05 février 2024
Publié en 1869 par le professeur Jean-Baptiste Fonssagrives, directeur du service de santé de la division des côtes occidentales d’Afrique, l’ouvrage est un tissu de conneries qui vaut le détour. D’autant plus que Fonssagrives est l’inventeur du terme « féminisme »…
Lire la critique sur le site : Bibliobs

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