Dans un court prologue, Chiara nous résume sa vie. Elle a quitté sa petite vie tranquille à la campagne, à deux pas de chez ses parents, pour s'installer à Rome. Trois mois après ce déménagement dont elle ne voulait pas, son mari s'expatrie en Irlande où il trouve l'amour dans les bras d'une autre femme. Pour Chiara restée à Italie, les mauvaises nouvelles s'enchaînent. Elle perd sa rubrique du dimanche au profit du courrier du coeur d'une gagnante de Loft Story, et près d'un an plus tard, elle en est toujours au même point. Elle se sent seule, prise au piège dans cet appartement au coeur de la capitale, et se lamente du matin au soir sur sa vie dévastée.
Ce côté du personnage aurait très vite pu devenir agaçant, mais cette jeune femme - manquant d'assurance et ne sachant a priori pas exister en dehors de son couple - reste malgré tout attachante. Maladroite et égocentrique, elle est toutefois consciente de ses défauts comme l'attestent les différents passages où elle parle de « je, tu & nous ». Elle tente désespérément de comprendre comment son mari et elle en sont arrivés là alors qu'ils s'aimaient depuis le lycée ; elle blâme son immaturité, puis se remet elle-même en question. Et le cycle continue encore et toujours, l'entraînant un peu plus vers la dépression, les remords et les regrets. Heureusement pour Chiara, sa psy a l'air décidée à la secouer une bonne fois pour toutes. Pour ce faire, elle lui lance un défi : chaque jour pendant dix minutes, Chiara devra trouver matière à s'occuper avec quelque chose qu'elle n'avait jamais essayé auparavant.
Cela peut paraître simple et faire sourire, et pourtant, je me pose la question : à la place de Chiara, parviendrais-je réellement à meubler ces dix minutes pendant trente jours consécutifs ? Ne manquerais-je pas rapidement d'idées, de volonté, d'audace ? Chaque chapitre correspond à un jour de ce mois de décembre où elle est censée reprendre le contrôle de sa vie. Même si ça lui paraît absurde au début, Chiara joue le jeu et multiplie les nouvelles expériences, en commençant par la préparation de pancakes alors qu'elle n'a jamais su cuisiner. Plus le temps passe, plus elle s'y prête spontanément... et plus elle parvient à démêler les noeuds de son existence.
À la lecture du synopsis, je m'attendais à des défis un peu plus osés et pimentés. Mais la capacité de Chiara à trouver de la nouveauté dans des gestes anodins du quotidien en fait quelqu'un comme vous et moi. Ses expériences nous poussent à reconsidérer notre façon d'appréhender notre voisinage. Prenons-nous réellement le temps de le regarder ou n'y voyons-nous que ce qui nous arrange, ce qui nous est utile ? Les chapitres sont courts mais vont à l'essentiel, et l'évolution de Chiara est très intéressante. Elle apprend à se rouvrir à la vie et par là-même à s'ouvrir aux autres. Les déclics qu'expérimente Chiara au cours de ces dix minutes quotidiennes sont astucieux, sages et porteurs de sens.
Je déplore en revanche la pauvreté des dialogues entre Chiara et sa psy (ou Chiara et son mari). Les paroles échangées se résument souvent à de simples points de suspension ou à des monosyllabes, et j'ai plusieurs fois perdu le fil : qui est en train de parler là ? Chiara ou sa psy ? J'ai d'autant moins compris cet aspect du roman que les dialogues entre Chiara et Ato - un jeune réfugié qu'elle prend sous son aile le week-end - sont succulents, tour à tour drôles et touchants.
Malgré ce petit "défaut" d'écriture, les idées de l'auteur font mouche et plongent l'héroïne dans un véritable travail d'introspection.
Chiara Gamberale nous apprend à repousser les limites définies par la société ou que l'on s'impose soi-même. Elle nous prouve combien les gestes sécurisants peuvent se révéler étouffants et nous priver de bien des choses, et nous présente ainsi une vision juste et stimulante de la vie. En refermant ce roman, je dois bien avouer que l'envie de me prêter moi aussi au jeu des dix minutes me titille... juste pour voir où il me mènerait !
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