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Citations sur Pense à demain (10)

Peut-être donne-t-elle (scène de torture à laquelle assiste un enfant de 10 ans - ndlr) à vingt ans, la volonté obscure d'objecter en conscience, de refuser, sans le secours de la raison politique, d'aller en Algérie porter les armes, tuer sur ordre et torturer, jouer à ce jeu abject où les hommes se conduisent , en toute licence, avec la bestialité des enfants. Cela épuise et verse au sommeil. Exténués de honte, souillés par le crime, les hommes peuvent dormir. Ils le peuvent après avoir vu Nuit et Brouillard, les trois petits enfants que conduit leur grand-père par la main vers le wagon plombé, après avoir vu la sidérante fleur vénéneuse exploser dans le ciel atomique, les irradiés nus chanceler dans les rues tendant les lambeaux de leur peau, les suppliciés énucléés et les spectres survivants, et les agonies et les morts dans les charniers, après cette horreur, horreur, l'on peut s'allonger dans une chambre, et sous une couette dormir, on le peut ... Les hommes le peuvent, parce qu'ils gardent, séquestrées sous leurs paupières, les visions convulsives du mal; là, en toute clarté, avec plus de lucidité que le jour, elles s'accomplissent en connaissance.
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Enfin, des rides, des sillons sournois,soudain apparent le masque d'une vieillesse imminente, et cela lui donna une sensation révoltante de jeunesse, de santé insolente, séparée de lui par la génération, est-ce cela grandir pour de bon, lire la mort soudain au front de ses parents. De longues années, ils stationnent au même âge immuable où on les a découverts, jusqu'à basculer brusquement, d'un jour à l'autre, en une heure parfois, dans une pente abrupte où ils glissaient sans qu'on le sache. De l'autre côté.
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Mais Antoine l'avait cueillie au bord du trottoir de la rue Buffon, un rapt inouï ; tout en était métamorphosé. De leur premier baiser, elle restait abasourdie, de sa violence, de sa douceur, du vide et du plein qu'il procurait au milieu de son obscurité, personnelle et générale, un émoi qui renverse le coeur et les sens, il faut retenir cet instant, son impureté lumineuse dans la nuit de novembre. Retenir au coin de cette porte où ils s'étaient tenus enlacés, dans la chaleur de leurs poitrines pressées, les premiers mots balbutiés lèvre à lèvre, palpitants de hâte, le goût salin de leurs bouches et l'odeur de leur peau mêlés ; c'était un commencement bouleversant. Se quitter un déchirement, et une promesse, un chagrin, une joie...
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Les personages de théâtre sont des vampires, même ceux qui sont gais, même ceux qui font rire. Ils sucent l'acteur au cou, absorbent son sang, lui injectent le leur, chargé de tous les venins que secrète leur âme malheureuse, rien n'est si terrible qu'il ne puisse être annexé à la sienne, et ne la sacrifie.
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Non, elle ne rêve pas de remariage, non plus d'une vraie liaison, seulement des préliminaires. Ils se suffisent à eux-mêmes, le plaisir qu'ils donnent est une fin en soi. Séduire, flirter, se laisser courtiser, allumer le désir, se faire prier et résister, la belle petite guerre d'usure. Quant à se rendre, pas de ça, Lisette. Ou alors, il faudrait une sacrée occasion. Mais recommencer tout le tralala, quel tracas, ce cinéma. Les hommes ne se gênent pas, ils laissent les ennuis aux femmes. Les gelées spermicides fournies par les copines, très peu sûres, la preuve : Johnny. Pire, la méthode Ogino. Les ourbes de température, chaque jour se planter le thermomètre au derrière, comme si ovuler était une maladie.Les hormones sont capricieuses, les femmes ne sont pas des métronomes. Terminé le rapport.
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Et où aller dont la terre ne soit pas abreuvée de cadavres, cataclysmes, insurrections, guerres, épidémies, charniers, désastres nucléaires, exterminations, génocides.

Tous ces morts, leur infinie cohorte, où les enterrer, leur donner dignité de sépulture afin qu’ils ne nous tourmentent plus de leur plainte ? où les accueillir sinon dans le langage, où les assujettir à une conscience sinon dans celle du récit, les faire entrer dans une histoire où ils prendront place et se tiendront debout, les faire exister en fiction, c’est-à-dire en imagination, cette pitié et cette gloire de l’esprit, pour les faire apparaître, et disparaître, apaiser leurs offenses et nommer leurs crimes ? Cette allée mentale est tellement encombrée, par où commencer, le travail est immense, où donc est l’ingénieur de ce chantier ? Je pars à leur recherche, qui partira à la mienne ?
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Après quelques hésitations dédaigneuses, de Gaulle a adopté d'instinct l'arme nouvelle. Avec la caméra, il a le rapport fascinant du fauve à la gazelle, qui pour la séduire roucoule, rugit, gouaille, rocaille ; sens inné de la posture, du geste, de l'accent, du grand art. Ce théâtre le révèle photogénique. Un comble, lui de qui la trogne inspire la caricature. Pourtant, tronc coupé, c'est ingrat. De son anatomie de colosse, de son buste grand comme un buffet, de ses bras, envergures d'avirons, de sa tête, nez en promontoire, oreilles décollées, de sa lippe, il fait un avantage.
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Alors la joie illusoire de ce jour de 1936, c'est un grand crime que d'y avoir cru, d'être revenues l'une au bras de l'autre dans les rues soudain silencieuses comme si elles étaient invincibles. d'avoir oublié ce qu'elles savent déjà, pour l'avoir dangereusement approché, que la grâce d'un soir d'été ne vainc pas l'ombre abominable du mal.
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Et l'aïeule, pelotonnée sous ses laines, penchant à l'oblique son buste effondré, tendant son cou d'oiseau déplumé, vorace, l'oeil rond des vieilles poules aux aguets, bille métallique luisant dans l'orbite décavée, bordée de rose délicat, un épouvantail comme on plante dans les jardins...
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Enceinte ! Ce genre de fatalité qui guette les filles, chacune en est avertie, rien ne vous en préserve. Dès les premières règles, vous en assaille le péril, ventre ennemi que convoitent les garçons, ce fortin féminin d'entrailles en révolution...
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