S’il y avait un chemin pour gagner le cœur de Tess, c’était celui de la gentillesse. Pour la conquérir, il fallait se montrer doux comme son père et lui faire croire que le monde entier gravitait autour d’elle.
Cette fusion riche d’amour et de vie qu’ils avaient partagée les reliait par-delà la distance qui les séparait, elle était une douleur, une blessure jamais refermée à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils l’appelaient parfois solitude, angoisse, cafard. Mais ils savaient. Tous ces maux avaient le visage de l’autre. Celui qu’ils appelaient par-delà le temps et l’espace, comme la lune appelle la marée, fait gonfler l’océan. Rien ni personne ne pourrait jamais vraiment les séparer.
Chaque vie comme la sienne était une feuille de papier calque sur laquelle était inscrit un chemin. Toutes se chevauchaient, se mélangeaient, mais jamais ne se croisaient. Chacun était seul au milieu de la foule.
Tu es la lune qui éclaire mon océan, l’étoile qui guide ma route. Tu es le cornouiller au printemps, et le vent qui souffle la nuit. Tu es la luciole en été et la fleur qui s’épanouit au cœur de l’hiver.
Les professeurs attisaient ses aspirations par leurs compliments. La fierté de son père l’aiguillonnait, et elle se sentait si différente des autres, à l’école, qu’elle trouvait atterrante la perspective de passer sa vie parmi eux. Aussi préférait-elle vivre dans le royaume chimérique que son père construisait pour elle, le soir, à son chevet. C’est là qu’elle semait ses espoirs