Un ouvrage de 1949 dans lequel Gheorghiu retrace la déportation et internement d'un paysan roumain pendant sept ans dans les geôles roumaines, hongroises, allemandes et polonaises pendant la guerre et l'après guerre.
Les deux personnages principaux un laboureur mal dégrossi et un écrivain roumain vont vivre différemment leur internement.
Le premier est un paysan fruste et naïf, un candide qui passe d'ergastule en ergastule sans comprendre quoique se soit à ses internements Il devient selon les circonstances: juifs alors qu'il est orthodoxe , prisonnier en Roumanie avec des juifs et contraint à parler yiddish, prisonnier chez les hongrois, travailleur forcé hongrois envoyé en Allemagne, allemand et garde-chiourme SS, prisonnier des américains gardé par des polonais.
{A noter dans l'adaptation filmo-graphique que le rôle échoit à
Anthony Quinn excellent dans ce rôle du paysan naïf : acteur d'ailleurs très sollicité pour les rôles de « métèques » du mexicain Zapatta au chef peau rouge en passant par le gangster sicilien, Attila et Zorba le grec.
le teint mordoré et la tignasse noire y sont pour beaucoup}
Le second , lettré analyse froidement, en fonction de sa philosophie et à travers son arrestation injustifiée, la dérive vers un monde totalitaire technique et démocratique, bureaucratique et déshumanisé.
Il épouse mal à propos une intellectuelle juive qui ne se présente pas comme telle.
En personnage secondaire La femme de l'écrivain ayant détruit les preuves de sa judaïté pour échapper à la déportation et le père de l' écrivain pope roumain
Ce livre est bizarre car il reste entre deux eaux et laisse un arrière goût d'artifices destinés à masquer une réalité plus atroce ; En effet alors qu'au sortir de la guerre on sait qu'il y a eu génocide des juifs le sujet n'est abordé qu'a travers la déportation et les malheurs d'un brave orthodoxe
Il est vrai que la Shoah au sens de génocide, semble occuper une place secondaire dans le débat d'idées dans ces années là et les écrivains peuvent se permettre de broder et de le négliger. le génocide juif n'est peut-être encore pas apprécié totalement à sa juste valeur.
Quoique... avec «
Si c'est un homme » en 1947 de
Primo Levi , soit deux ans auparavant, on sait déjà bien à quoi s'en tenir !
Le roman de
Robert Merle "
La mort est mon métier" sortira lui en 1952 (pour ne citer que ces deux là) et donc il y a bien des informations dans monde littéraire et surtout celles du vécu des déportés
Et puis les premiers camps de concentration datent de 1933 donc pas d'hier.
On a un peu de mal à voir où se situent certains pays notamment la Roumanie vis à vis de la Hongrie, nazie par défaut. Elle semblerait rester un royaume bien pensant avec toutefois une animosité marquée mais juste pour les juifs et donc participant aux arrestations et dépouillements des juifs pour ne pas mécontenter ses voisins.
Peut être peut-on voir là les relations ambiguës des allemands envers les hongrois, des hongrois avec les roumains: le besoin de vassal et de bouc émissaire .
Avec leurs régimes administratifs bornés il adoptent des politiques « raciales » sans état d'âmes
Ces peuples de l'axe sont , à peine critiqués et sont même parfois présentés sous un bon jour et avec de bonnes valeurs. Lors de la retraite devant les russes les allemands n'ont -ils pas sauvé un pope orthodoxe de la mort en l'emmenant se soigner en Allemagne?
Par contre la Russie est l'objet d'une haine viscérale Toute violence extrême lui est imputée sans nuances ; massacres, viols et autres maux. Elle inspire une terreur impressionnante.
L'écrivain dit « la société repose sur trois valeurs: le Beau des grecs , le Droit des romains et l'humanisme des chrétiens du moyen âge » et « la société de demain sera inhumaine car elle sera technique. L'homme n'est plus considéré comme un individu:il ne recherche que la démocratie et le confort que se soit chez les américains ou chez les russes et donc la société sera inhumaine".
On dénote, chez Gheorghiu, quand même un certain aveuglement en matière d'humanité pour les régimes monarchiques , même prétendus éclairés, à propos des minorités ici juive et tzigane et surtout du peuple extrêmement pauvre
Le ton didactique de l'écrivain peine à convaincre, il est suppléé par celui de son père qui place le débat cette fois-ci sous les auspices religieuses qui viennent étayer le discours de celui_ci. Il semblerait que c'était mieux autrefois, c'est à dire avec le roi, le sabre et le goupillon.
Cependant Gheorghiu fait totalement abstraction dans son roman du bilan de cette guerre d'anéantissement qui a vu la promulgation par les pays de l'axe dont la Roumanie de lois racistes et de génocides de minorités , religieuses : les juifs, et sociales : les homosexuels, les tziganes les handicapés, les communistes et syndicalistes Dans le contexte de cette époque était-il nécessaire de monter en épingle une vulgaire histoire d'erreur administrative ayant provoqué l'internement d'un bon orthodoxe alors qu'il y avait tant de chose à raconter surtout pour un serviteur de dieu.
Un livre écrit bien mal à propos et un discours peu crédible et fallacieux mais de bonne facture littéraire