Citations sur Dernier arrêt avant l'automne (163)
Chaque départ est un tango, mélancolique et plein d'espoir.
Quand j’étais petit à Marseille, nous avions un minuscule jardin, c’est l’endroit au monde que j’ai préféré. Ma mère me surveillait de la fenêtre de la cuisine. Je ne serais jamais sorti de ce jardin. Depuis j’aime tous les jardins, j’ai l’impression que ma mère me regarde à travers la vitre et qu’il ne peut rien m’arriver.
Tous les deux jours, j'apportais ma cueillette dans un petit moulin à huile, au bord du Verdon (...). Je redoutais que mes olives perdent de leur poids, entassées dans des caisses au fond du garage. L'homme qui travaillait là, en treillis et chapeau de brousse, le visage rapidement taillé au burin, ressemblait plus à un ancien légionnaire qu'au propriétaire d'un modeste moulin(...). A l'autre bout de la salle, un mince filet d'huile plus verte que l'herbe au début du printemps sortait d'un canon de fontaine. Il n'y avait plus alors dans cette pièce qu'une immense odeur de fruit, aussi violente que le bruit. On faisait partie de l'olive, on la comprenait.
J’écris le mot tilleul et je suis tout de suite sous un tilleul, le mot lessive et je revois ma mère étendre des draps dans la lumière du jardin et la joie de sa jeunesse. Rien n’est plus magique que l’écriture, elle va chercher des débris de vie dans des replis secrets de nous-mêmes qui n’existaient pas cinq minutes plus tôt. On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d’automne, dans n’importe quel coin perdu de l’univers.
J'aime que quelque chose craque sous mes pieds, cela donne de la densité à mes pas.
J'attendais toute l'année pour retrouver ce pays bleu, pour écarter de mon corps, dès les premiers jours de juillet, les odeurs grises des livres de grammaire, des cartables, de la poussière de craie et de la peur. Durant toute mon enfance, je suis allé à l'école, au bout de notre impasse, avec la peur au ventre d'être interrogé. Avec ce rat de peur qui me rongeait le ventre.
Cette neige avait effacé le monde et tout ce qu'il contenait de cruauté, d'égoïsme, de mensonges. On pouvait tout imaginer soudain.
J'ai passé ma vie à chercher des vallons perdus, semblables à celui-ci, des cabanon écartés pour lire des journées entières dans un silence de feuilles. Je lis quelques pages, je lève les yeux, un nuage glisse dans la lumière... J'écoute cette forêt tout autour, elle respire, palpite, frémit, s'egoutte des pluies de la nuit.
j'ai pensé tout de suite à mes tantes corses, Dolinde et Dévote, qui avaient été noires de la tête aux pieds durant toute leur vie. Une vie de deuils. Sur cette jeune femme, tout ce noir éveillait plutôt quelque chose de voluptueux. (p. 79)
J'écris le mot tilleul et je suis de tout de suite sous un tilleul, le mot lessive et je revois ma mère étendre des draps dans la lumière du jardin et la joie de sa jeunesse.
Rien n'est plus magique que l'écriture, elle va chercher des débris de vie dans des replis secrets de nous-mêmes qui n'existaient pas cinq minutes plus tôt. On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d'automne, dans n'importe quel coin perdu de l'univers. (p. 35)