AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,83

sur 39 notes
5
6 avis
4
6 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je reviens d'un long voyage dans la région des lacs, dans l'état du Minnesota. J'ai ralenti la lecture comme on ralentit pour avancer dans la neige, quand celle-ci entrave les pas, pour observer les alentours, les arbres, les étendues d'eau qu'il faut franchir coûte que coûte, pour m'imprégner des mots, des sensations, des odeurs transmises par l'écriture, pour être au coeur de cette nature majestueuse et indomptable.

Harry disparaît, il se réfugie dans ses forêts, dans ses terres d'eau, ses rivières et ses lacs car même au coeur de la maladie qui emporte ses pensés, il a encore l'intuition qu'il peut choisir la façon dont il va quitter sa vie.
Gus, son fils, sans espoir, part pour le retrouver, tous le cherchent, une traque pour essayer d'être plus rapide que la décision qu'a prise Harry. Ils ne retrouveront que son bonnet dont le pompon a été remplacé, par son propriétaire, par un flotteur en liège : ultime signal envoyé, dernier mot d'adieu, dernière évidence d'une décision librement choisie.

Gus et Berit - celle qui a toujours su qu'elle attendrait à jamais la présence d'Harry dans sa vie, évoquent leurs souvenirs : ce père et ce compagnon qu'ils ont aimé, attendu, qu'ils ont parfois davantage deviné que compris. Gus évoque "le" Harry de ce temps passé en pleine nature pour hiverner loin de tout, dans la cabane au milieu de cette forêt, de l'importance de cette cartographie qui les a amenés jusque là, alors qu'il n'avait pas encore dix-huit ans et Berit fait revivre  "le" Harry jeune homme, celui qu'elle a tant espéré et aussi l'homme mur qu'il est devenu et dont elle a enfin pu partager l'existence au lendemain de cette hivernage tragique.

Le même personnage mais vu par des regards différents qui sculptent un être secret, farouche, volontaire, opiniâtre, parfois ambivalent, nimbé de mystères. Ces mêmes regards et souvenirs ressuscitent la petite ville de Gunflint, ses habitants, ses destins d'émigrés, ses jalousies, la corruption, la violence, la cruauté et même la folie qui l'habitent.


C'est un magnifique récit choral qui laisse la nature souvent hostile et dangereuse prendre possession de notre âme, provoquer les rencontres avec ses occupants : ces animaux que l'on admire, que l'on craint, que l'on accueille en partage pour survivre, si différents de la rencontre humaine qui n'est que violence et abjection, ces indices que l'on croise qui sont autant de clefs pour comprendre Harry.
C'est la rencontre d'un homme, d'une communauté, de destinées souvent marquées par la solitude et le chagrin.
C'est la rencontre d'un fils et d'une femme éprise, d'une famille qui se reconstruit au fil des souvenirs empreints de nostalgie.



Une fois le livre refermé, Berit, vous êtes toujours assise auprès de moi... Et pour longtemps, vous y resterez, je pense. Je ne vous oublierai pas.
Commenter  J’apprécie          467
Gunflint, dans le Minnesota, un matin d'hiver affichant une température bien négative, Gus vint frapper chez Berit. Déjà, en novembre, il était venu lui annoncer que son père, Harry, était parti dans les bois. Un départ sans retour possible selon lui, persuadé dès lors que les recherches seront vaines. Cette fois-ci, dans ses mains, le bonnet de laine rouge de son père, un bonnet privé de son pompon habituel remplacé par un flotteur en liège. Ce simple objet retrouvé brise le coeur de la vieille Berit, pour elle il représente « la preuve de l'ultime peine de coeur » qu'elle peut encore ressentir si intensément pour le seul homme qui ait compté dans sa vie.
Se réchauffant de tasses de café, assis à côté de Berit, Gus veut tenter de comprendre ce départ. Celui-ci peut-il être, enjambant toutes les années traversées depuis, un pont suspendu vers un autre hiver, alors que lui-même était tout jeune, à peine dix-huit ans, trente-trois ans plus tôt ?

Alors Gus parle et Berit donne forme aux souvenirs de ce fils qu'elle aurait pu avoir si Harry l'avait choisie, elle, dès le début. Face à Gus qui lui renvoie l'image de son père, avec ce même sourire, ce choix identique des mots, ces mêmes gestes, elle retourne aussi dans le passé, son passé, ce temps où elle attendait le bonheur qu'elle espérait tant et qui a fini par venir après le divorce d'Harry.

Mais revenons au récit de Gus, celui qui emmène le lecteur, alors que l'hiver 1963 pointe son nez, dans une expédition vers le Nord. Pourquoi, subitement, cette proposition d'un père à son fils de partir hiverner ? Harry avait planifié ce départ de longue date mais Gus en ignorait tout. Est-ce juste une aventure, le désir de partager une excursion avec son fils, ou bien une envie d'échapper à une vie devenue difficile, une fuite ?
Nous guidant magnifiquement « au fin fond du monde sauvage », Peter Geye nous confronte à ce duo plutôt mutique, nous laissant alors tout le loisir de saisir cet espace fait de rivières, de lacs, de gouffres et de précipices. Les canoës chargés sont poussés sur la rivière. Des eaux indomptables, des pagaies plongées dans le courant, des bois dénudés où le souffle glacé nous transperce. La voix puissante du père entonnant des chansons françaises, la mandoline de Gus au coin du feu, les étoiles apparaissant au-dessus de leurs têtes. La ligne lancée pour que quelques filets de brochets complètent le riz dans les assiettes en étain.
Les chutes qui se succèdent nécessitent de nombreux portages, les avancées suivent les sinuosités de la rivière vers le Bois Brûlé puis au-delà, vers les régions frontalières avec le Canada, jusqu'à une cabane où ils poseront leurs sacs.
Derrière eux, de plus en plus loin, la vie à Gunflint, le clan des Aas et leurs affaires douteuses…

Berit vient compléter l'histoire d'Harry, ses propres visions et sentiments envers cet homme diffèrent de ceux de Gus. Son regard sur ses proches, et surtout sur ses ascendants est empreint d'indulgence. Car dans tous les souvenirs évoqués, les conflits et mésententes intergénérationnels se transmettent au sein de cette famille d'origine norvégienne. Les générations précédentes ont laissé des séquelles ressenties dans l'histoire présente, laissant filer aussi de tristes solitudes. Et pour Berit, rien n'est plus beau que le privilège d'être aimée.

Ce roman, c'est un père, un fils, au beau milieu d'un monde sauvage, une femme fidèle à son tout premier sentiment amoureux qui fait ressurgir, avec émotion, tout le passé d'un homme. C'est aussi la répercussion d'ondes provenant des ancêtres, les secrets des uns et des autres rejaillissant dans les vies d'aujourd'hui.

La nature humaine s'affronte dans une nature accidentée qui donne tout son relief à cette lecture magnétique.
Commenter  J’apprécie          335
L'histoire se déroule à Gunflint, Minnesota, une région froide et inhospitalière, aux hivers des plus rigoureux, où Berit vit depuis plus de cinquante ans, depuis qu'elle est arrivée, toute jeune encore, dans cette bourgade. Les caractères des habitants y sont aussi rudes que le climat, et avec les noms suédois ou norvégiens des personnages, et les rigueurs de l'hiver, on se croirait plutôt en Scandinavie qu'aux Etats-Unis. Dans les années 90, la disparition d'un vieil homme nommé Harry, qui part vers la rivière pour ce qui semble être un dernier voyage, provoque un long dialogue entre Gus, le fils de Harry, et Berit, la femme qui a aimé son père. Au coeur de cette conversation, il y a surtout un épisode de l'hiver 1963, où Harry avait emmené son fils encore adolescent, pour un hivernage au fond des bois, au nord de Gunflint, un hivernage qui ressemblait plutôt à une fuite. [...]

Au croisement du nature writing et des drames familiaux scandinaves comme ceux d'Herbjorg Wassmo, ce roman avait tout pour me plaire et il a tenu ses promesses. J'en ai trouvé l'écriture et la construction brillantes, telles que même en l'ayant lu après le grand Dalva de Jim Harrison, je n'ai absolument aucune réserve à émettre à ce sujet. Les éléments passionnants au coeur de ce récit sont les rapports entre père et fils, pénibles et tendus, ainsi que la survie en hiver dans une région frontalière extrêmement froide, compliquée par une menace de plus en plus précise qui plane au-dessus du duo.
une lecture qui laisse des traces, et donne envie de rester encore un peu dans ces forêts aussi enneigées que dangereuses.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          130
L'homme de l'hiver est indéniablement une de mes plus belles découvertes littéraires de l'année !

Ce roman est parfait pour tous les amoureux de la littérature nord-américaine, du nature writing, des grandes histoires ponctuées de tragédies, d'aventures et d'amour. Les éditions Actes Sud nous font ainsi découvrir un auteur incontournable, un auteur qui saura vous plonger dans des récits inoubliables, à la plume incomparable et j'espère sincèrement que ce livre remportera un beau succès.

Au niveau de l'écriture, Peter Geye possède tous les atouts : des descriptions sublimes, magnifiques des paysages qui forgent un personnage à part entière de l'intrigue; des portraits émouvants de chaque personnage et des dialogues vifs et percutants. Tout cela traduit avec talent par Anne Rabinovitch.

Parlons des protagonistes : je suis tombée sous le charme de Berit, une femme tellement forte qui porte presque le roman à elle toute seule. C'est réellement le genre de personnages que l'on ne peut oublier comme Mary Bee Cuddy dans Homesman (Glendon Swarthout). Les autres personnages sont aussi très intéressants : touchants, complexes, brisés ou sombres selon leur personnalité.

L'histoire est tellement forte, puissante, comme le courant imperturbable de la rivière : elle poursuit sa route et entraîne dans son sillage tous les êtres qui la composent, avec des révélations, des drames, des moments d'une grande tendresse. Il faut bien entendu noter qu'il s'agit d'un roman de nature writing où le rythme n'est pas celui d'un page turner, il est fluide, passionnant du fait des personnages sans chercher des scènes d'action ou des rebondissements à chaque page.

En définitive, L'homme de l'hiver est une de mes plus belles lectures de l'année.

Lien : http://leatouchbook.blogspot..
Commenter  J’apprécie          60
COUP DE COEUR ABSOLU : les coups de foudre en littérature nord-americaine sont multiples grâce au #PicaboRiverBookClub. Ils se suivent mais sans jamais se ressembler. Magistrale découverte que ce livre qui est "un truc très beau qui contient tout" pour paraphraser un auteur que j'aime beaucoup, en tout cas il contient tout ce qui fait que la littérature nord-américaine demeure pour moi unique et irremplaçable.
"Ce jour de novembre, deux histoires ont commencé. La première était nouvelle, la seconde aussi vieille que le monde. L'une et l'autre portées par la rivière." Ce n'est pas l'incipit mais une magnifique phrase de la page 13. Et toute la magie, toute la dimension envoûtante et lancinante de ce superbe roman se dessinent déjà. Ce livre nous offre le portrait si vivant d'un absent par deux personnes qui l'ont infiniment aimé - son fils et sa compagne sur le tard - en tentant de ne pas le juger. Une formidable réflexion sur l'amour, la filiation sous toutes ses formes, la rivalité, le secret dans un Minnesota glacial à la frontière canadienne que j'ai ressenti physiquement malgré la chaleur de la région. Mon seul regret est que ce soit le seul livre de l'auteur traduit en français.
Commenter  J’apprécie          30
On se sent bien au bord de ce lac, sous la neige à écouter l'histoire de Gus, de son père Harry et de leur famille. Peter Geye nous offre une ode à la nature et à l'apaisement. La description des paysages est parfaite. On prend le temps d'imaginer la neige entourant les personnages, le froid prenant, les angoisses de Gus et Harry, surtout de Gus… Leur vie, reclus dans cette cabane isolée. C'est très intense pour une lecture étonnante et envoûtante. L'histoire en elle-même est singulière. Gus et Berit sont les deux personnes les plus proches de Harry qui a décidé de finir sa vie là où il se sent le mieux, dans le froid et l'isolement. Berit et Gus nous raconte la vie de Harry et la leur avant son départ. Gus se remémore cet hiver passé au milieu de nulle part, perdus dans une cabane près d'un lac, alors qu'ils étaient partis pour une excursion en canoës. Certes, ils ont de la nourriture, mais aussi beaucoup d'angoisses et bientôt beaucoup d'ennuis. Les ennuis sont surtout dûs au fait que Charlie les cherche. Charlie Aas qui possède beaucoup dans leur région d'origine et qui voudrait encore plus, sauf que Harry sait des choses… Berit quant à elle a longtemps attendu Harry. Elle l'aime depuis qu'elle est jeune, mais n'a pas eu la chance de partager sa vie, du moins au début. Elle s'est rapprochée de son amour sur les dernières années et se souvient de qui était Harry, de sa force, des ses passions mais aussi de ses sentiments bons ou mauvais, et notamment sa relation très particulière avec sa mère. Cette histoire est envoûtante, racontée par les deux êtres qui ont le mieux connus Harry et qui vont nous le présenter. On se plaît à imaginer les paysages, la neige, l'ours ou la cabane dans la neige en plein hiver au milieu de nulle part. C'est poignant de réalisme et de descriptions justes. Une belle histoire autour d'un homme et de ses proches.
Lien : https://cafenoiretpolarsgour..
Commenter  J’apprécie          10

Autres livres de Peter Geye (1) Voir plus

Lecteurs (112) Voir plus



Quiz Voir plus

Nature writing

Quel philosophe est considéré comme le fondateur du Nature writing?

Ralph Waldo Emerson
Henry David Thoreau
Benjamin Franklin

10 questions
100 lecteurs ont répondu
Thèmes : nature writing , écologie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}