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EAN : 9782330144524
290 pages
Actes Sud (03/02/2021)
3.58/5   20 notes
Résumé :
De passage à Bordeaux, la ville où elle est née et où grandir a voulu dire s'émanciper, la ville dont l'opulence bourgeoise et l'arrogante amnésie lui restent comme un caillou dans la chaussure, Anne-Marie Garat se rend avec un sien cousin bordelais au musée d'Aquitaine où, ensemble, ils découvrent l'exposition consacrée à la traite négrière. Et tombent en arrêt devant certain cartel, au langage pour le moins javellisé. «Humeur noire »revient sur la colère qui jaill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Voltaire dénonçant l'injuste condamnation de Calas, Zola le sort odieux et l'antisémitisme frappant le capitaine Dreyfus, Sartre défendant Genet ou Fred Vargas Cesare Battisti, on connait la puissance des indignations d'écrivains face à l'injustice et aux atteintes aux droits de l'homme, on sait la forte influence que peuvent exercer sur nos esprits ces fureurs littéraires, quand elles en appellent à la décence morale, aux valeurs les plus généreuses de l'humanité. Au-delà de la réaction à un événement, à l'iniquité qui atteint un homme, c'est parfois l'imprégnation de la culture par les préjugés les plus malsains ou une relecture complaisante et faussée de l'Histoire qui peut susciter l'ire du témoin. le texte d'Humeur noire nait d'un tel emportement, quand Anne-Marie Garat évoque, dès les premières pages, une visite au Musée d'Aquitaine à Bordeaux, et sa découverte, dans la salle dédiée à l'époque de la traite négrière, d'un cartel édulcorant totalement les violences et les humiliations subies par les esclaves victimes du commerce bordelais, et exonérant les grandes familles, maîtresses de ce négoce, armateurs et propriétaires, de leurs responsabilités dans ces pratiques sordides et inhumaines. Cette colère sera suivie d'un échange de lettres avec le directeur du Musée, d'une pétition, signée par plusieurs compagnons de plume dans un journal national, Anne-Marie Garat allant jusqu'à imaginer un happening vengeur, se préparant à tagger ou caviarder le texte du fameux cartel…, un ensemble de projets et d'actions sans grand résultat ! Pourtant, au-delà du récit, souvent nourri d'autodérision, de cette affaire du cartel, le texte d'Humeur noire, riche de ses multiples digressions, offre au lecteur, à travers ses méandres, non seulement un exposé très étayé sur l'histoire de la traite à Bordeaux et Saint-Domingue, mais également une passionnante autobiographie de la romancière, évoquant son enfance dans un quartier modeste, sa formation et son métier d'enseignante, passionnée par les lettres et le cinéma, son engagement constant au service d'une culture critique, l'amenant à regretter son étiolement chez les jeunes générations. Un récit qui donne le sentiment que cette native de Bordeaux a toujours éprouvé une peine à y vivre et à y revenir, avec la sensation de rester une étrangère dans cette ville où la réticence à affronter les sombres heures de son passé – Anne-Marie Garat rapproche ainsi, de manière saisissante et convaincante, la lecture publique erronée de l'époque coloniale et le voile scandaleusement pudique jetée sur la complicité entre les autorités et les nazis dans la déportation des juifs locaux, plus près de nous - lézarde en profondeur les façades, si lisses en apparence… Un texte très fort, où l'on reconnait cet art constant de la romancière de montrer comment les destins individuels se forgent dans le creuset de l'histoire collective, en même temps qu'un vrai pamphlet pour le rétablissement de la vérité sur les époques troubles de l'histoire ! En espérant que sa lecture redonnera peut-être à Bordeaux le courage de réécrire les cartels de son Musée, pour éclairer enfin les heures les plus sombres de la cité…
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Anne-Marie Garat est d'humeur noire. Et ce n'est rien de le dire.
En visitant le musée d'Aquitaine avec son cousin, elle lit un cartel qui la crispe, l'énerve profondément, la révolte durablement.
"Raison pour laquelle le seul titre du cartel Noirs et gens de couleur, qui reprend benoîtement cette expression racialisante, exigerait d'être au moins mis entre guillemets ou en italique pour le rapporter à la mentalité du XVIIIe siècle où celle-ci s'est imposée. Justement pour la contextualiser, M. le directeur du musée d'Aquitaine.
Et, non, pas plus que pour la lettre capitale ou la minuscule, cette remarque n'est la ratiocination typographique d'une casse-pieds."
Et elle bouillonne pendant près de 300 pages, s'emportant contre l'hypocrisie de la société bordelaise qui feint d'oublier que jamais un esclave n'a "suivi" son maître, qui se plaît à penser que c'était pour "apprendre un métier", qui feint ne pas connaître les problèmes de cohabitation entre les populations.
Au passage, elle évoque son enfance à Bordeaux, ville bien peu aimée.
L'omniprésence de la ville a parfois été pesante pour moi, mais l'intérêt du texte m'a aidée à dépasser cela.
Anne-Marie Garat tisse des liens avec la situation actuelle et la crise des migrants. Elle aborde le négationnisme. Elle souligne le rôle essentiel et vital des livres et des librairies dans l'éducation, l'apprentissage de l'esprit critique.
Ce livre est bienvenu pour aider à réfléchir à la portée de ses propos ou de ses écrits.
C'est un ouvrage magnifique, mais dense, tellement dense! Les phrases sont construitees, pensées. Chaque mot est choisi avec soin. Et c'est avec le même soin qu'il faut le lire.
Un tout grand merci à Babelio et Actes Sud pour ce très beau cadeau reçu en Masse Critique.
Merci à l'auteur pour cet emportement salutaire!
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Anne-Marie Garat est bordelaise mais entretient avec sa ville natale une relation conflictuelle, caractérisée par un rejet qui l'en tient la plupart du temps éloignée (elle vit dorénavant à Paris). C'est à l'occasion de la trouvaille accidentelle d'un album de famille par un de ses cousins, initiant des échanges sur le passé d'un aïeul, qu'elle y revient, sur une même période, à plusieurs reprises.

Lors d'un de ses séjours, elle visite le Musée d'Aquitaine, et tombe en arrêt devant un écriteau de l'exposition, récemment mise à jour, sur la traite négrière. Encadré de deux tableaux illustrant la vie de bourgeois bordelais du XVIIIème siècle sur lesquels figurent une nourrice noire et un négrillon enturbanné portant un collier de servage au cou, il est porteur d'un texte dont le vocabulaire inapproprié la met en rage, qui par un choquant euphémisme présente la condition des noirs vivant alors à Bordeaux comme un état enviable.

La lettre qu'elle écrit au conservateur du musée, puis la tribune qu'elle publie dans le Monde, co-signée par de nombreux artistes, sont sans effet. La colère qui en résulte, alimentée par un sentiment de vérité trahie auquel s'ajoute les griefs accumulés contre sa ville de naissance, est à l'origine de l'écriture "d'Humeur noire".

Elle s'y livre à une entreprise de réhabilitation de la réalité niée par le cartel du musée, et y mêle des souvenirs d'enfance ou de jeunesse qui pourraient passer pour des digressions, mais qui lui permettent en réalité non seulement d'élargir mais aussi d'étayer son propos.

Elle rappelle l'évidence occultée par la note explicative du musée : les noirs présents à Bordeaux de 1730 à la fin du siècle sont de la première génération des déportés d'Afrique ou leurs enfants, donc forcément porteurs du traumatisme de la capture, de la mémoire des traversées cauchemardesques, du marquage au fer rouge, de l'arrachement aux mères, de la négation, enfin, de leur identité… elle rétablit la réalité de leur statut : celui d'esclaves subissant un joug exercé avec despotisme et mépris, et non, comme le laisse entendre le cartel, celui de privilégiés venus en Europe pour se former, vivant en « bonne cohabitation » avec une population blanche bienveillante et hospitalière…

Elle s'attarde sur les infâmes mécanismes à l'oeuvre, sur l'intention -fuite, déni- que révèle cette minimisation de la condition noire, cet "oubli" de la replacer dans un contexte, celui d'un temps où les grandes familles bordelaises purent asseoir et développer leur fortune grâce au commerce en droiture, directement pratiqué avec les colonies d'Amérique : les négociants européens vendent aux colonies des productions agricoles et des produits manufacturés ou matières premières venus de l'arrière-pays bordelais (viande, du vin, tissus…) et ces mêmes négociants ramènent des Antilles de l'indigo, du café, du sucre, du cacao, revendus très chers en Europe. Ce qui a longtemps constitué pour Bordeaux un argument lui permettant de minimiser son rôle dans le commerce triangulaire, au grand dam de l'auteure, très virulente envers la capacité à l'amnésie ou à l'autojustification de sa ville natale vis-à-vis d'une Histoire faite de compromissions. Et elle évoque, au-delà de ce passé esclavagiste relégué aux oubliettes, l'adhésion enthousiaste de la ville à Vichy, et les alliances ou cohabitations faisant après la guerre siéger aux mêmes instances et se croiser dans les mêmes couloirs résistants et collabos.

C'est peu de dire qu'Anne-Marie Garat n'est pas tendre avec cette commune où elle a grandi, envers laquelle elle nourrit par ailleurs des reproches plus personnels, exprimés à l'occasion de bribes de souvenirs remontant à son enfance puis à ses années étudiantes. D'extraction modeste, elle est née et a vécu au coeur du quartier ouvrier des Chartrons (aujourd'hui en pleine gentrification), et a dû affronter, au lycée puis en accédant aux études supérieures, la condescendance de camarades pour la plupart issus de la bourgeoisie bordelaise. On s'intéresse au passage à ce parcours de jeune prolétaire tombée précocement dans l'amour de l'art -plus particulièrement la littérature et le cinéma-, déterminée à échapper au déterminisme social, malgré la difficulté supplémentaire qu'y oppose son statut de fille. Elle devra pour cela lutter aussi contre les préjugés paternels, qui estime qu'être institutrice est le summum de ce à quoi elle peut atteindre : pourquoi s'entêter à vouloir faire carrière dans les arts, qui on le sait sont un repère de feignants, de débauchés et de fils à papa ?

Tout cela est sans rapport avec le cartel du musée d'Aquitaine ? Détrompez-vous ! Car si Anne-Marie Garat fustige l'arrangement que le cartel conclue avec la vérité, elle n'est pas moins sévère envers le mépris qu'il suppose envers ses lecteurs, qui traduit celui plus général que les milieux académiques et bourgeois affichent envers le peuple (et auquel, on vient de le voir, elle a été confrontée).

En amoureuse du langage, elle en défend avec virulence l'importance, exprimant sa détestation de ses usages inconséquents -car oui, "les mots tuent"-, rappelant la responsabilité de ce qu'énonce celui qui écrit à destination d'un public. En tant qu'enseignante, mais aussi en tant qu'auteure qui revendique l'importance d'écrire en toute indépendance (notamment financière, raison pour laquelle elle continue d'exercer son métier), elle prône la nécessité de donner l'usage du langage (insistant sur son pouvoir politique et social) aux enfants et futurs citoyens qu'ils deviendront, et égratigne au passage un enseignement qui contrecarre ce projet en faisant des professeurs des mécaniciens de la langue, des techniciens dévitalisant la puissance de l'art en le réduisant à un ensemble de mécaniques, de figures de rhétoriques ou de narratologie au dépens de l'imagination, du « transport » que doit apporter la littérature.

Ainsi, priver l'individu du matériau que représente un témoignage éclairé et honnête sur le contexte historique, social et politique qui en partie le constitue, revient à lui enlever la possibilité d'acquérir cette présence à soi-même et à son histoire que permet l'appropriation du langage, notamment par l'intermédiaire des littératures, du cinéma, bref, de la culture et des arts en général.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce passionnant essai (qui mérite plusieurs lectures) que nous livre Anne-Marie Garat, professeure militante, écrivaine engagée et citoyenne révoltée… je m'arrête là pour ma part, espérant vous avoir convaincus.


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ce livre est né d'une saine colère déclenchée par la visite de l'auteure au musée d'Aquitaine de Bordeaux. Dans la salle réservée à la traite négrière, un cartel minimise et édulcore la réalité de la traite et sa férocité. Bordeaux est la ville natale d'A.M. Garat, elle y revient juste en passant depuis des années, elle n'en garde pas de si bons souvenirs.

Dans un premier temps, elle va écrire au musée pour demander une modification du cartel, sans résultat. Une tribune dans le Monde avec des amis écrivains ne sera pas plus suivie d'effets. D'où l'écriture du livre, où la formulation du cartel revient de manière récurrente.

C'est l'occasion d'une évocation complète de l'histoire de Bordeaux et de son passé. Aussi bien la traite négrière que la situation des populations pauvres depuis le 17e siècle. le livre fourmille de faits et de personnages historiques, remis dans leur contexte. L'auteure n'hésite pas à décrire son enfance, elle n'était pas du bon côté de la ville et a dû lutter pour accéder aux études qui la passionnaient.

Je ne connais pas Bordeaux, ce qui n'a pas pour autant constitué un obstacle à mes yeux. L'histoire de la traite des esclaves nous concerne tous et cette répartition des populations par condition sociale se retrouve partout. Je connais globalement l'histoire de l'esclavage, mais entrer dans les détails des documents et des descriptions est éprouvant. La ville s'est toujours arrangée pour mettre en avant le commerce des épices et autres denrées avec Saint-Domingue, en gommant les souffrances inhumaines qui le permettaient.

"Le bossale incarne donc la bestialité foncière de l'esclave uniquement réductible par les cruautés de sa domestication, astreint à la culture jusqu'à 18 heures par jour, dénutri, exténué, coups, brûlures, amputations des membres, de la langue, du nez ou des oreilles, castration, muselière, et supplice à mort de la chicotte ou par d'autres moyens exemplaires, jusqu'à planter des têtes d'esclaves décapités sur des piquets le long d'une haie. Régime d'épouvante qui, malgré son déni, ne peut manquer d'affecter le psychisme du bourreau (faut-il y entrer ?), dont celui-ci doit refouler l'image au risque de sa propre désintégration humaine, sauf à l'imputer par retournement à sa victime. de qui, de fait, la violence existe, rébellions, mutineries, agressions, évasions, à toutes étapes de sa déportation et de sa vie dans la plantation, et constitue une menace des plus anxiogènes pour Le Blanc. Ainsi s'objective un rapport de haines et de terreurs réciproques dont l'esclave fait le premier les frais".

L'auteure continue en développant la continuité entre l'esclavage enfin aboli, et le colonialisme qui perpétue la domination sous d'autres formes. Elle fait même un lien entre ce passé esclavagiste et la collaboration zélée de certains Bordelais avec les nazis pendant la seconde guerre mondiale.

Les mots et leur sens sont bien sûr très importants à ses yeux, la transmission également. Elle égratigne avec vigueur les dérives actuels du langage et d'une société avide de consommation : "Pour résister à cette défaite alarmante, l'ultime bastion reste la librairie indépendante, lieu de sociabilité urbain ou rural, plus rarement des périphéries. Or cette particularité française, par son maillage territorial sans égal en Europe, et donc au monde, héritière de la tradition humaniste des Lumières comme de la démocratisation républicaine, est aujourd'hui mise en péril, certes par la cherté des loyers (affaire de volontarisme culturel) mais surtout par les platefomres de distribution, livraison express de la commande at home. Amazon asseoit son hégémonie tentaculaire en détruisant la possibilité même de toute communauté humaine et culturelle, son ennemie radicale : n'avoir affaire qu'au seul consommateur, au client connecté captif entre ses murs, coloniser sa dernière part de cerveau disponible entre deux pubs et tirer profit de sa débile pulsion du je-veux-tout-tout-de-suite - de la "nouveauté" et du best-seller de préférence".

C'est une lecture puissante que l'on n'épuise pas en une seule fois, il faudrait y revenir tant les thèmes sont nombreux et fouillés. Si le sujet est sombre, l'énergie et la détermination de l'auteure en font un texte qui, au final, revigore.
Lien : http://legoutdeslivres.canal..
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Il est des livres qui vous procurent grand moment de lecture parce qu'ils vous éclairent par leur force, leur intelligence, leur saine colère, par leur pouvoir de mettre en perspective notre vie personnelle ou celle de nos sociétés dont nous sommes les porteurs quasi inconscients de tout un passé rarement reluisant. « Humeur noire » est un de ceux-là.
Tout part d'une visite d'Anne-Marie Garat au musée d'Aquitaine de Bordeaux, sa ville natale dont elle garde des souvenirs que l'on peut qualifier de mitigés. Dans la partie que consacre le musée à la traite négrière, elle tombe en arrêt devant un cartel aux termes pour le moins équivoques, totalement édulcorés quant au passé négrier de la ville. Elle entre donc dans une colère noire ( on peut y voir un jeu de mot évoquant des combats anciens mais également actuels) et tente de faire changer la formulation de cet écriteau. Lettre au directeur du musée d'Aquitaine, tribune avec des amis écrivains dans « le Monde », rien n'y fait. Difficile de secouer un édile de cette ville qualifiée longtemps de « belle endormie » et dont le livre nous démontrera qu'elle n'est toujours pas réveillée malgré l'image véhiculée par l'ancien maire Alain Juppé.

Partant de ce petit fait qui peut paraître anecdotique, Anne-Marie Garat va en profiter pour revenir sur le passé négrier de la ville mais élargira son point de vue à tout ce secteur économique des 17ème, 18 ème, commerce humain d'esclaves, véritable génocide orchestré au profit de quelques états et dont le colonialisme qui en découla courut jusqu'à il y a peu. Elle rappelle les cages à nègres dans les bateaux contenant ceux que l'on avait chassé comme un quelconque gibier sur leur terre natale, réduits au rang de bête à dresser. Elle raconte surtout, grâce à des faits précis et nombreux, l'amnésie collective, générale qui a été soigneusement orchestrée, lissée dans tous les livres d'histoire et dans toute la muséographie. Elle démontre que nous sommes tous issus aussi de cette histoire là, que nos esprits ont été formés à cet oubli mais aussi à une image déformée de nos frères humains aux peaux plus sombres.

De fil en aiguille, elle va aussi nous parler de son enfance bordelaise, modeste, dans une impasse ouvrière éloignée du riche centre ville et de ces premières années où l'on découvre la vie, les lieux qui nous entourent, qui imprègnent profondément et à jamais notre intimité et notre rapport au monde. Parce que c'est une écrivaine, Anne-Marie Garat évoquera aussi les mots, le vocabulaire, qui continuent à maintenir enfoncée une partie de l'humanité tout comme elle abordera des problématiques plus actuelles jusqu'à la mort de George Floyd.

Elle parlera bien entendu beaucoup, beaucoup, de Bordeaux, trop peut être pour ceux qui ne connaissent pas la ville et qui pourront être un peu noyés dans cette avalanche de noms de rues, de quartiers et de personnalités locales, mais rien de rédhibitoire tant nous sommes emportés par le texte aussi vivifiant que passionné de cet essai original et salutaire. On referme le livre avec le bonheur d'avoir rencontrer une pensée lucide, forte, une pensée qui nous éclaire, qui nous enrichit.
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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critiques presse (1)
LeSoir
08 février 2021
Après la lecture d’un cartel minimisant l’esclavage à Bordeaux, Anne-Marie Garat entre dans une « Humeur noire » et donne un livre nécessaire.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
… il se trouve que j’atteins juste l’âge, au milieu de mon siècle, d’ouvrir enfin les yeux : d’accéder à deux monstres de l’Histoire qui n’en sont qu’un, le racisme esclavagiste et le racisme antisémite dont Bordeaux a été assez excellemment le théâtre, comment l’ignorer, comment l’imputer à un accident de son histoire ? Port de la traite et de la chasse au Juif, où domine la mentalité coloniale, plaque tournante commerciale d’une Europe qui assoit sa domination sur la dégradation de l’autre en déchet, imaginaire dont le socle, comme le formule en 1950 Aimé Césaire, a une structure apocalyptique. Le colonialisme a décivilisé le colonisateur, au final l’a littéralement colonisé, l’a « abruti » au sens d’un devenir brute, régressant à un état antérieur à toute civilisation et versant, par haine démente de la vie, à une néantisation de tout principe d’humanité : « L’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire » et la démesure du massacre initié par l’esclavage trouve sa fin – sa finalité – dans l’autodestruction de l’Occident par lui-même avec les « Einsatzgruppen » et le camp d’extermination nazis. Barbarie qui ne lui est pas du tout étrangère, qu’il a au contraire cultivée, légitimée et absoute avant de la subir : « Hitler est son châtiment, dit encore Césaire, et l’Europe a tiré sur elle-même le drap de mortelles ténèbres. » (pp.219-221)
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Si elle n'est pas canalisée d'urgence, et d'autorité, la colère indispose, répugne, offusque. Or en elle s'origine toute résistance, insurrection, révolte, révolution, qui contrebattent un ordre des choses insupportable, par excellence l'oppression vécue comme insulte au sujet, individuel et collectif. Sentimental, émotionnel, passionnel, le désir de justice ? alors oui, j'assume que mon sujet s'indigne, s'insurge contre tout ce que l'affichette anonyme du musée d'Aquitaine véhicule de provocateur, d'insidieux mensonge sur les réalités, et, non, je ne la fermerai pas.
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Il faut laisser les enfants tomber dans les livres qui ne sont pas écrits à leur intention, comme ne le pratique que trop l'édition de jeunesse en ajustant le registre de la langue et le propos à leur entendement, et au niveau grammatical supposé de leur âge. Il faut les laisser entrer par des portes imprévues dans les labyrinthes du langage, s'y frayer le passage vers leur propre mystère, à leurs risques et périls, et aux nôtres. A ce prix, ils ont quelque chance de devenir de vrais lecteurs.
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Une première lecture baptise. Si nombreuses soient celles qui la recouvrent au fil du temps, quelque chose de souterrain résiste au labourage des relectures, une sorte d'archive mentale en palimpseste de toutes les autres comme si cette invention première du texte ainsi que d'un site révélait, en sa puérile lumière des commencements, certaine matière brute.
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Depuis des décennies je n’y reviens plus qu’entre deux TGV pour des rencontres littéraires dans une librairie, ou à l’Escale du livre quand j’y suis invitée, ainsi de Bordeaux je ne vois que l’immense verrière en cathédrale de sa gare Saint-Jean – elle-même contaminée d’autres rêves en échos aussi confus qu’oppressants que je m’empresse de chasser.
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