Une autobiographie du prix Nobel de littérature consacrée à sa jeunesse et qui s'arrête à son départ pour l'Europe, à 28 ans, après le récit de ses années de formation.
Pour les admirateurs de l'écrivain colombien, dont je fais partie, c'est un bonheur de voir se mettre en place lieux et personnages, années d'enfance dans une "famille de fous" et de rêveurs, et surtout la genèse d'une vocation, à la fois de poète - ce que
Garcia Marquez ne sera pas, contrairement à son ami
Alvaro Mutis - de journaliste et d'écrivain.
C'est aussi la possibilité d'ouvrir les yeux sur le cadre historique et géographique de la Colombie des années d'après-guerre et du début de la guerre froide, avec les luttes impitoyables entre libéraux et conservateurs, l'apparition des guérillas, les massacres effroyables, la répression militaire, les événements du 9 avril 1948, journée qui voit un assassinat politique révolutionner et détruire la capitale, Bogota, sous les yeux effarés et incrédules des intellectuels, témoins de la catastrophe.
Mais c'est surtout la peinture sensible et modeste d'un jeune homme timide, pauvre et mal habillé, passionné de littérature, qui passe ses nuits à fumer, boire et discuter interminablement avec ses amis poètes et journalistes du groupe de Baranquillas, quand ils ne finissent pas la nuit avec des "putains tristes" ou joyeuses... C'est la genèse d'une carrière consacrée à l'écriture, où l'on voit que
Garcia Marquez n'est pas devenu un très grand écrivain en suivant un cours de "creative writing", mais en lisant sans relâche les plus grands auteurs et les autres, en accumulant brouillons, ratures, remords, et corrections, en tâtonnant à la recherche d'une voix authentique, la sienne. C'est l'aveu qu'en littérature, comme ailleurs rien n'est donné, mais tout est le fruit de la passion et du travail.
Garcia Marquez livre au passage des pistes pour mieux faire comprendre ce qui l'a rellement inspiré dans la création de ses chefs-d'oeuvre, que nous pouvons resituer dans le temps et l'espace. Il croque aussi une galerie de portraits d'autres passionnés comme lui, journalistes, poètes, écrivains, sans compter l'évocation émouvante de sa propre famille, inspiratrice d'une partie de son oeuvre.
Une lecture passionnante, même si l'on peut préférer le "réalisme magique" des romans, et des nouvelles, véritables créations, ô combien originales, de l'imaginaire foisonnant de
Garcia Marquez.