Son pays perdu lui remontait, ses ancêtres pendus, leur maison abandonnée à des pillards, la pauvreté. Elle révélait qu'en réalité le statut d'enfant d'émigrés [arméniens] l'avait humiliée, enfant [dans les années 1930]. Une fois, troisième de sa classe, elle n'avait pu monter sur l'estrade pour enlacer le livret de Caisse d'Epargne offert aux lauréats, le directeur de son école avait dit : « Troisième... Anahide Drezian. Anahide Drezian n'étant pas française, nous passons à la quatrième. »
(p. 69-70)
La première chose qu'il a remarqué chez Jacqueline, c'est ce don pour se donner une allure. Soufflé d'apprendre qu'une femme avec un tel style avait été infichue de trouver aussi le génie de ne pas tomber enceinte. L'enfant, bah, ça lui a plu. Il ne connaît rien aux Arméniens, si ce n'est que ces malheureux n'ont vraiment pas eu de chance, gentils comme ils sont, de se faire haïr à ce point en Turquie.
Les plaisanteries servent toujours à dire la vérité.
Sa part intellectuelle le pousse à bonifier les circonstances.
Sur ce quai de l’exode, du malheur et de l’expropriation, ce n’est pas rien de donner quelque chose à un ennemi qui vous a déjà pris l’essentiel.