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EAN : 9782906043039
154 pages
Place Royale (14/11/1996)
4/5   1 notes
Résumé :
3
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L’Islam part précisément de l’idée que le Dieu infiniment transcendant est en même temps infiniment proche, — « plus proche que votre artère jugulaire », — si bien qu’il nous entoure et nous pénètre, dans l’expérience religieuse, comme une sorte d’éther lumineux, s’il est permis d’user d’une expression aussi imaginative ; le seul intermédiaire nécessaire, c’est notre propre attitude, el-islâm, dont l’élément central est l’oraison sous toutes ses formes. Le Dieu judaïque était « lointain », mais il habitait parmi son peuple et lui parlait parfois ; le Dieu chrétien — l’Homme-Dieu — est l’ « intermédiaire » entre ce Dieu lointain et l’homme, ce Dieu désormais silencieux et miséricordieux ; et quant au Dieu de l’Islam, il est, lui, « proche » (El- Qarîb) sans être « humain ». Il n’y a pas de Dieux différents, bien entendu ; il s’agit uniquement de perspectives différentes, et d’« attitudes divines » qui leur correspondent respectivement. Dieu est toujours et partout Dieu, et c’est pour cela que chacune de ces attitudes se retrouve à sa manière au sein des deux autres ; il y a toujours, selon un mode quelconque, « éloignement » et « proximité », comme il y a toujours un élément « intermédiaire ».

Le fait que le « sentiment d’absolu » ne se greffe pas exactement sur le même élément organique, d’une religion à l’autre, — d’où l’impossibilité des comparaisons d’éléments religieux entreprises de l’extérieur, — ressort du caractère respectif des conversions chrétienne et islamique : alors que la conversion au Christianisme se présente à certains égards comme le début d’un grand amour, qui fait apparaître toute la vie passée comme vaine et triviale, — c’est une « régénération » après une « mort », — la conversion à l’Islam est au contraire comme le réveil après un amour malheureux, ou comme la sobriété après l’ivresse, ou encore comme la fraîcheur matinale après une nuit tourmentée ; dans le Christianisme, l’âme est « morte de froid » dans son égoïsme congénital, et le Christ est le feu central qui la réchauffe et la ramène à la vie ; dans l’Islam par contre, l’âme « suffoque » dans l’étroitesse du même égoïsme, et l’Islam apparaît comme l’immensité fraîche de l’espace qui lui permet de « respirer » et de « s’épanouir » vers l’illimité. Le « feu central » est marqué par la croix; l’« immensité spaciale », par la kaaba, le tapis de prières, les entrelacs abstraits de l’art. En un mot, la foi du Chrétien est une « concentration », et celle du Musulman un « élargissement » (bust, inshirâh), comme l’énonce d’ailleurs le Koran.(1)

(1) « N’avons-Nous (Dieu) pas élargi (ou « ouvert ») ta poitrine (ô Mohammed) et enlevé le fardeau qui pesait sur ton dos ? » (Sourate « N’avons-Nous pas élargi?» 1, 2 et 3.) De même: « Celui que Dieu désire guider, Il élargit sa poitrine pour l’Islam, et celui qu’il désire égarer, Il resserre sa poitrine et la rétrécit... » (Sourate du Bétail, 125).
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On entend souvent dire qu’il faut « voir Dieu partout » ou « en toute chose » ; cela ne semble pas difficile à concevoir aux hommes qui croient en Dieu, et pourtant, il y a là bien des degrés, allant de la simple rêverie jusqu’à l’intuition intellectuelle. Comment peut-on tenter de « voir Dieu », qui est invisible et infini, dans les choses visibles et finies, sans risque de se leurrer ou de tomber dans l’erreur, ou sans donner à ce dont il s’agit un sens tellement vague que les mots en perdent toute signification ? C’est ce que nous nous proposons d’éclaircir ici, bien que cela nous oblige à revenir sur certains points que nous avons déjà traités en d’autres occasions.

Tout d’abord, il faut considérer dans les choses qui nous entourent — et aussi dans notre propre âme en tant qu’elle est un objet de notre intelligence — ce quelque chose que nous pourrions appeler le « miracle de l’existence ». L’existence, en effet, tient du miracle : c’est par elle que les choses se détachent pour ainsi dire du néant ; l’écart entre elles et le néant est infini, et vu sous cet angle, le moindre grain de poussière a quelque chose d’absolu, donc de « divin ». Dire qu’il faut voir Dieu partout, signifie avant tout qu’il faut le voir dans l’existence des êtres et des choses, y compris la nôtre.

Mais les phénomènes n’ont pas seulement l’existence, sans quoi ils ne seraient point distincts ; ils ont aussi des qualités, qui s’y superposent en quelque sorte et qui en déploient les virtualités. La qualité qui distingue une bonne chose d’une mauvaise est sur une moindre échelle, semblable à l’existence qui distingue toute chose du néant ; par conséquent, les qualités positives représentent Dieu comme le fait l’existence pure et simple. Les êtres sont attirés par les qualités, parce qu’ils sont attirés par Dieu ; toute qualité ou vertu, qu’il s’agisse de la moindre propriété physique ou de la plus profonde vertu humaine, nous transmet quelque chose de la Perfection divine qui en est la source immuable, si bien que nous ne saurions aimer, métaphysiquement parlant, pour aucun motif autre que cette Perfection.
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Les différences religieuses se reflètent très nettement dans les différents arts sacrés : comparé à l’art gothique, surtout « flamboyant », l’art musulman sera contemplatif plutôt que volitif : il est « intellectuel » et non « dramatique », et il oppose la froide beauté de la géométrie à l’héroïsme mystique des cathédrales. L’Islam est la perspective de l’« omniprésence » (« Dieu est partout »), laquelle coïncide avec celle de la « simultanéité » (« la Vérité a toujours été »); il entend éviter toute « particularisation » ou « condensation », tout « fait unique » dans le temps et dans l’espace, bien que, en tant que religion, il comporte forcément un aspect de « fait unique », sous peine d’inefficacité ou même d’absurdité. Autrement dit, l’Islam vise à ce qui est « partout centre », et c’est pour cela que, symboliquement parlant, il remplace la croix par le cube ou par le tissu : il « décentralise » et « universalise » dans la mesure du possible, dans le domaine de l’art comme dans celui de la doctrine ; il s’oppose à tout nœud individualiste, donc à toute mystique « personnaliste ».

Pour nous exprimer en termes géométriques, nous dirons qu’un point qui veut être unique et qui devient ainsi un centre absolu, apparaît à l’Islam — en art aussi bien qu’en théologie — comme une usurpation de l’absoluité divine et partant comme une « association » (shirk) ; il n’y a qu’un seul centre, Dieu, d’où l’interdiction des images « centralisatrices », surtout des statues ; même le Prophète, centre humain de la tradition, n’a aucun droit à une « unicité christique » et se trouve « décentralisé » par la série des autres Prophètes ; de même pour l’Islam, — ou le Koran, — lequel se trouve intégré lui aussi dans un « tissu » universel et un « rythme » cosmique, puisqu’il a été précédé d’autres religions — ou d’autres « Livres » — qu’il ne fait que restaurer. La kaaba, centre du monde musulman, devient l’espace dès qu’on se trouve à l’intérieur de l’édifice : la direction rituelle de la prière se projette alors vers les quatre points cardinaux.

Si le Christianisme est comme un feu central, l’Islam se présente au contraire comme une nappe de neige à la fois unificatrice et niveleuse, et dont le centre est partout.
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Il nous reste à dire quelques mots sur la gnose ou la philosophia perennis, qui est le trait d’union entre les divers langages religieux. Le mode de manifestation de la gnose est « vertical » et plus ou moins « discontinu », il est semblable au feu et non à l’eau, en ce sens que le feu surgit de l’invisible et peut y disparaître(1), tandis que l’eau a une existence continue ; mais les Écritures sacrées restent la base nécessaire et immuable, la source d’inspiration et le critère de toute gnose(2). L’intellection directe et supra-mentale est en réalité un «souvenir» et non une « acquisition » : l’intelligence, en ce domaine, ne prend pas connaissance de quelque chose se si tuant par principe en dehors d’elle, mais toute connaissance possible est au contraire contenue dans la substance lumineuse de l’Intellect, — qui s’identifie au Logos par « filiation essentielle », — en sorte que le « souvenir » n’est autre qu’une actualisation, grâce à une cause occasionnelle externe ou à une inspiration interne, de telle potentialité éternelle de la substance intellective. Il n’y a de discernement que par rapport au relatif, fût-il au-delà de la création et au niveau même de l’Être, et c’est ce qui explique pourquoi l’Intellect a été comparé à un sommeil profond — mais éminemment non-passif et supra-conscient — qui n’est troublé par aucun rêve ; l’Intellect coïncide, dans sa nature intime, avec l’Être même des choses(3); et c’est pour cela que la gnose marque la continuité profonde entre les diverses formes de la conscience d’absolu.

Et pourquoi cette conscience, demanderont certains ? Parce que la vérité seule délivre ; ou mieux encore : parce qu’il n’y a pas de « pourquoi » à l’égard de la vérité, car elle est notre intelligence, notre liberté et notre être même ; si elle n’est pas, nous ne sommes pas.

(1) Le Zen, avec son caractère « a-doctrinal », est particulièrement représentatif de cet aspect de la gnose.

(2) Il est dit, dans le Judaïsme, que l’ésotérisme avait été révélé par Dieu à Moïse dans le Tabernacle et qu’il a été perdu par la suite, mais que les sages ont pu le reconstituer en se fondant sur la Thora. - Quelles qu’aient pu être les diverses formulations de la gnose christique, les mystères pneumatologiques trouvent toujours leur base scripturaire dans le Nouveau Testament, notamment dans le prologue de l’Évangile de saint Jean et dans l’entretien nocturne avec Nicodème, et aussi dans les Épitres. - Au point de vue de la « vie éternelle », il n’y a certes pas de fidèles « de seconde zone » ; cependant, « il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père » ; l’égalité devant Dieu concerne le fait « externe » du salut et non les modes « internes » possibles de celui-ci.

(3) C’est en ce sens que l’Evangile peut dire du Verbe-Lumière — de l’Intellect divin — que « tout fut par Lui, et sans Lui rien ne fut. » (Jean, I, 3).
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En regardant l’homme de l’extérieur, on peut distinguer deux ensembles formels, le corps et la tête, et on peut dire que l’un comme l’autre manifestent un troisième élément qui est caché, à savoir le cœur.

L’homme extérieur est parfait dans la mesure où son visage et son corps expriment le cœur, non seulement par la beauté, mais aussi, et même avant tout, par l’intériorisation ; c’est ce que traduit l’image sacrée du Bouddha, par l’immuable majesté du visage aux yeux mi-clos et aussi par la symétrie et le calme de la pose, puis par le geste indiquant le silence, l’arrêt, le retour au centre, la contemplation : c’est l’image par excellence du Cœur-Intellect pénétrant jusque dans le corps, et l’absorbant en son infinitude. La spiritualité n’est autre chose, en définitive, que la pénétration du mental-corps par l’Intellect, qui s’y avance en quelque sorte, les remplit et les transforme en vue de Dieu ; mais elle est aussi le retour — non par « projection » cette fois-ci, mais par « absorption » — du mental- corps dans l’Intellect.

C’est ce qui permet de comprendre que la position yoguique fondamentale — que l’image du Bouddha transpose sur le plan de l’art sacramentel — relève d’une véritable alchimie des formes et des centres. Parfois, le Bouddha est représenté debout, et parfois couché sur un côté(1); il est contemplatif dans l’action (position debout) comme dans le non-agir (position assise) ; son sommeil est veille et sa veille sommeil (position couchée).

La sainteté sapientielle, c’est le sommeil de l'ego et la veille du Soi ou du Vide ; la surface mouvante de notre être doit dormir, car : « Je dors, mais mon cœur veille ». Ce n’est pas l’activité désintéressée qui doit dormir, mais la vie des instincts, le va-et-vient passionnel de l’âme. Le rêve habituel de l’homme vit de passé et d’avenir : l’âme est comme suspendue dans le passé et en même temps comme entraînée par le futur, au lieu de reposer dans l’Être. Dieu est « Être » au sens absolu, c’est-à-dire en tant qu’il est Essence et non détermination ou mouvement ; il aime ce qui est conforme à l’Être, si bien que dans l’âme, c’est l’aspect « être » qu’il aime avant tout ; cet aspect se confond avec celui de «conscience», — non au sens moral bien entendu, — ce qui revient à dire que retourner à notre « être », c’est réaliser la « conscience » pure. Dieu n’aime nos actions qu’en tant qu’expressions de notre « être » ou en tant que voies vers celui-ci ; notre activité en soi est sans importance.

(1) Le Koran enjoint à se souvenir de Dieu « debout, assis et couché sur les côtés », ce qui se réfère aux mêmes symbolismes.
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