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4,17

sur 1511 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Qualifié après sa parution comme l'un des premiers romans « écologiques », Les Racines du Ciel est aussi bien plus qu'un roman qui parle de sauvegarde de la nature et des éléphants. 1956, en Afrique Equatoriale Française, quelques années après l'Holocauste et alors que l'humanité effectue ses premiers essais nucléaires et que l'on a découvert l'existence des goulags en Sibérie, Morel, ancien résistant, rescapé des camps de concentration nazie met la pagaille dans les rouages encore paisibles de l'administration coloniale : il s'acharne à protéger les éléphants… Les éléphants, massacrés par milliers pour fournir des monceaux de viande fraiche aux chasseurs africains, des tonnes d'ivoire aux trafiquants, du travail aux guides des safaris, les éléphants qui détruisent les plantations des paysans : vaste programme !
Utilisé par le mouvement indépendantiste, haï par les chasseurs, accusé de misanthropie, raillé par presque tous, il prend néanmoins le maquis contre la barbarie et la cruauté sous toutes ses formes, aidé par une poignée de personnages improbables qui l'épaulent dans son combat fou. La dignité à tout prix, celle des éléphants comme celle des hommes, voilà ce que Morel veut préserver : à l'image de son premier combat pour sauver les hannetons alors qu'il était prisonnier des nazis, il se bat avec une énergie confiante et humaniste pour préserver les derniers représentants sur terre d'une époque révolue, affirmant ainsi sa nature humaine contre ce qui cherche à la nier : le totalitarisme la petitesse et l'adversité.
Dans ce roman polyphonique, on découvre la personnalité de Morel et son combat à travers les différents témoignages de ceux qui l'ont côtoyé, aventuriers en tous genres, administrateurs coloniaux ou pères missionnaires : et petit à petit s'esquisse le portrait lumineux d'un idéaliste, un homme pur, confiant et joyeux, aspirant à l'Humanité avec un grand H, la liberté et le respect pour tous.
Un magnifique roman qui, malgré quelques longueurs, me résonnera longtemps dans la tête.
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J'ai peut-être trop attendu de ce livre. Et peut-être aussi les conditions de ma lecture n'ont-elles pas été idéales. Il n'empêche : j'en retire comme l'ombre d'une déception.
Le roman a pourtant beaucoup de choses pour lui, à commencer par son sujet : Morel, le personnage autour duquel s'articule le récit, décide un beau matin de prendre le maquis au coeur de l'Afrique coloniale, avec l'objectif de mettre fin, armes à la main, au massacre des éléphants qui s'y déroule à grande échelle. Les thématiques abordées sont nombreuses (dont évidemment la question coloniale), mais un tel argument de départ fait des Racines du ciel un roman écologiste, abordant même la question de l'éco-terrorisme (ce qui n'est quand même pas banal pour un livre paru en 1956 !). Force est de reconnaître que les questions posées sont plus que jamais d'actualité à l'heure de la nouvelle extinction de masse, le livre interrogeant très directement les responsabilités de l'Homme face à la nature.
Sur un plan purement littéraire, le roman regorge de personnages complexes et passionnants, ainsi que d'atmosphères très réussies (la terrasse du Tchadien qui domine le fleuve, et où se retrouve toute la petite société coloniale, par exemple). La construction du récit, assez labyrinthique, est elle-même franchement stimulante : Morel est en définitive peu présent dans l'action ; il est surtout évoqué par les différents protagonistes, lesquels en citent parfois d'autres, ce qui ouvre de longues parenthèses et donne le sentiment d'un récit-gigogne où se télescopent les points de vue (j'ai le souvenir d'avoir déjà rencontré ce procédé dans un autre grand roman mais impossible de le retrouver... et j'ai bien conscience de ne pas être d'une grande utilité en disant cela).
Le regard posé sur les personnages et leurs motivations m'a souvent paru très juste. Romain Gary évite la facilité qui pourrait mener à en condamner certains irrémédiablement. En cela, le livre lorgne un peu vers le Jean Renoir de la Règle du jeu, sur le thème du « le plus terrible, finalement, c'est que chacun a ses raisons ». Au final, l'entraîneuse de bar, l'administrateur colonial, le reporter de guerre, le jésuite archéologue, le grand chasseur, le jeune indépendantiste marxiste, etc, presque tous finissent par s'accorder sur quelque chose malgré leurs différences, en reconnaissant à Morel la légitimité de son combat.
Pour moi, tout cela aurait dû faire des Racines du ciel un chef d'oeuvre. Mais voilà : bizarrement, l'histoire reste longtemps comme bloquée dans une porte à tambour, repassant inlassablement aux mêmes endroit, répétant peu ou prou les mêmes scènes et les mêmes dialogues, et les mêmes notations sur les personnages. J'ai sauté des passages entiers, assommé par ces redites dont je ne saisis toujours pas l'intérêt. C'est d'autant plus incompréhensible que Gary sait à l'évidence où il va et que sa fin est une vraie fin. Pourquoi se complaire dans ces circonvolutions ? Lui a-t-il manqué un éditeur qui aurait su lui dire qu'il délayait inutilement son propos et que cela affaiblissait son texte ? Questions que j'ose à peine poser, et sans le moindre désir d'être polémique... Quoiqu'il en soit, je dois le reconnaître sincèrement : une pointe d'ennui est plus d'une fois venue gâcher ma lecture.
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Lumineux
Engagé
Salvateur

Responsable
Anticapitaliste (au seul sens possible)
Critique (au meilleur sens)
Important (dans tous les sens)
Nécessaire (même)
Eprouvant (quand on y pense)
Salutaire (toutefois)

Dispensateur
Unique

(d'une)

Critique
Inestimable
Écologique (et)
Libertaire
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Alors oui, c'est une oeuvre écologiste, aux descriptions naturelles et paysagères d'une grande beauté - presque tous les personnages sont sensibles aux nuits étoilées. le message écologiste est si fort qu'il pourrait être écrit aujourd'hui, qu'il serait même encore plus fort aujourd'hui alors que les éléphants, d'espèce menacée sont devenus espèce en voie d'extinction, que la sécheresse est encore plus forte avec le réchauffement climatique. Sur le plan social, si les Etats africains ont accéder à une forme d'indépendance, les rêves de Waïtari d'Afrique moderne, développée, accédant à la richesse grâce à l'urbanisation et à l'industrialisation, ne se sont pas entièrement réalisés.
Mais j'y ai d'abord lu une oeuvre sur la solitude. Tous les personnages qui rejoignent Morel - ou qui, au moins, le comprennent - sont seuls. Et ils cherchent quelque chose pour remplir leur existence, lui donner un but : avoir pour ami un haricot sauteur, avoir des rêves de martyr politique pour faire accéder sa nation à l'indépendance, quitter l'armée pour se réfugier dans un monastère, rêver à une femme inaccessible... Ce ne sont pas des nihilistes, s'aperçoit Fields, mais des âmes perdues, qui se côtoient sans se rapprocher entre elles, sans même s'aimer, parce qu'elles ont le même but. Les courts paragraphes sur le mari en deuil, les patients d'un sanatorium... sont très émouvants, car ils montrent que, dans une situation critique, l'humanité a besoin de se trouver un but et un espoir.
Morel est un beau personnage par son obstination - s'il semble d'abord fou, voire naïf, les dernières pages avec sa confrontation avec Youssef et le récit de sa lutte pour les hannetons sont très fortes. Et que dire de Mina, seule femme du roman, si fragile et si forte.
Je regrette cependant certaines longueurs, ou en tout cas un rythme lent qui ne s'accélère qu'à la toute fin, même si j'ai progressivement compris que ces témoignages racontant le passé, ces retours en arrière médiatisés, servent à mieux comprendre Morel pour renforcer le côté dramatique de la fin.
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Au risque de me répéter, j'ai un faible pour cet auteur qui a la capacité exceptionnelle de plonger littéralement le lecteur dans la peau de ses personnages. Il a une telle maîtrise du verbe et une telle connaissance de la psychologie humaine qu'il semble avoir vécu intérieurement l'état de chacun de ses protagonistes. Cette oeuvre est pour moi une métaphore sur la part d'humanité et de dignité qui doit être défendue à tout prix, quelque soit la situation et les tentatives de manifestation de la cruauté ou de l'asservissement. Une oeuvre majeure, donc, que je vous invite à découvrir sans tarder.
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Ce livre est assez difficile à lire mais il est prodigieux. le premier roman écologique dit-on mais c'est plus compliqué que ça. C'est un livre sur Morel bien sûr, mais plutôt sur le monde qui s'agite autour de lui, qui parle de lui, qui pense que son combat pour les éléphants est forcément un prétexte, que cela ne peut pas être son combat véritable. C'est un livre sur le droit des peuples à disposer d'eux mêmes et l'ambiguïté de leurs combats. Bref, c'est un livre « en biais », remarquable par le style même si on se perd dans les méandres des différents points de vue, de ceux qui « racontent » leur Morel, et finalement qui ne parlent que d'eux…remarquable ! J'adore Romain Gary.
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Dans les années 1950 au Tchad, un homme fait circuler une pétition pour empêcher le massacre des éléphants, décimés par milliers. Lorsqu'il prend les armes, incendie des dépôts d'ivoire et tire sur des chasseurs, c'est la stupeur dans l'administration coloniale. Que veut vraiment cet homme, très vite érigé en héros par certains ? Agit-il uniquement pour la préservation de la faune africaine, ou a-t-il d'autres ambitions politiques, à un moment où l'idée d'indépendance commence à faire son chemin en Afrique Equatoriale Française ? Alors qu'une traque s'organise, les nombreux personnages de ce roman polyphonique prennent partie pour ou contre Morel, objet de tous les fantasmes et de toutes les rumeurs. Tantôt tourné en ridicule, haï, traité d'idéaliste ou de misanthrope, tantôt porté aux nues, incarnant par son combat la liberté et l'humanisme le plus audacieux, cet ardent défenseur de la nature renvoie tous les protagonistes à leurs contractions, à leurs conflits d'intérêt et bien souvent, à leurs fragilités personnelles. Son obstination farouche les questionne et les pousse à agir. Avec ce roman foisonnant qui embrasse des thématiques écologiques et politiques sur fond de colonialisme, Romain Gary dessine un personnage inoubliable, et montre que le respect des animaux n'est pas incompatible avec les exigences du progrès. Un prix Goncourt 1956 d'une actualité confondante.
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L'action se passe en 1956 en Afrique Equatoriale Française (AEF), alors que la guerre d'Algérie a commencé, que la décolonisation s'annonce (les états africains deviendront indépendants quelques années plus tard).
Le personnage principal, ancien résistant, ancien déporté se lance dans un combat fou, faire cesser la chasse aux éléphants. La pensée des éléphants en liberté lui avait permis de sortir mentalement de l'horreur du camp de concentration nazi où il était incarcéré pendant la guerre.
Il tente de faire signer une pétition à Fort-Lamy et gagne la brousse où il conduit des actions spectaculaires. Des mouvements indépendantistes tentent de récupérer son combat. Les autorités françaises le recherchent sans grand acharnement. Suivi par quelques personnes ayant elles aussi une lutte à mener (un naturaliste, une barmaid allemande échappée de Berlin année zéro (1945), un ancien soldat américain, une futur chef de l'insurrection).
Morel disparait à la fin du livre sans que l'on sache si il a été abattu par les indépendantistes qui lui reprochaient de ne pas assez défendre leur lutte, ou si la brousse l'a avalé.
Bien que les villages voient dans les éléphants un grand gibier, un symbole aussi de la vaillance des chasseurs qui le tuent, ils l'appellent l'ancêtre des éléphants.
L'écologie était encore balbutiante à l'époque.
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Un roman qui m'a passionnée et plus d'une fois étonnée par l'actualité de son propos.

L'intrigue se passe pourtant, en pleine Afrique Equatoriale Française. Outre l'administration coloniale, on y rencontre toute une série de personnages échoués sur les bords du fleuve Chari et au fil du récit on apprend les raisons et le parcours de chacun d'entre eux. Mais le protagoniste est un certain Morel, qui se pique, au nom de la sauvegarde de la nature, de faire cesser la chasse à l'éléphant prisée tant comme passe temps par des colons désoeuvrés que par les trafiquants d'ivoire. Face au mépris dont il fait l'objet dans la capitale, Morel s'associe à Waïtari, un "Tchadien" qui rêve d'obtenir l'indépendance de son pays, quitte à faire entrer de force les membres de son peuple dans la modernité. L'éléphant devient donc un symbole de puissance et de liberté.

"Je dois vous dire aussi que j'ai contracté, en captivité, une dette envers les éléphants, dont j'essaye seulement de m'acquitter. C'est un camarade qui avait eu cette idée, après quelques jours de cachot - un mètre dix sur un mètre cinquante - alors qu'il sentait que les murs allaient l'étouffer, il s'était mis à penser aux troupeaux d'éléphants en liberté - et, chaque matin, les Allemands le trouvaient en pleine forme, en train de rigoler : il était devenu increvable. Quand il est sorti de cellule, il nous a passé le filon, et chaque fois qu'on n'en pouvait plus, dans notre cage, on se mettait à penser à ces géants fonçant irrésistiblement à travers les grands espaces ouverts de l'Afrique. Cela demandait un formidable effort d'imagination, mais c'était un effort qui nous maintenait vivants."

Morel fait preuve d'une telle confiance dans le bien fondé de son combat pour l'écologie, qu'il ne peut que déranger son entourage et les autorités qui l'accusent de cacher ainsi son soutien aux groupuscules indépendantistes. Ces derniers en revanche l'accusent de trahison à force de ne donner de l'écho qu'à sa lutte en faveur des éléphants.


"La France seule pouvait le (Waïtari) comprendre et l'apprécier : il se sentait perdu au coeur de l'Afrique, ses sorciers et des fétiches. Il se savait plus intelligent, plus doué, plus instruit que quatre-vingt-dix-neuf Français sur cent : docteur en droit et licencié ès lettres, auteurs d'ouvrages remarqués. Mais il s'était délibérément séparé de la France, d'abord par une erreur de calcul, ensuite, surtout, parce que le système politique français, ses institutions et ses traditions conservatrices ne pouvaient être conciliés avec son ambition, son goût du pouvoir et sa volonté d'imposer à l'histoire l'empreinte indélébile de son nom. Et il se sentait tout autant à l'écart des tribus africaines, parce qu'il représentait une menace pour leurs coutumes ancestrales, une révolution. Il ne pouvait rien attendre de côté-là : il lui fallait atteindre indirectement l'opinion publique mondiale. Mais lorsqu'il essayait de profiter de l'entreprise insensée de Morel pour tenter de lui donner un contenu politique, les masses populaires en Europe et en Amérique prenaient au sérieux cette ridicule histoire de protection de la faune africaine, se passionnaient pour la défense des éléphants et continuaient à l'ignorer, lui, et la cause de l'indépendance africaine qu'il incarnait."

Ce roman foisonne de réflexions et d'informations sur cette période, traite de liberté, du pouvoir, du courage, de l'utopie. Il fait du bien, même si l'on sait que l'histoire, elle, ne se termine pas bien...
Lien : https://meslecturesintantane..
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Un beau livre, quelque peu daté néanmoins. Un thème fort. Morel, rescapé des camps de concentration, consacre toute sa vie, toute son énergie à la défense des éléphants en Afrique équatoriale française (Tchad). Il fait le choix de la « délinquance » ou plutôt de la « vie en marge » pour mener son combat contre tout qui veut porter atteinte aux éléphants que ce soit à des fins commerciales (trafic d'ivoire), à des fins récréatives (zoos) ou à des fins alimentaires (populations locales). Monothématique, il n'a qu'un seul but, qu'un seul souci, qu'une seule finalité : la conservation de la nature. Une forme de célébration de l'écologie avant la lettre. Ecrit en 1956, le roman est au carrefour de deux époques. Il porte la mémoire du nazisme. Dans un camp de concentration, les prisonniers, pour échapper au pire imaginaient les éléphants courir dans les plaines d'Afrique, symbole suprême de liberté et de pureté. Ils consacraient également le peu de force qui leur reste à remettre des hannetons sur leur pattes. Ce que ne peuvent supporter leurs geôliers. Mais les années cinquante, c'est aussi les luttes de libération contre le colonialisme menée ici par un homme (Watari) dont la protection de la nature est le cadet des soucis mais qui veut instrumentaliser le combat de Morel – qui en est conscient – afin de lutter contre la puissance colonisatrice. Chocs de deux espoirs, de deux légitimités… Gary ausculte la réalité sans prendre position. Il y aussi le beau personnage de Mina, allemande, violée à Berlin par les soldats russes et par son oncle, fille légère qui suivra Morel jusqu'à la déraison parce qu'elle aime la nature, parce qu'elle trouve qu'une fille de Berlin devait être à ses côtés et, en fait, parce qu'elle l'aime. Une sorte de rédemption de l'Allemagne, de retour à la pureté, d'espoir revigoré en l'humanité. Et sans doute est-ce là l'enseignement le plus fort véhiculé par Gary. Tout au plus peut-on regretter la longueur et parfois la confusion de son propos, l'efflorescence excessive de personnages et de situations. Il n'a pas ici la puissance qui a été la sienne dans d'autres romans tels l'Education européenne, Clair de Femme ou les Cerfs-volants. Mais l'oeuvre reste forte, l'écriture maîtrisée et l'auteur o combien attachant
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