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Citations sur La porte des enfers (165)

En disparaissant, les morts emportent un peu de nous-mêmes. Chaque deuil nous tue. Nous en avons tous fait l'expérience. Il y a une joie, une fraicheur qui s'estompe au fur et à mesure que les deuils s'accumulent... Nous mourons chaque fois un peu plus en perdant ceux qui nous entourent...
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Son fils allait rester là, enterré dans ce cimetière. Sa vie de mère était terminée.
Elle colla son front contre la vitre et dit adieu aux mille choses qui faisaient Pippo. Son école. Sa chambre à coucher. Ses vêtements, ceux qu'il aimait, ceux qu'il ne mettait jamais. Elle dit adieu à la joie de se promener avec lui, au contact ténu de sa main dans la sienne. Elle dit adieu à son angoisse de mère qui s'était emparée d'elle dès la grossesse et n'aurait jamais dû la quitter de toute sa vie.
Une dernière fois, elle était avec lui. Une dernière fois, elle l'extrayait du marbre froid de sa tombe pour le faire rire en son esprit. Il était là. Il jouait avec elle. Il l'appelait en courant. Elle ferma les yeux pour que plus rien ne les entoure et qu'elle soit toute à lui.
A la gare de Naples, elle rit une dernière fois avec son fils. Elle savait qu'il n'y en aurait pas d'autre et elle essaya de faire durer le plus longtemps possible son dernier sourire de mère;
(...)
Je sais, au fond de moi-même, que j'ai eu une mère, mais je l'ai chassée. Je me souviens d'elle. Si je fais un effort, je me souviens d'un temps où elle était là, autour de moi, avec une odeur sucrée de bonheur. Et puis, du jour au lendemain, il n'y eut plus rien. La mère était partie. Elle a abandonné son fils. Je me souviens de cela, du vide qui m'a saisi d'un coup. Elle n'a plus pensé à moi. En une seconde. (...) A l'instant où j'avais le plus besoin d'elle, elle s'est dérobée. Quelle mère peut faire cela?
Longtemps, je l'ai sentie, luttant contre l'idée de ma mort, et puis elle a disparu. Elle n'a plus jamais pensé à moi. Quelle mère peut faire cela? Elle est partie. Elle a banni mon nom, le souvenir de mon existence et je suis resté boiteux de ma mère.(...)
Je n'ai pas de mère. Je n'ai pas de mère qui ait pensé à moi comme on pense à son enfant. Mais il reste ce mot,qui se répète à l'infini, ce mot entêtant qui me fait mal. Ma mère.
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Mon père. Je pense à lui. Ce jour est le sien. Mon père - dont je parviens à peine à me rappeler le visage. Sa voix s'est effacée. Il me semble parfois me souvenir de quelques expressions - mais sont-ce vraiment les siennes ou les ai-je reconstruites, après toutes ces années, pour meubler le vide de son absence ?
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Je reviens des Enfers. Qu'y a-t-il à craindre de plus que cela ?
La seule chose qui puisse venir à bout de moi, ce sont mes propres cauchemars.
La nuit, tout se peuple à nouveau de cris de goules et de bruissements d'agonie.
Je sens l'odeur nauséabonde du soufre. La forêt des âmes m'encercle.
La nuit, je redeviens un enfant et je supplie le monde de ne pas m'avaler.
La nuit, je tremble de tout mon corps et j'en appelle à mon père.
Je crie, je renifle, je pleure.
Les autres appellent cela cauchemar, mais je sais, moi, qu'il n'en est rien.
Je n'aurais rien à craindre de rêves ou de visions.
Je sais que tout cela est vrai.
Je viens de là.
Il n'y a pas de peur autre que celle-là en moi.
Tant que je ne dors pas, je ne redoute rien.
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Je te maudis, Matteo. Comme les autres. Car tu ne vaux pas mieux. Le monde est lâche qui laisse les enfants mourir et les pères trembler. Je te maudis parce que tu n’as pas tiré. Qu’est-ce qui t’a fait hésiter ? Un bruit inattendu ? La silhouette d’un passant au loin ? Le regard suppliant de Cullaccio ? Tu as dû réfléchir alors qu’il fallait te faire sourd à tout ce qui t’entourait. Les balles ne pensent pas, Matteo. Tu avais accepté d’être ma balle. Je te maudis car durant toutes ces années tu t’es tenu à mes côtés avec discrétion et constance – mais tu n’as rien pu empêcher, ni rien réparé. A quoi sers-tu, Matteo ? Je comptais sur ta force. Le jour de l’enterrement, tu me tenais serrée pour que je ne flanche pas. Tu as toujours pensé qu’il y avait une sorte de gloire à traverser les moments de douleur avec stoïcisme et retenue. Moi pas, Matteo. Cela m’était égal. Le plus juste aurait été que je me jette sur le cercueil et que j’en arrache les planches avec mes doigts. Le plus juste aurait été que mes jambes se dérobent et que je me vide de toute l’eau de mon corps en pleurant, en crachant, en reniflant comme une bête. Tu m’as empêchée de faire cela parce qu’il y a là quelque chose que tu ne peux pas comprendre et qui te semble inconvenant. Seule la mort de Pippo est inconvenante.
Je te maudis, Matteo, car tu n’es capable de rien.

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Vous n'avez pas l'impression que [ les morts ] vivent en vous ? ... Vraiment... Qu'ils ont déposé en vous quelque chose qui ne disparaîtra que lorsque vous mourrez vous-mêmes ? ... Des gestes... Une façon de parler ou de penser...
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Le téléphone sonnait toujours. Elle finit par entrer dans la chambre et s'approcha de l'appareil avec la faiblesse de ceux qui savent que le malheur est sur eux.
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C'est alors que les premiers cris retentirent, d'abord lointains comme des gémissements d'agonisant puis plus proches et menaçants.
La forêt s'animait comme la mer qui enfle à l'approche du grain.
Le mouvement des arbres était plus ample, plus chaotique aussi.
Ils les sentirent arriver.
Instinctivement, ils rentrèrent la tête dans les épaules mais cela ne servait à rien.
Des ombres fondaient sur eux.
Certaines leur bourdonnaient aux oreilles comme des mouches carnivores, d'autres piquaient sur leur tête comme des oiseaux fous.
A l'instant où elles les frôlaient, elles prenaient l'apparence de goules horribles, de gargouilles asséchées par le temps, puis elles retrouvaient leur forme vaporeuse, tournaient dans les airs avant de fondre à nouveau sur les visiteurs.
Leurs cris déchiraient les tympans.
C'étaient des plaintes animales - comme si une vache avait voulu pousser des cris de hyène.
Elles essayaient de mordre, de griffer, tournoyaient sans cesse.
Elles n'avaient aucun corps et ne pouvaient causer aucune blessure mais leur haine vibrionnante faisait naître une peur panique.
Bientôt, il y en eu des centaines qui se pressaient autour de Matteo et du curé, comme un essaim d'abeilles, allant, venant, ne lâchant jamais leur proie ...
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J'aurais voulu que tu vois ce que je suis devenu, mon père. Un jeune homme fort aux mains larges et au regard droit. j'aurais voulu que nous ayons encore une dernière accolade, mais tu es mort et la terre ne s'ouvrira pas.....
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Elle était belle, sa femme courage aux cernes de malheur. Elle était belle et infinie plus forte que lui. Elle voyait plus loin, regardait le malheur en face. Elle venait de lui demander quelque chose et au fond elle avait raison. Cela ne leur rendrait pas leur fils mais, s'il ramenait à Giuliana la tête de l'assassin, peut-être parviendraient-ils à vivre à nouveau.
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