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Critique de CoquelicoteAzimutee


Cette grosse lecture de quatre cents pages raconte l'aventure amoureuse de Simone de Beauvoir, philosophe et écrivaine française, avec Nelson Algren, auteur américain, au milieu du XXème siècle.

Le roman s'ouvre sur l'arrivée de Simone à New-York, en janvier 1947, pour son premier voyage aux Etats-Unis. Elle s'y est rendue en ambassadrice de l'existentialisme, et donc de Sartre, son amour, son âme soeur intellectuelle. Mais leur système d'« amours contingentes » (l'infidélité autorisée, pour faire simple), lui pèse. Surtout que Sartre s'est entiché de cette Américaine, Dolorès, et qu'il est fou d'elle. Simone pourrait bien y perdre sa place. Seulement, lors de son passage à Chicago dont elle souhaite visiter les bas-fonds, elle fait la rencontre de Nelson Algren, et aussitôt une quatrième personne se trouve prise aux pièges de ces amours complexes.

Personnellement, je connais très peu et très mal Beauvoir et Sartre. Je n'ai jamais lu Simone de Beauvoir. En revanche, j'ai étudié Sartre en philo (l'un des auteurs les plus nébuleux à mon sens, j'ai été traumatisée par l'étude d'un passage de L'Etre et le Néant !), je l'ai même lu pour le plaisir (Huis clos et le mur et autres nouvelles). Cependant, de leurs vies et de leurs personnalités, je ne savais presque rien, et le peu que j'en savais m'intriguait et me répugnait à la fois. Je me disais « Quelle étrange façon de vivre ils semblaient avoir ! ». Je ne me trompais pas de beaucoup. Bien sûr, ici, on suit Beauvoir. Sartre est toujours présent par ses courriers, mais physiquement on le voit très peu. Plus précisément, on suit alternativement ou en même temps Simone et le Castor. Simone, c'est la femme qui va tomber amoureuse de Nelson, la femme sous les vêtements, sous le chignon impeccable, sous l'agrég' de philo. le Castor, c'est le surnom donné par ses amis de Paris et notamment par Sartre, c'est la femme engagée politiquement, la machine de travail, les idées philosophiques, les livres… Au fil des pages, je découvrais cette femme fascinante. J'ai du mal à dire si elle m'est sympathique ou non. Je pencherais plutôt vers le oui, mais cette mise à nu(e) romancée d'Irène Frain la montre aussi sous des jours moins favorables. Elle ma paraît vouloir le beurre et l'argent du beurre. Elle a du mal à faire des choix, à mettre de l'ordre dans ses priorités, et ça lui a coûté beaucoup au final sur le plan personnel.

Sur l'amour entre Nelson et Simone, on en comprend bien l'évolution, il y a quelques très beaux moments. Mais ça vire rapidement à la passion et donc aux déchirements. Pour moi lectrice, ça s'est manifesté par un sentiment de malaise et à certains moments d'ennui. de plus, Nelson Algren ne m'a pas été du tout sympathique. A la limite, je préfère Sartre. Oui c'est un bonhomme manipulateur, ais au final il correspond mieux à Simone et j'avais l'impression de « mieux » le comprendre. En même temps, Nelson m'a parfois touchée avec sa Maudite Sensation, mais dans l'ensemble il m'a plutôt exaspérée, il se comporte souvent comme un gamin, au final c'est un gros macho irrespectueux et à mon sens il ne méritait pas de s'être attaché une femme comme Simone de Beauvoir. Néanmoins, si elle n'avait pas vécu cette folle passion en approchant de la quarantaine, peut-être n'aurait-elle jamais réussi à écrire « son livre sur les femmes » auquel elle tenait temps, le Deuxième Sexe.

Irène Frain a fait un travail de recherches absolument magnifique. Bien sûr cette histoire est romancée, ne serait-ce que parce qu'on ne peut pas savoir ce qu'il y avait dans la tête de ces deux amants, mais chaque fois que l'auteure devait s'hasarder à faire des conjectures, elle explique pourquoi, au vu des documents qu'elle a étudié et recoupé entre eux, elle a fait le choix de raconter l'évènement de cette façon. Cette démarche toute historienne m'a évidemment beaucoup plu ! Une autre lectrice du club, Lilith, qui a également terminé sa lecture, n'a pas du tout apprécié le style de l'auteure, très haché. C'est effectivement assez étonnant, mais ça donne du rythme à la lecture, qui finalement n'était pas trop longue (j'ai mis quasiment un mois pour le lire à cause de mes examens, et ce n'était pas vraiment une lecture détente, donc j'ai eu peu peiné de ce point de vue). Une phrase à un moment m'a fait réaliser pourquoi Irène Frain a fait ce choix dans sa rédaction. Elle indique à un moment que Simone de Beauvoir parlait très vite, un débit de mitraillette, surtout quand elle était sujette à des émotions particulières. En outre, comme c'était une femme très intelligente, elle devait penser « très vite », sauter d'une idée à l'autre sans cesse. J'ai donc vraiment ressenti à certains moments que j'étais dans ses pensées, et c'était une très bonne immersion. Par contre, il est dommage que pour les passages consacrés à Nelson, surtout ceux où Simone est absente, l'auteure n'ait pas changé de style. Peut-être est-ce pour montrer la proximité entre les deux êtres, mais comme je l'ai dit plus haut, je ne les trouve pas particulièrement bien ensemble, donc j'aurais préféré un changement bien marqué dans la narration. Je termine en précisant qu'Irène Frain a posté de nombreuses photos de son voyage aux Etats-Unis, effectué pour marcher sur les pas de Simone de Beauvoir. C'est à cette adresse.

Cette lecture était vraiment très intéressante, et change beaucoup de ce que je lis ordinairement. Il me reste un peu de Sartre à lire dans ma bibliothèque (Qu'est-ce que la littérature et Les Mouches je crois) et je suis de plus en plus curieuse de découvrir ce qu'a pu écrire Beauvoir. Je suis très attirée par son Deuxième Sexe, et en même temps, je suis tellement nulle en philo que j'ai peur de ne rien comprendre et de vraiment passer à côté de quelque chose. Par contre, lire Nelson Algren ne m'intéresse pas du tout... En tout cas, Beauvoir in love est un beau livre, seulement je pense qu'il ne peut pas plaire à beaucoup de monde.
Lien : http://sans-grand-interet.co..
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