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sur 1546 notes
Romain Gary est un personnage de roman à lui seul. Il a vécu mille vies et a traversé le pire et le meilleur. C'est un homme à la trajectoire exemplaire.
Romain Gary est également un romancier hors-norme, digne des plus grands de la littérature française. Son écriture est d'une puissance qui me fait penser à celle de Victor Hugo. Et je reprendrai à son compte ce que Hugo disait, en parlant de l'écriture : « Le Mot, c'est le Verbe et le Verbe c'est Dieu ! »
Chez cet écrivain, il n'y a pas de mots intempestifs, ni de phrases inutiles. Il y a une écriture exigeante et superbe. La construction de ce roman est également ingénieuse. Elle demande beaucoup d'attention de la part du lecteur. En effet, nous ne sommes pas dans une construction linéaire où l'histoire se déroulerait au fur et à mesure des pages que l'on tourne. La construction est beaucoup plus alambiquée et peut nous échapper si l'on manque d'attention. Plusieurs personnages s'expriment et utilisent le « je », les allers-retours spatio-temporels sont nombreux et il est recommandé de prendre ses repères au risque de décrocher.
Tout tourne autour de « l'affaire Morel » . Un homme qui s'est engagé pour alerter l'opinion internationale au sujet du massacre inutile des éléphants. Un engagement qui l'entraîne à punir celles et ceux qui pratiquent la chasse à l'éléphant soit comme une distraction soit pour un but lucratif (l'ivoire).
Toute l'intelligence de Romain Gary est de nous replacer cette histoire dans son contexte. Nous sommes en Afrique noire (anciennement l'AEF, Afrique Equatoriale Française), dans les années 50. L'Afrique est soumise à des tensions vives où cohabitent une colonisation qui s'essouffle, un islam qui fédère et un communisme qui voit dans l'Afrique le terreau pour son expansion internationale. L'Afrique est une bombe à retardement et les journalistes aiment à y braquer leurs objectifs afin d'en analyser les soubresauts.
Dans ce domaine là, tout comme dans le domaine scientifique, Romain Gary est à la pointe des connaissances. Il sait, mais il sent également, tous les bouleversements qui vont se produire dans nombre de pays africains colonisés.
Morel symbolise le combat pur et sans sous-entendus. Pour lui, l'éléphant est son seul souci. Il sait qu'il y a un énorme travail à faire car, pour le peuple africain, l'éléphant est avant tout de la viande à se mettre sous la dent. Dans un continent où on crève de faim, sacraliser l'éléphant est le cadet des soucis de l'homme africain. Autour de Morel va s'agréger une troupe hétéroclite dont les idéaux divergent singulièrement. Entre les partisans « écologiques » et les partisans « politiques », la division guette car beaucoup le soutiennent afin de porter un coup fatal au colonialisme.

Un livre précieux qui nécessite du temps de cerveau disponible. Je vous conseille de prendre le temps de noter qui est qui car il y a de nombreux intervenants dans cette histoire et il est facile d'y perdre son latin.

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Ce grand roman a parfois été qualifié de roman de l'écologie, ou de roman du (début de la fin du) colonialisme. C'est certainement vrai dans les deux cas : au moment de l'écriture du livre, au début des années 50, le mot écologie n'a pas encore vraiment de sens politique, le premier parti d'influence nationale n'apparaîtra qu'en 1974 avec la candidature de René Dumont à l'élection présidentielle. Quant au colonialisme, la plupart des luttes pour l'indépendance se déroulent dans les décennies 50 et 60, le Tchad, cadre du roman, devenant une république indépendante en 1960. Mais c'est aussi un très grand roman de la solitude et de la condition humaine. Les personnages sont seuls au sens où leurs destins, leurs combats suivent des trajectoires parallèles et ne se rencontrent pas vraiment : que l'on songe par exemple à Morel et Waïtari, à Morel et Minna, Habib et Waïtari et bien d'autres, qui partagent la même aventure pour des raisons totalement différentes. La plupart des protagonistes sont également seuls en ce qu'ils sont en délicatesse avec leur hiérarchie : le gouverneur avec Paris, le jésuite avec la Compagnie, Saint-Denis ou Schölscher avec le gouverneur, le père Fargue avec sa congrégation... La condition humaine enfin, qui peut-être englobe l'ensemble, écologie, colonialisme, solitude n'étant que des manifestations de notre condition, et, "pour l'essentiel, la condition humaine n'était pas susceptible de recevoir une solution politique, l'injustice était telle qu'il n'y avait pas de révolution humaine capable de la redresser."

Romain Gary est un écrivain, un vrai : loin de nous assommer de pénibles développements ou de vaines circonvolutions, il nous raconte une histoire, peuplée de personnages attachants ou irritants, avec leur grandeur et leurs faiblesses, vivants, vrais, et bien sûr humains, ô combien. Ce livre nous réconcilie avec la lecture, avec les pavés de huit cent pages, avec les répétitions et le style indirect, avec les petites choses et les grandes idées -- souvent moins éloignées qu'on ne le pourrait croire.

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C'est le premier livre que je lis de cet auteur et bien qu'il fut paru en 1956, il me semble encore d'une brûlante actualité : il faut sauver les éléphants, et aussi tout ce qui vit sur Terre et cela, d'urgence. A notre époque on est encore plus conscient de l'impact sur tout ce qui vit du dérèglement climatique et beaucoup d'organismes lancent des cris d'alarme. L'écologie est devenue une force et une nécessité pour la survie de notre planète. Lui, il a imaginé un livre tourné vers le continent africain et l'exploitation intensive de ses richesses par l'homme. Déjà à cette époque, ils avaient le sentiment que les espèces étaient menacées et que c'était plus flagrant en ce qui concerne les éléphants d'Afrique, massacrés par l'homme blanc pour l'ivoire et par l'homme noir pour sa chair. L'auteur a su mêler à cette fable écologique une lutte politique visant à libérer les peuples africains de la puissance coloniale. C'est le premier roman écologique, le premier appel au secours de notre biosphère menacée. Depuis, il y en a eu d'autres mais que d'échecs en ce qui concerne les conférences pour la protection de la faune africaine, du thon sur-pêché, des phoques et des baleines en voie de disparition… des terres ravagées par l'exploitation minière, par l'extraction du gaz de schiste, de la mer souillée par nos déchets plastiques et j'en passe. S'il revenait sur Terre, Romain Gary verrait que cela n'a pas beaucoup bougé malgré une prise de conscience mondiale de ces problèmes. Une plume plus journalistique que littéraire mais une belle plume tout de même.
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Romain Gary, grand auteur qu'on ne présente plus.
Ce titre, prix Goncourt 1956 est sans au un doute novateur à l'époque où il fut écrit, évoquant les sujets de l'écologie et du colonialisme.

Cependant, il est vrai que le style est assez lourd. Des pages et des pages de blocs de mots qui se répètent sans cesse. de très longs chapitres et l'absence de repères temporels parfois même au sein du même chapitre viennent ternir la compréhension.

Sans remettre en cause la qualité littéraire et le talent de l'auteur, il ne restera pas mon ouvrage préféré de Romain Gary.
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Alors oui, c'est une oeuvre écologiste, aux descriptions naturelles et paysagères d'une grande beauté - presque tous les personnages sont sensibles aux nuits étoilées. le message écologiste est si fort qu'il pourrait être écrit aujourd'hui, qu'il serait même encore plus fort aujourd'hui alors que les éléphants, d'espèce menacée sont devenus espèce en voie d'extinction, que la sécheresse est encore plus forte avec le réchauffement climatique. Sur le plan social, si les Etats africains ont accéder à une forme d'indépendance, les rêves de Waïtari d'Afrique moderne, développée, accédant à la richesse grâce à l'urbanisation et à l'industrialisation, ne se sont pas entièrement réalisés.
Mais j'y ai d'abord lu une oeuvre sur la solitude. Tous les personnages qui rejoignent Morel - ou qui, au moins, le comprennent - sont seuls. Et ils cherchent quelque chose pour remplir leur existence, lui donner un but : avoir pour ami un haricot sauteur, avoir des rêves de martyr politique pour faire accéder sa nation à l'indépendance, quitter l'armée pour se réfugier dans un monastère, rêver à une femme inaccessible... Ce ne sont pas des nihilistes, s'aperçoit Fields, mais des âmes perdues, qui se côtoient sans se rapprocher entre elles, sans même s'aimer, parce qu'elles ont le même but. Les courts paragraphes sur le mari en deuil, les patients d'un sanatorium... sont très émouvants, car ils montrent que, dans une situation critique, l'humanité a besoin de se trouver un but et un espoir.
Morel est un beau personnage par son obstination - s'il semble d'abord fou, voire naïf, les dernières pages avec sa confrontation avec Youssef et le récit de sa lutte pour les hannetons sont très fortes. Et que dire de Mina, seule femme du roman, si fragile et si forte.
Je regrette cependant certaines longueurs, ou en tout cas un rythme lent qui ne s'accélère qu'à la toute fin, même si j'ai progressivement compris que ces témoignages racontant le passé, ces retours en arrière médiatisés, servent à mieux comprendre Morel pour renforcer le côté dramatique de la fin.
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Que dire qui n'ait déjà été écrit sur ce chef d'oeuvre de Romain Gary. C'est le genre de livre où l'on trouve l'essentiel de la vie. le protecteur des éléphants, Morel, héros du livre, est lui-même en recherche. Mina, perdue dans cette Afrique, se déshabille dans un bar et poursuit elle aussi sa quête. Morel n'a de cesse de lutter contre le trafic d'ivoire qui est à l'origine du massacre des éléphants. Mais, Romain Gary va bien plus loin qu'un roman dit écologique en développant son titre pour finalement expliquer que nous, les hommes, sommes ces racines du ciel qui nous relient à tout ce que chacun nous croyons. Peut-on vivre sans avoir lu ce livre mythique? Oui, bien sûr, mais après l'avoir lu, on se rend compte qu'il nous manquait quelque chose que Romain Gary nous offre, magnifiquement.
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Je me sens un peu trop petite pour faire une "critique" de ce livre. Pas de taille. Alors je vous livre juste mon ressenti.
Un livre long à lire. Et lent. Il ne se passe pas grand chose dans ce livre. On passe juste du temps avec l'Afrique, avec des hommes, et un mystère. Morel. Les éléphants.
Un livre politique? écologique avant l'heure? sur la fraternité? l'égalité? la liberté? la folie? Aucune idée.

Je reste un peu sonnée par cette lecture. J'ai trouvé difficile d'entrer dans le roman avec tous ses personnages qui prennent la parole de manière décousue. J'ai trouvé difficile de suivre le roman car je crois que je ne me passionnais ni pour la sauvegarde des éléphants ni pour le colonianisme.

Mais pourtant je reste sonnée, par ces mots, cette jolie langue qui touche juste. Je suis restée à l'orée de toutes les réflexions philosophiques ou juste humaines, mais j'ai entre-aperçu des pensées humaines très bien décrites. Les personnages ont une grande densité.

Je crois que j'ai trouvé ça beau. Mais je ne suis pas sûre. J'ai touché mes limites de lectrice devant une oeuvre que je ne comprends pas mais qui m'apparaît superbe. Incapable d'en dire plus.
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Mon défi de lire l'ensemble des prix Goncourt m' a donné l'opportunité de découvrir et de lire ce magnifique roman de Romain Gary.
Je connaissais déjà Romain Gary par la lecture de "La vie devant soi" et "La promesse de l'aube".
Bien que j'ai été un peu déçu de "La promesse de l'aube", sa consécration avec deux prix Goncourt, confirme un auteur de grand talent.
En effet, à lire l'ensemble des prix "Goncourt", on lit de tout et il faut bien reconnaitre que de trop nombreux lauréats n'ont pas marqués l'histoire de la littérature !
Ce roman d'une grande ampleur dans lequel, je ne me suis pas ennuyé un seul instant, m'a fait vibrer comme cela n'était arrivé depuis très longtemps avec la lecture d'un livre.
L'histoire en elle même est passionnante et correspond à ma sensibilité pour l'environnement, la nature, les éléphants. Mais il y a aussi l'écriture, la narration qui emporte avec une maîtrise parfaite et qui démontre tout le talent de l'auteur.

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Il n'y a guère que des compliments autour de ce livre...D'autant plus que nous vivions des temps qui sont en accord total avec les préoccupations de Romain – protection de la faune, liberté des peuples...
Pourtant...
le message éclipse le récit; l'écriture de l'auteur ressemble à une végétation de jungle dense et nous devons nous frayer un chemin pour bien comprendre l'histoire. Et, parfois, à travers cette jungle narrative, nous rencontrons un éléphant merveilleux , et une étonnante perspicacité philosophique étonnante, "Dans ma vie, j'ai plus de souffrance que de réflexion,même si je crois qu'on comprend mieux ainsi" ou « La pudeur, qualité d'un homme évidemment sans grande ambition, sans génie, sans magnifiques possibilités, mais tout de même une qualité devant laquelle l'humanité aurait dû hésiter plus longtemps qu'elle ne l'a fait »

Un beau roman, très humaniste, très précurseur.
Je regrette que tant de beauté, ne fasse pas un grand roman,
par manque de maîtrise,
par excès de fougue.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Au risque de me répéter, j'ai un faible pour cet auteur qui a la capacité exceptionnelle de plonger littéralement le lecteur dans la peau de ses personnages. Il a une telle maîtrise du verbe et une telle connaissance de la psychologie humaine qu'il semble avoir vécu intérieurement l'état de chacun de ses protagonistes. Cette oeuvre est pour moi une métaphore sur la part d'humanité et de dignité qui doit être défendue à tout prix, quelque soit la situation et les tentatives de manifestation de la cruauté ou de l'asservissement. Une oeuvre majeure, donc, que je vous invite à découvrir sans tarder.
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