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EAN : 9782040160838
Bordas (08/03/1999)
3.74/5   247 notes
Résumé :
Oreste rentre à Argos, sa ville natale envahie par les mouches. Il se fait appeler Philèbe et est accompagné de son précepteur, Le Pédagogue. Il y rencontre un peuple torturé : chacun est rongé par le repentir de ses crimes, jusqu'aux souverains, Clytemnestre et Égisthe, mère et beau-père d'Oreste qui ont assassiné son père Agamemnon à son retour de la guerre de Troie.

Électre, sœur d'Oreste réduite en esclavage au palais, tente de soulever une révolt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Dans la mouvance du théâtre français du XXème siècle, à savoir reprendre des classiques de la tragédie grecque antique et de les ré-assaisonner à la sauce moderne ou les regarder à travers de prisme de l'histoire contemporaine, tel que Jean Cocteau (La Machine Infernale) l'a fait avant lui ou Jean Anouilh (Antigone) après, Jean-Paul Sartre s'adonne à son tour ici à l'exercice en reprenant le mythe argien d'Oreste et d'Électre.
Moi qui ne suis pas toujours très sensible à l'oeuvre de Sartre, il me faut reconnaître que là, j'ai vraiment beaucoup aimé cette mouture tragique des Mouches.
L'argument, en deux mots : Oreste, de retour dans sa ville natale, Argos, après un long exil la retrouve surnaturellement envahie par des mouches. Il s'agit d'une punition divine infligée à la cité qui n'a rien fait pour confondre Égisthe et Clytemnestre, qui ont fomenté ensemble l'assassinat du premier mari de cette dernière, Agamemnon.
Électre, fille de Clytemnestre et du défunt Agamemnon souhaite ardemment le retour de son frère Oreste, pensant qu'il est le seul à ne pas laisser impuni le crime perpétré contre son père, l'ancien roi, frauduleusement supplanté par Égisthe.
Le frère et la soeur ne se reconnaissent tout d'abord pas, puis Jupiter lui-même vient coller son grain de sel dans l'histoire. Bref, Oreste doit-il ou ne doit-il pas s'opposer aux Dieux, venger son père, s'en prendre aux siens, exécuter sa propre sentence sous l'angle de sa propre conception de la justice, en somme, de la vraie tragédie comme on les aime.
Cependant, j'ai vraiment adoré cet éclairage très " milieu XXème siècle " qu'imprime ici l'auteur (on sait que la pièce a été écrite en pleine période de collaboration vichyste). En effet, du coup, la pièce trouve un intérêt philosophique exceptionnel et à chaud, face à la tragédie réelle qui se jouait alors.
Je pense même qu'elle prend plus encore son sens au sortir de la guerre, durant cette période de " grande lessive " qui suit immanquablement des épisodes aussi noirs de l'histoire d'un pays, quel qu'il soit après la chute d'un régime autoritaire.
Les notions de sentiment de culpabilité, de pardon, de rachat (rédemption), de vengeance, de passage à l'acte, de désaveu abordés par Jean-Paul Sartre prennent alors tout leur sens, philosophiquement parlant.
On peut y lire aussi, comme je l'ai mentionné plus haut, une allégorie de l'amnistie générale de la période post collaboration à l'issue de la seconde guerre mondiale. Peut-on laisser impunis des collabos ? Est-on plus heureux après les avoir châtiés ? Autant de questions qu'il est toujours bon de méditer à froid, au cas où un jour nous aurions à y réfléchir à chaud, ce que je n'espère pas, mais ce que nos grands-parents, qui eux non plus ne le souhaitaient pas, ont eu à faire, …
Tout compte fait, une pièce que j'ai trouvée subtile et captivante, qui ne s'égare jamais à vouloir fournir des réponses toutes blanches ou toutes noires et que je conseille vivement. Mais, une fois encore, vous aurez compris que ce n'est là qu'un avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Grèce antique, ses vieilles pierres, ses mythes, voilà un domaine qui m'attire depuis la 6ème. Mais je n'avais jamais jusqu'à présent osé me confronter à Sartre et la façon dont il s'approprie le mythe des Atrides pour construire une tragédie en trois actes. Il fallait bien un challenge Babelio pour que je me décide à me plonger dans ce texte classique pourtant pas si souvent porté à la scène.

Pour aborder « Les mouches » il faut se souvenir que la pièce a été écrite en 1943. C'est le premier texte de théâtre de Jean-Paul Sartre. Il s'inspire de la tragédie des Atrides, famille maudite, pour aborder des thèmes qui parlent de la France de Vichy et de l'occupation par les nazis.

Nous sommes à Argos. 15 ans plus tôt les héros de Troie sont rentrés. Mais le retour du grand roi Agamemnon ne réjouit pas tout le monde, à commencer par sa femme Clytemnestre (qui ne lui pardonne pas le sacrifie d'Iphigénie). Avec son amant Egisthe elle assassine le vainqueur de Troie. Les amants transforment Electre, seconde fille de l'ex-roi, en esclave tandis qu'Oreste est soustrait à la vengeance de la mère. Il revient donc 15 ans plus tard sous un nom d'emprunt et accompagné de son précepteur. La ville d'Argos est envahie par les mouches, symboles des lâchetés et de la culpabilité collective des habitants face à leur crimes indivuduels, y compris celui de l'assassinat d'Agamemnon, mais aussi de leurs fautes collectives. Oreste arrive le jour de la fête des morts et de Jupiter, cérémonie annuelle où les vivants, chargés de culpabilité et de remords, doivent affronter leurs morts. Oreste, qui voulait rester en retrait, va décider de venger son père Agamemnon en tuant Clytemnestre et Egisthe. Réfugié dans le temple de Jupiter avec sa soeur Electre il devra décider s'il obéit à Jupiter ou non.

Ainsi Oreste devra choisir entre le repentir et la liberté. Ecrit en temps de guerre et de résistance on comprend qu'Oreste et Electre représentent les deux faces d'une France confrontée à la tyrannie de l'occupation (symbolisée par les mouches). Et l'on voit tout le sens politique que Sartre voulait donner à sa pièce. Alors qu'Electre ne parviendra pas à se libérer de l'emprise de Jupiter et adoptera la voie de la contrition, Oreste choisit d'écouter sa conscience et d'assumer ses actes et sa vengeance. le prix à payer sera la liberté mais aussi la solitude et l'exil. Mais par son geste il libère le peuple d'Argos. Ainsi pour Sartre, la volonté d'un homme parvient à venir à bout de la tyrannie et de l'oppression là où l'action collective mène à la soumission signifiant par là que le peuple peut être responsable de la tyrannie qu'il subit. Mais Sartre nous amène aussi à mener notre introspection : qu'aurions-nous fait sous l'ère de Vichy ? Comment aurions-nous agi à la fin de la guerre ? Comment aurions-nous vécu cette période de collaboration et l'amnistie qui a suivi la fin de la guerre ?

« le secret douloureux des dieux et des rois, c'est que les hommes sont libres » explique Jupiter à Egisthe.

J'ai la chance d'être allée sur ces lieux cités par Sartre (Argos, Nauplie), et la joie de voir « Electre / Oreste » d'Euripide joué par la troupe de la Comédie Française, sous la direction d'Ivo van Hove, dans le magnifique théâtre d'Epidaure. Entendre ces mots sous ce ciel grec est une émotion incroyable. En lisant «Les mouches » je réalise que chez Euripide comme chez Sartre ces textes sont toujours actuels et en résonance avec un monde où rien n'est jamais ni tout blanc ni tout noir.
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Si toutes les oeuvres de Sartre, même de fiction, sont philosophiques, toutes ne sont pas explicitement philosophiques. "Les Mouches" est dans ce cas.
Il s'agit d'un exposé, on ne peut plus évident, des thèses existentialistes, avec un porte-parole de celles-ci, contre la fausse vertu du monde : Oreste.
Sartre en profite au passage pour égratigner les religions, soulignant que celles-ci se nourrissent moins de l'existence prétendue et de la puissance factice d'un Dieu inexistant que de la soumission des hommes.
C'est une pièce puissante, construite admirablement.
On y trouve beaucoup de finesse, d'intelligence, de subtilité, aucun manichéisme ; on y trouve des réflexions intéressantes sur la condition humaine, la liberté individuelle… C'est vrai que "Les Mouches" tient de la pièce à thèse ; mais, puisque les qualités artistiques y sont, est-ce si condamnable ?...
Sartre a le don de créer des formules fortes, des dialogues puissants, de faire surgir des questionnements complexes. le Maître de la Philosophie, celui qui est à mes yeux le plus grand, le plus exceptionnel des philosophes était aussi un immense écrivain.
Il savait créer des dialogues beaux et fins et toutes ces scènes troublaient et suscitaient de la réflexion.
Ces pièces, à la fois lumineuses et sombres, sont marquées par la complexité et l'ambiguïté, propre à sa pensée savante, complexe, mal compris par le lecteur inattentif.
Une pièce exceptionnel d'un auteur exceptionnel.
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"Les Mouches", c'est une fois de plus l'histoire d'une famille infernale. Pas celle d'Oedipe, Jocaste, Antigone et Ismène, illustrée par Cocteau ("La machine infernale" - 1934) et Anouilh ("Antigone" - 1944) mais celle d'Agamemnon, Clytemnestre, Oreste et Electre, illustrée par Giraudoux ("Electre" - 1937) et O'Neill ("Le deuil sied à Electre" - 1931)
L'histoire n'a pas changé : Oreste revient à Argos, où, poussé par sa soeur Electre, il va venger la mort de son père Agamemnon, tué par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci Egisthe. Les motivations des personnages et la portée qu'ils donnent à leurs actes font tout l'intérêt de la pièce, faisant de celle-ci une pièce philosophique et politique, tout autant que psychologique.
Alors me direz-vous, que viennent faire les mouches là-dedans ? Oreste déjà parricide (il a tué son père Laïos) et bientôt matricide (il va tuer sa mère Clytemnestre) aurait-il également une vocation d'insecticide ? Ne riez pas, parce que ce n'est pas tout à fait une blague : les mouches dans la pièce de Sartre, sont la personnification de la culpabilité et du remords. En exerçant sa vengeance sans arrière-pensée (ce qui n'est pas le cas de sa soeur Electre) il délivre tous les personnages, y compris les habitants d'Argos de ce manteau de culpabilité.
La culpabilité, le remords, le repentir, le pardon, éventuellement, forment donc le premier thème abordé par Sartre dans "Les Mouches". C'est loin d'être le seul : le personnage d'Oreste (qui semble bien être le personnage central de la pièce) participe à la libération d'Argos et de ses habitants, et ce faisant il se libère lui-même, en s'affranchissant de tout remords, de tout sentiment de culpabilité (ce que ne saura pas faire Electre), et même en tenant tête à Jupiter. Mais cette liberté ne lève pas toutes les questions : elle condamne l'homme libre à une forme de solitude : être libre c'est être seul, et être seul, est-ce être libre ? Oreste préfigure le Garcin de "Huis clos" (1943) qui dira "L'enfer c'est les autres"... On peut également s'interroger sur le rôle de Jupiter, qui a l'autorité suprême, mais ne peut intimer sa loi à personne : il ne peut empêcher le crime, dicter sa conduite à Oreste, empêcher Electre de sombrer à son tour dans la culpabilité... Les dieux n'existent que tant qu'on ne leur résiste pas... Et la résistance c'est une forme de liberté...
C'est là peut-être le dernier message subliminaire de Sartre : écrite et créée en 1943, en pleine Occupation, faut-il voir en Oreste un symbole de Résistance / Liberté, face à un Jupiter et un Egisthe représentant un pouvoir tyrannique (je vous laisse deviner lequel) ?
"Les Mouches" sont donc un drame complet, très riche d'implications, différent de Cocteau, Anouilh ou Giraudoux, parce que plus cérébral, moins poétique, moins fantaisiste, mais tout autant attachant par son pouvoir d'évocation, et ses incidences philosophiques.
On voir encore ici toute la force et la pérennité des mythes grecs qui, au-delà des hommes et des dieux, englobent la condition humaine dans toute sa singularité et toute sa richesse.
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J'ai dévoré ce livre , je l'ai lu en une après-midi je n'arrivais pas à décrocher les yeux de l'oeuvre !
je trouve que ce livre fait énormément réfléchir sur la notion de LIBERTE .
Lorsqu'on est libre, il n'y a ni Bien ni Mal. C'est pour cela qu'aucun homme n'est vraiment libre. « mais tout d'un coup la liberté a fondu sur moi (….) et il n'y a plus rien eu au ciel, ni Bien , ni Mal , ni personne pour me donner des ordres » ( le mouches ) La liberté , la vraie liberté fait peur , car il n'y a pas de règles , vous êtes votre propre juge et l'Homme est incapable de vivre sans règles ni dictats et c'est pour cela que nous avons besoin d'être l'esclave et l'appartenance de quelqu'un .De plus le fait d'être libre nous laisse seulement avec nous –même , la peur de se retrouver face à face avec soi-même et de se préoccuper de notre propre existence et pas celle des autres est inhumaine car l'Homme ne peut pas se développer normalement dans une société actuelle sans être en contact permanent avec son semblable , de se comparer à lui ou encore de l'envier . L'Homme n'est alors vraiment libre qu'à partir du moment où il ne dépend de personne et n'a pas peur de se retrouver face à lui-même.
c'est ainsi que j'ai commencé à penser après le fermeture du livre ...
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
JUPITER - Regarde-moi. (Un long silence.) Je t'ai dit que tu es fait à mon image. Nous faisons tous les deux régner lordre, toi dans Argos, moi dans le monde ; et le même secret pèse lourdement dans nos cœurs.

EGISTHE - Je n'ai pas de secret.

JUPITER - Si. Le même que moi. Le secret douloureux des Dieux et des rois : c'est que les hommes sont libres. Ils sont libres, Egisthe. Tu le sais, et ils ne le savent pas.

EGISTHE - Parbleu, s'ils le savaient, ils mettraient le feu aux quatre coins de mon palais. Voilà quinze ans que je joue la comédie pour leur masquer leur pouvoir.

JUPITER - Tu vois bien que nous sommes pareils.

EGISTHE - Pareils ? Par quelle ironie un Dieu se dirait-il mon pareil ? Depuis que je règne, tous mes actes et toutes mes paroles visent à composer mon image ; je veux que chacun de mes sujets la porte en lui et qu'il sente, jusque dans la solitude, mon regard sévère peser sur ses pensées les plus secrètes. Mais c'est moi qui suis ma première victime : je ne me vois plus que comme ils me voient, je me penche vers le puits béant de leurs âmes, et mon image est là, tout au fond, elle me répugne et me fascine. Dieu tout-puissant, qui suis-je, sinon la peur que les autres ont de moi ?
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LA JEUNE FEMME : Eh bien oui, je l'avoue, je l'ai trompé tant que j'ai pu ; mais je l'aimais bien et lui rendais la vie agréable ; il ne s'est jamais douté de rien, et il est mort en me jetant un doux regard de chien reconnaissant. Il sait tout à présent, on lui a gâché son plaisir, il me hait, il souffre.
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JUPITER
Quelle étrange jalousie! Rassure toi : je ne l'aime pas plus que toi. Je n'aime personne.
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Egisthe
Je n'ai pas de secret.

Jupiter
Si. Le même que moi. Le secret douloureux des Dieux et des rois: c'est que les hommes sont libres. Ils sont libres, Egisthe. Tu le sais, et ils ne le savent pas.
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LES HOMMES
Pardonnez-nous de vivre alors que vous êtes morts.
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Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-sartre_et_les_psychanalyses_essais_cliniques_claude_lorin-9782336414836-78338.html ___________________________________________________________________________
Jean-Paul Sartre fut l'instigateur d'une forme de psychanalyse existentielle originale peu discutée jusqu'alors. Il existe actuellement de nombreuses techniques de psychothérapie et il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Aussi, l'auteur résume-t-il ici dix principales formes de psychanalyse pratiquées dans le monde, y compris la psychanalyse existentielle de Sartre dont il s'est inspiré dans diverses situations cliniques à l'hôpital psychiatrique. Ces recherches innovantes, qui nous révèlent un « autre Sartre », relèvent ici de l'hommage et du devoir de mémoire et remettent en question certains concepts orthodoxes dominants. Elles portent aussi un regard critique sur cet ensemble très hétéroclite depuis ses tout débuts que l'on nomme à tort « La » psychanalyse.
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Bonnes lectures !
Crédit : Ariane, la prise de son, d'image et montage vidéo
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