Lorsqu'on voyage ensemble, on apprend des tas de choses les uns sur les autres, on se découvre. Il est vrai que la plupart des gens restent debout dans l'ascenseur, sans se regarder, verticalement et raides, pour ne pas avoir l'air d'envahir le territoire des autres. C'est des clubs anglais, les ascenseurs, sauf que c'est debout avec arrêt aux étages. Celui de la STAT met une bonne minute dix pour arriver chez nous et si on fait ça tous les jours, même sans se parler, on finit malgré tout par faire une petite bande d'amis, d'habitués de l'ascenseur. Les lieux de rencontres, c'est capital.
Il paraît qu'il y a des gens qui ont une telle peur de la mort qu'ils finissent par se suicider, à cause de la tranquillité.
Je sais qu'il existe aussi des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe.
J'indique à titre comme ça, sans aucune obligation, qu'en Floride, selon un journal récent, les moucherons arrêtent la circulation sur les routes parce qu'ils viennent s'écraser par millions sur les pare-brise des voitures qui les surprennent en pleine danse nuptiale. Les camions sont même obligés de s'arrêter parce que leurs pare-brise sont couverts de millions de minuscules amours. Les conducteurs des camions ne voient plus rien, ils sont éblouis, aveuglés. J'ai été bouleversé par la quantité d'amour que cela représente. J'ai rêvé toute la nuit d'un vol nuptial avec Melle Dreyfus. Vers minuit, je me suis réveillé et après, j'ai essayé de rattraper mon rêve, mais je n'ai rêvé que de camions.
Je pensais à la bonne pute aux Halles qui m'avait dit "viens, je ferai dégorger ta limace", et une autre avec esprit qui m'avait lancé "alors, chéri, tu m'enviandes ?".
Ce sont des expressions bon enfant qu'il faut prendre à la bonne franquette et à la légère.
On est tous postsynchronisés et parfois c'est très bien fait, on croit que c'est naturel.
Beaucoup de gens se sentent mal dans leur peau, parce que ce n'est pas la leur.
J'aime les coquelicots à cause du nom qu'ils portent, co-que-li-cots. C'est gai et il y a même la dedans des rires d'enfants heureux.
Il paraît même qu'il y a des gens qui ont une telle peur de la mort qu'ils finissent par se suicider, à cause de la tranquillité.
Continuant à décrire mes habitudes et mon mode de vie chez moi, après ce problème de nourriture qui a été résolu avec le secours de la religion, comme on verra dans un instant, je remarque que je me rends parfois chez les bonnes putes, et j'emploie ce mot dans son sens le plus noble, avec toute mon estime et ma gratitude, lorsqu'on prend soin de moi. Je me sens soudain au complet quand j'ai deux bras de plus. Il y en a une, Maryse, qui me regarde dans les yeux, lorsqu'elle s'enroule autour de moi, et qui me dit :
- Mon pauvre chéri.