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Citations sur De sang et de lumière (65)

Il n'y aura de prière
Que celle
Que j'invente.
Je la prends du fond des âges.
Je l'embrasse,
Lui murmure ce que j'ai vu.
Il n'y aura pas de prière
Que celle que je nomme :
Khorshak.

Je la veux rauque,
Je la veux épaisse comme les voix anciennes,
Et ample comme les montagnes du début des temps.
Khorshak,
Prière des peuples,
Pour les vies trop vite avalées.
Le temps de naître,
D'avoir faim,
De chercher à vivre
Et puis
Plus rien.

Extrait "Khorshak" (p.14)
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J'ai dans les yeux ce Sud
Que je n'ai plus jamais cessé d'aimer, de contempler,
Ce Sud qui m'est étranger
Et m'enivre.
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Je viens de terres où je suis étranger,
De terres où je ne suis pas né,
Dont je ne parle pas la langue,
Et qui sont miennes,
Pourtant,
Parce qu'aimées.
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Mais du moins avez-vous existé,
Notre-Dame-des-Jungles,
Et cela ne sera pas oublié.
Je m'arrête là,
Sans entrer dans l'église.
J'ai poussé la bâche qui sert de porte.
J'ai vu les tapis propres,
Les petites lumières, chiches, mais joliment agencées,
J'ai vu l'autel où vous déposez vos espoirs.
Je n'entre pas, ne passe pas le seuil,
Car je ne suis pas un des vôtres
Mais je dépose dans le sable mouillé par la pluie
Les mots que j'ai en moi.
Ci-gît la France qui n'a pas le courage de ses valeur.
Ci-gît l'Europe et mon âme
D'avoir vu votre misère.
Ci-gît un peu de l'homme d'où qu'il soit,
Car en ces terres le mot "frère" a été oublié.
Et lorsque les pelleteuses auront fait place nette,
Lorsqu'elles auront piétiné ce que vous avez patiemment construit,
Elles s'apercevront peut-être,
Mais trop tard,
Que ce sur quoi elles roulent,
Ce qu'elles tassent,
Et font disparaître,
C'est notre dignité.

[Notre-Dame-des-Jungles]
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Oh, douleur muette.
Dans les cales des bateaux négriers,
A quoi avez-vous pensé ?
Souffle contre souffle,
Apeurés par le bruit de l'eau,
Desséchés,
Sans nourriture,
Avec la morsure du sel,
Inquiets de tout.
Oh, douleur des hommes,
Qui avez-vous prié ?
Le voyage est long.
Il vous arrache à tout.
On vous tue,
Pas seulement à votre vie, à votre nom, à votre terre,
Mais à l'homme même.
Quel chant - dans quelle langue - pourra dire la blessure de n'être plus rien ?
Ravalés au rang de bête,
Écrasés à fond de cale,
Entassés,
Bois d'ébène.
Quelle colère plus grande que celle née de ces heures passées dans l'obscurité ?
Quelle colère plus grande
Pour l'éternité ?

[Le chant des sept tours]
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Mais si jamais un jour nous naissons,
Tu sentiras l’évidence d’un accomplissement.
Les crimes que nous avons subis et ceux que nous avons commis s’éloigneront, laissant un ciel lavé.
Des villes naîtront qui ne seront plus des cimetières.
Des enfants qui n’auront plus, au fond des yeux, le voile des maudits.
Alors il nous faudra décider de qui nous serons.
Nous regarderons nos mains et nous nous souviendrons qu’elles ont tué.
[…]
Nous nous souviendrons que nous avons perdu notre sang, parfois, dans des luttes intestines.
Nous regarderons nos pieds et nous nous souviendrons qu’il ont saigné
– Nos fuites, si longtemps, étaient nos seuls voyages…
[…]
Si jamais un jour nous naissons, il nous faudra décider.
Et prie alors pour que nous nous inspirions du ciel
Et que nous choisissions le grand banquet des étoiles,
Le multiple plutôt que l’unique.
La main plutôt que le poing.

(« Si jamais un jour tu nais »)
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Nous devons alors nous résigner à cette vérité
Qui nous coupe les jambes, nous gerce les lèvres et nous assèche comme du bois mort :
Seul le vent est chez lui, ici,
Qui s’empare de nos vies
Et les fait tourner,
Sans arrêt,
Lentement.
Seul le vent,
Les hommes, eux,
Ne sont rien.

(« Seul le vent »)
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Quel chant – dans quelle langue – pourra dire la blessure de n’être plus rien ?

(« Le chant des sept tours »)
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Nous avons besoin des mots du poète, parce que se sont les seuls à être obscurs et clairs à la fois. Eux seuls, posés sur ce que nous vivons, donnent couleurs à nos vies et nous sauvent, un temps, de l'insignifiance et du bruit.
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Et pourquoi pas la joie ?
Au milieu de nos villes escaliers
Où les murs de parpaing suent du béton,
Où les fils électriques dessinent, sur les toits, des ciels d'araignées,
Et pourquoi pas la joie ?
Le temps d'une corde à sauter qui fait tourner le monde,
D'un ballon fatigué qui court de jambes en jambes
Et soulève la pauvreté dans les cris d'enfant,
Et pourquoi pas la joie ?
Les pieds dans l'immondice
Mais le regard droit.
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