Le temps passe, irrémédiablement. Tu as quarante ans, peut-être même cinquante ou soixante. Tu sens que la mort approche, qu'elle ne se trouve qu'à deux ou trois encablures de ton chemin, prête à te faucher du jour au lendemain. C'est à ce moment précis, prise de conscience que la vie peut s'écourter, que tu repenses à cette question que Massimo Civolani t'avait posé quelques années auparavant.
Sur ton lit, tu y penses, et y repenses. Toute la nuit, tu n'en fermes pas l'oeil. Elle devient obsession. Alors tu attends que le jour se lève, que le soleil jette ses premiers rayons sur le fleuve. Là, tu t'habilles, tu chevauches ta bicyclette et tu remontes ce fleuve, le majestueux Pô, à la recherche de ce vieux camarade d'antan. Tu connais maintenant la réponse à sa question. Il faut que tu le retrouves, cette réponse t'obsède également et tu dois te libérer de ce poids, avant qu'il ne soit trop tard.
Dario Franceschini et son premier roman «
Dans les veines ce fleuve d'argent » t'illuminent de sa chaleur et tu voies le soleil se déverser sur la campagne italienne. Un autre temps, celui où tu circulais encore en bicyclette, ou en charrue. Une autre époque où la pèche à l'esturgeon se pratiquait encore dans le fleuve et où pour le traverser, tu devais demander au passeur d'amarrer son bac. La campagne profonde des plaines italiennes, tu vas la remonter, comme si tu remontais en même temps la pendule de quelques années en arrière.
Et ainsi, à chevaucher ta bicyclette toute rouillée, tu feras des rencontres, belles, inoubliables, généreuses. Tu découvriras des êtres chaleureux qui t'inviteront à boire un café serré, un verre de vin ou une bouteille de Lambrusco. Oui, tu aimes le Lambrusco ? Tu ne peux refuser ce verre de l'amitié offert par un inconnu, juste parce que tu te trouves dans sa chaumière, que tu lui as posé une question, juste parce que tu recherchais ton ancien camarade.
Le long de ce fleuve aux reflets argentés, tu plonges dans la poésie d'un autre temps, tu remontes vers la source de ton coeur, tu glisses sur les rivages comme les mots coulent le long du lit du fleuve et tu découvres une Italie rurale. Tu as envie de sortir un disque du sarde, Paolo Fresu que tu apprécies tant, par sa chaleur et par sa trompette. Alors, tu te poses une nouvelle question : lorsque tes pieds trempent dans cette eau fraiche, caressée par le doux courant, que tu entends le chant velouté de la trompette du sarde, tu te demandes si le Lambrusco devrait être blanc ou rosé ?
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