Pour lui, l'électrocardiogramme est à la médecine ce que le tuteur est au plant de tomates, un guide en toutes circonstances, un prérequis indispensable.
J’inspire, je tente un exercice de visualisation. Je suis un lac tranquille. Cette façon de me donner des ordres m’exaspère un peu, quand même. Un grand lac aux reflets plombés. Il pourrait au moins s’inquiéter de ma disparition, se demander ce qui m’est arrivé ou bien s’enquérir de mon état. Un immense lac immobile et lisse, hermétique aux mouvements d’humeur. Je vais faire de la résistance passive, je ne répondrai pas. Je suis une carpe muette dissimulée dans les profondeurs bleutées d’un grand lac placide dont jamais la surface plane ne se ride sous le vent. Ma vie professionnelle vient de s’écrouler, mais seuls sa présentation et son congrès comptent ! Eh bien, qu’il aille au diable ! Je suis un bouton de fleur…
Je m'endors en pensant qu'Elizabeth a raison, l'instant présent est bien la seule chose qui existe, hier est le fruit de nos souvenirs, demain celui de notre imaginaire, se torturer l'esprit pour un congrès par avance ne procure rien de bon.
Il faudrait que j'explique à mon père que les mots sont semblables à de petites grains de semoule. Leur légèreté te donne l'impression grisante que tu peux en tasser toujours plus dans le bocal temporel mais c'est un leurre. A un moment donné, tu auras beau écrabouiller, ça ne rentrera plus. Qui plus est le bocal sera plein d'une purée auditive indigeste.
Pour moi c'est cela le véritable courage. Savoir être courageux lorsque l'on ne l'est pas. Oser plonger au cœur de soi-même sans se détourner, se laisser apparaître sous les yeux des autres. C'est l'essence même de mon métier de psychothérapeute, et je suis chaque fois ému lorsque j'assiste à l'ébauche d'une transformation.
Une nuée de vagues amples et chaotiques qui se répand sur l'écran, telle la houle déchaînée sous un ciel orageux.
Ce n'était pas un crépuscule.
C'était une aube. L'aube claire et neuve du jour qui renaît.
Il est en fibrillation ventriculaire. La vision est plus belle que le plus pur des ciels d'été.
Ecartez-vous, je vais le choquer.
J'actionne le défibrillateur, son thorax se soulève puis retombe sur le sol. La machine se met à biper avec une régularité métronomique.
Rythme sinusal.
Le cœur est reparti.
Daniel vient d’atterrir.
La chaleur du soleil caresse soudainement mon dos. La porte d'entrée s'est ouverte, l'anesthésiste est arrivé, il prend le relais.
La vie est rude, elle vous laisse entrevoir les vertes promesses de la réserve de friandises avant de vous claquer brutalement la porte du placard au nez.